chapitre 15

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PDV Eijiro:
Le dimanche qui suit, mon papa m'aide à m'habiller tôt le matin. Je le laisse faire sans broncher.
Il a le visage pâle et les yeux cernés. Je touche sa joue.

-Elle ne reviendra pas?

Il secoue la tête.
Je me mets à fixer un point sur le sol.
Mon papa finit de nouer la cravate trop longue pour moi.

-Allez, on va y aller. Tu ne veux pas manger quelque chose avant de partir?

Je lui fais signe que non.
Nous sortons de la maison et marchons en silence jusqu'à l'église. Le chemin est long comme si quelqu'un s'amusait à étirer la route pour ne pas qu'on atteigne ma maman.
Quand on arrive, il y a quelques personnes rassemblées. Je vois notamment l'aubergiste, son fils et Minoru ainsi que Mme Kaminari et Denki. Ce dernier me fait un grand sourire mais il s'efface tout de suite lorsqu'il voit les larmes dans mes yeux.
Avec mon papa, on va s'asseoir sur un banc devant. Un cercueil est déposé devant l'autel. Peu de temps après, un prêtre arrive et se met à dire la messe. Mais je l'écoute à peine. Je ne fais que fixer la boîte qui renferme le corps de ma maman. Elle sera heureuse au moins de l'autre côté ? Pitié, il faut qu'elle soit heureuse...
Au bout d'un moment, mon père s'avance. Je l'attrape par la manche par réflexe. Il s'agenouille devant moi et passe sa main dans mes cheveux, comme pour me rassurer. Mais lorsque je vois ses yeux, je vois que sa détresse est aussi grande que la mienne. Alors je lui fais un câlin, devant tout le monde, pour lui donner de la force. Puis il finit par me lâcher et va à la place du prêtre. Il regarde d'abord tout le monde qui est venu puis il commence à parler. Sans voix tremble tellement que j'ai peur qu'il craque à tout moment.

-J'avais rencontré ma femme il y a maintenant dix ans. On était jeunes à cette époque, la tête pleine de rêves. Elle était resplendissante pendant tout le temps qu'on était ensemble. Elle n'hésitait pas à... à se donner corps et âme pour subvenir au besoin et aux envie de sa famille. Elle apprenait à notre fils à reconnaître les plantes de la nature. Et moi, elle me préparait toujours de bons petits plats. Comme vous le savez, on habite un peu loin à cause de mon travail alors on ne connaissait pas beaucoup de monde. Mais elle aura été heureuse de vous croiser dans la rue, de vous avoir rencontré ou souris. Je crois qu'elle nous manquera tous...

Un silence.

-Repose en paix Chérie.

Durant son discours, les larmes ont coulé mais il a réussi à se contrôler. Pourtant, quand il revient à sa place, il se met alors à hoqueter sans pouvoir s'arrêter. Et moi aussi, je me mets à sangloter, le suivant ainsi dans sa douleur.
Le prêtre parle encore un peu puis il appelle deux hommes pour porter le cercueil. Suivant le cortège macabre, nous nous dirigeons tous au cimetière derrière l'église. Et là, le cercueil est posé dans un trou puis il est recouvert petit à petit de terre. Certaines personnes jettent des fleurs sur la boîte encore visible avant qu'elle ne soit cachée pour toujours.
Quand la cérémonie est finie, des gens se mettent à venir nous voir, papa et moi, pour nous présenter nos condoléances.
Je m'extirpe de cette foule oppressante et vais me cacher un peu plus loin. Je m'assois contre un arbre, dos au monde, et observe les oiseaux continuer à voler malgré la tragédie.

-Eh le pervers, ça va?

La tête du prince apparaît devant moi.
Je ne réponds pas.
Il s'assoit en tailleur en face de moi et me regarde sincèrement peiné.

-Je suis désolé pour ta maman.
-Qu'est-ce que tu veux?
-Je voulais m'excuser pour...

Il devient alors un peu rouge.

-Enfin tu sais, j'ai mal parlé de toi. Je voulais m'excuser. C'était pas contre toi, c'était le seul moyen que j'avais pour ne pas qu'on t'amène au château.

Il passe sa main dans ses cheveux. Je remarque plusieurs bleus sur son poignet. Je tente de l'attraper mais il retire vivement son bras.

-Qu'est-ce que tu t'es fait?!
-C'est rien.

Je me jette sur lui et remonte la manche de sa chemise malgré ses protestations. Je remarque alors son bras tuméfié et bleu-violet.

-Comment tu t'es fait ça?! Et ne me raconte pas de salade!
-Putain, tu lâches pas l'affaire toi!

Il baisse sa manche, visiblement gêné, et observe les alentours.

-Mon père en a juste mare que je me fasse la malle du château alors il a un peu trop serré mon bras.
-Un peu trop?!

Il devient encore plus rouge.

-Ça arrive pas souvent. Faut juste pas l'énerver.
-Comment ça "pas souvent"?!

Le prince se ratatine sur lui-même.

-De toute façon, je peux rien y faire, c'est comme ça.

Un silence.
Le vent s'engouffre dans nos cheveux et les fait voler légèrement. Je ferme les yeux et repense à la chaleur de ma maman. J'aurai aimé un dernier câlin...
Je sens une petite larme rouler, encore.
Le prince me tend un mouchoir en tissu. Je m'essuie les joues.

-Merci.
-Ça te dit qu'on fasse la paix?

Je cligne des yeux et l'observe.

-On oublie ce que j'ai dit et je t'appelle plus pervers. En échange, on devient amis.

Il me tend la main. Je mets quelques secondes avant de la serrer. Le visage du prince s'illumine.

-Alors tu peux m'appeler juste Katsuki! Oublie que je suis prince!
-C'est un peu compliqué vu tes habits...
-On s'en fiche! Tu es mon premier ami, alors tu as le droit à des privilèges !

Je fronce les sourcils.

-Tu n'as jamais eu d'amis?

Il rougit.

-Tais-toi idiot! Bon, je vais y aller. Si mon père se rend compte que je suis parti, je vais me faire... Euh... gronder. Allez à plus tard Eijiro mon premier ami!

Il s'en va.
Une fois seul, je m'adosse bien contre l'arbre et ferme à nouveau les yeux. Je me laisse alors aller au chagrin.
Et sans que je m'en rende compte, je finis par m'endormir.

***
Quand je me réveille, je sens quelqu'un contre moi. Je tourne la tête et vois les cheveux blonds de Denki. Il est endormi contre moi.
Je baisse les yeux et je vois que j'ai gardé le mouchoir du prince... enfin de Katsuki.
À côté de moi, le garçon s'agite un peu avant d'ouvrir les yeux. Il s'étire, baille puis me regarde.

-Ah tu es réveillé ! Ma maman parle avec ton papa. Ils m'ont dit de venir te tenir compagnie!

Je hoche la tête.

-Ça va? Tu tiens le coup?

Je ne réponds pas. Il connaît très bien la réponse.

-Moi, tu sais, je connais pas mon papa. Apparemment, il est mort un peu après ma naissance dans un accident alors je m'en rappelle pas. Mais avec ma maman tous les deux, on vit très bien.

Il se replace sur mon épaule de manière plus confortable.

-Tu as pas trop mal?

Je pose ma tête sur la sienne.

-Je veux plus y penser...
-Oui, excuse-moi.

Nous restons là tous les deux jusqu'à ce que nos parents viennent nous chercher.

C'est notre secretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant