Tu tomberas avec moi

Chapitre 6

Hans

Le front collé contre la vitre froide, je contemplais les goutelettes s'y déposer, s'entrechoquer. La berline avançait à toute vitesse sur les sentiers.

Je repenssais à la journée du bal avec nostalgie. C'était décidé, j'irai parler à Gustav.

Le véhicule s'immobilisa dans un crissement de frein. J'ouvrais la portière dans un claquement. Nous étions arrivés à destination. Franz sortit de la place du conducteur pour me rejoindre, ses pas marqués par le bruit des graviers sous ses chaussures.

- Ça va pas bien ma petite "französich". Tu veux que je te tienne la main. Me cria t-il par delà mon épaule.

- Ta gueule ! Lui braillai-je dans un éclat de rire.

Il me donna un petite tape dans le dos. Entre nous cela était un jeu, on s'insultait à longueur de journée.

Nous étions tous deux les plus jeunes de notre brigade. Pourtant nous n'avions pas de mal à nous intégrer. Les autres étaient plus gradés mais nous considèraient comme tel, même Gustav se mettait à notre niveau quelques fois, j'ai bien dit quelques fois. Mais quand nous étions en mission tout le monde se remettait à sa place et il n'y avait pas de problème.

À l'intérieur, la pièce était pleine à craquer. Officiers, soldats, policiers, qu'ils soient français ou allemands étaient réunis pour écouter les informations mensuelles. Seuls les plus hauts gradés prirent la parole, dont Gustav.

Ils commencèrent par faire un bilan du dernier mois, sur ses bons et mauvais côtés. Puis ils donnèrent les objectifs de celui-ci. Un silence de mort règnait entre les rangs, chacun écoutait attentivement les instructions.

Quand la séance fut terminée, la salle se vida à un vitesse éclair, chacun reprit au plus vite son poste. C'était le moment ou jamais.

Franz me fit signe de le suivre mais je lui dis de m'attendre à l'extérieur.

Je pris une grande inspiration, je savais ce que je devais faire. Pourtant je doutais. L'appréhension me rongeait. Devais-je manquer de respect à mon supérieur ? Puis je m'imaginais le visage de cette femme déformé par la crainte. Non ! Je devais faire ce qui me semblait juste quoi qu'il en coûte.

Il rengeait ses documents posés sur une table dans sa mallette en cuire, avant de se redresser et de me faire face.

- Soldat que faites-vous encore ici ? Vous devriez être à votre poste ! Gronda-t-il de sa voix grave et rauque.

Mon cœur s'emballa, mais je ne pouvais renoncer tout de suite. Pas avant d'avoir au moins essayé.

- Oui mon colonel. Je voulais vous parler avant mon colonel. Répondis-je avec le plus d'assurance que je possèdais en cet instant.

- De quoi voulez-vous me parler, soldat ? Interrogea-t-il.

J'hésitai avant de continuer :

- De cette jeune femme que vous dites être votre "proie" mon colonel.

Son regard s'assombrit. Il se tenait droit le menton relevé, comme pour me forcer à me soumettre :

- Ce ne sont pas vos affaires !

- Je sais mon colonel. Je pense qu'il serait juste que vous nous montriez l'exemple..

Il me coupa net ne me laissant pas le temps de continuer :

- Pensez-vous être en mesure de me donner des conseils, soldat ? Ma vie privée ne vous regarde pas. Maintenant retournez à votre poste !

Et merde, j'avais réussi à l'énerver, après tout je m'attendais à quoi comme réaction franchement ?
Je tournais les talons, les points serrés en signe de protestation. Je ne pouvais rentrer bredouille. Ne sachant pas pour quelle raison, je m'attachais à ce qu'il paye pour ses erreurs. Une idée s'illumina dans ma tête. Mais oui pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt ! La poignée entre mes doigts, je me retournai avant de lancer :

- Mon frère en jugera pour moi mon colonel.

Touché ! Un rectus se forma sur son visage, j'avais réussi à l'intimider. Dehors, je m'empressai de rejoindre Franz dans la voiture. À ma vue il esquissa un sourire, que je lui rendis immédiatement. Je ne m'en étais pas si mal sorti, après tout.