Chapitre 40

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Je cours aussi vite que je le peux sans un regard en arrière. Il continue de pleuvoir à tout rompre mais je m'en fiche, je continue sans m'arrêter comme si le diable était à mes trousses. Le village est vide et les habitants ont pour la plupart déserté. J'aperçois cependant une femme et ses enfants, enfermés sous une tente, blottis dans une couverture. Cela me fait de la peine de les voir comme ça. Mais je ne peux rien faire pour les aider tant que cette guerre n'est pas finie. Je dépasse la tente en trottinant et arrive enfin au palais. Je gravis les marches du perron à toute allure et entre dans le bâtiment, essoufflée. L'intérieur du palais est en ruine, des cadavres sont entassés sur le sol et la pièce est s'en dessus-dessous. Certains murs sont écroulés, d'autres sont couverts des taches de sang. Dans certains coins de la pièce gisent des blessés attendant de l'aide. J'avance à grands pas et les opposants à ma vue comprennent que j'ai tué Andrew et que nous avons gagné. La tête basse, ils se dépêchent tous de déguerpir du palais. Je ne cherche pas à les rattraper, nous reviendrons dans peu de temps les chercher pour les emmener en prison.

Je continue d'avancer à la recherche de mes amis et les aperçois au fond de la pièce, formant un cercle autour de deux corps. Deux personnes sont mortes. J'avance prudemment vers eux de peur de découvrir leur identité. Et si Enovan avait pris une balle ? Au bout d'un moment Lynda m'aperçoit et court vers moi, les larmes aux yeux.

-Ça y est ? s'écrit-elle, tu l'as fait ?

J'acquiesce avec un air entendu. Je vois bien qu'elle essaye de m'empêcher d'avancer.

-Que s'est-il passé ici ?

Elle détourne le regard en serrant les dents, je vois mes amis me regarder au loin avec une mine déconfite. Je remarque alors mon frère en pleurs.

-Qui est mort ? je m'écrie, les larmes aux yeux

-Tess et... Tracy.

Au son de ce dernier mot, un cri de douleur s'échappe de ma bouche et toutes les larmes que je retenais glissent à flot sur mes joues sales. Je cours vers son corps mais Alex se met en travers de mon chemin pour m'empêcher de voir son cadavre. Il me retient dans ses bras fermes comme pour me protéger mais je le repousse avec vivacité.

-Laissez moi la voir, je crie entre mes larmes

Mes amis s'écartent pour me laisser passer et je m'agenouille auprès d'elle.

Les yeux clos, allongée là par terre, elle paraît sereine. Mais je ne peux supporter un tel spectacle. Je la prends par les épaules et la secoue.

-Tracy, réveille toi !

Je ne cesse de pleurer et mes larmes coulent sur son doux visage. D'un revers de manche je les essuie tout en continuant d'essayer de la ranimer.

-Elle ne peut pas mourir, elle ne peut pas me laisser.

Je dégage ses cheveux noirs de son visage fin et murmure :

-Tracy, s'il te plaît, reviens...

Je sens une présence dans mon dos, à bout de force, je me retourne et remarque Enovan qui me prend dans ses bras. J'enfouis mon visage dans son épaule en reniflant. Je le serre tellement fort qu'il ne doit plus pouvoir respirer mais je m'en fiche, j'ai besoin de lui, plus que quiconque.

-Comment-elle est morte ? je bégaye

-Une balle dans la poitrine, dit-il en doucement

Je suffoque, j'ai besoin d'air, je ne peux plus rester là. Je me détourne d'Enovan et cours me réfugier dehors. J'inspire et expire profondément tout en essayant de calmer mes tremblements. Ma meilleure amie est morte. Je n'entendrais plus jamais son rire ni même sa voix. Je ne pourrais plus jamais voir son sourire, lui raconter mes problèmes, passer du temps avec elle. Elle n'est plus là, elle m'a quittée. C'est avec elle que j'ai grandi, que j'ai appris à m'accepter, à me battre. Quand j'avais besoin de me défouler ou de parler, c'était toujours elle que j'appelais et elle arrivait tout le temps à me remonter le morale, à me faire rire et à me calmer. Et aujourd'hui elle n'est plus là, je l'ai perdue.

J'entends des pas dans mon dos et remarque mon frère, le visage encore baigné de larme qui s'approche de moi. Il s'assoit à mes côtés et me prend simplement dans ses bras. Lui aussi la connaissait aussi bien que moi, ils se charriaient souvent et faisaient équipe lors de combat à deux. Même s'il ne me l'a jamais dit, je sais très bien que mon frère l'aimait beaucoup voir plus qu'une simple amie.

-J'étais en train de me battre en corps à corps avec un opposant lorsqu'un homme a foncé sur elle. Je suivais la scène des yeux tout en me battant, lâche t-il soudainement, il a sorti son pistolet et lui a tiré dessus sans hésiter une seule seconde. Je n'ai pas eu le temps d'agir, elle était déjà morte. J'aurais tant voulu l'aider, la protéger, lui dire tout ce que je pensais d'elle mais non, elle gisait là froide comme la pierre dans mes bras.

Son discours me bouleverse et je sens les larmes remonter.

-Tu as fait ce que tu pouvais Yohann, personne n'aurait pu la sauver.

-Elle es morte par ma faute, si j'étais resté près d'elle, elle ne serait pas morte.

-Ne dis pas ça, tu n'y es pour rien. Toi aussi tu étais attaqué, tu as fait ce que tu as pu.

Il renifle et recommence à pleurer contre moi. Voir mon frère si malheureux me fait mal au coeur. Mais je peux pas craquer à nouveau devant lui, je dois rester forte. Tracy était une personne incroyable et elle s'est battue à nos côtés, pour que l'on puisse vivre.

-Elle va me manquer, je lance simplement le regard dans le vide

Il cesse de pleurer et relève la tête, ses yeux rouges se plantent dans les miens et il déclare :

-Je l'aimais.

-Je sais, je réponds, moi aussi, plus que tout au monde.

Le reste de nos amis arrive, mettant fin à notre discussion.

-Les corps ont été ramenés au palais, il est temps d'y aller.

Kira s'approche de moi et me tend sa main pour m'aider à me lever. Je la serre dans mes bras et elle me chuchote :

-Je suis désolée pour ton amie, je suis là si tu as besoin de moi.

-Merci, je murmure, je n'hésiterais pas.

Elle me serre encore contre elle puis me relâche. Je prends mon frère par le bras, étant donné qu'il ne peut pas voyager seul et repasse mon tatouage. Le tourbillon vient nous envelopper et nous disparaissons de la planète PIRA.

Une vie, une destinéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant