Un nouveau départ (1/4)

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Comté de LaPorte, Indiana, fin mai 1915


Le joyeux repas de fête à la maison Pony s'était achevé en une apothéose de rires et d'embrassades. Candy avait éprouvé beaucoup de joie au contact de ses amis, tous réunis pour l'occasion.

Cependant, elle n'oubliait pas Anthony, Alistair et Terry et, plus tard dans sa chambre, elle ne réussit pas à trouver le sommeil... La journée avait été riche en émotions. Les événements de ces derniers mois, de ces derniers jours avaient bouleversé beaucoup de choses. Pour finir, découvrir qu'Albert, l'oncle William et le Prince de la Colline n'étaient qu'une seule et même personne avait été totalement inattendu pour elle.

Les pensées se bousculaient dans sa tête sans qu'elle parvienne à y mettre de l'ordre. Elle se tournait et se retournait dans son lit sans réussir à se détendre et le sommeil la fuyait inexorablement.

Elle était à l'aube d'une vie nouvelle et malgré l'excitation qu'elle éprouvait face à la nouveauté, la tristesse et la mélancolie encombraient toujours son cœur.

*****

Quelques heures plus tôt, alors que tous étaient partis se coucher, Albert et Candy s'étaient tous deux assis devant l'âtre de la maison Pony et ils avaient longuement discuté.

- Quand je pense que tu étais mon "Prince de la Colline"... j'avais 6 ans et j'étais amoureuse de toi, tu sais... Comment dois-je t'appeler maintenant, monsieur Albert ou grand-oncle William ? Je suis un peu perdue devant tes multiples facettes... lui avait avoué Candy, un doux sourire au coin des lèvres.

- Albert ne te convient pas ? C'est pourtant un nom qui me plaisait bien... répondit-il en souriant à son tour. En revanche, si tu pouvais arrêter de dire "monsieur"... Tu me considérais comme un frère autrefois, laisse-moi l'être officiellement désormais.

- Alors va pour Albert... après tout, c'est toujours ainsi que je t'ai appelé et... mais je croyais que le grand-oncle William était mon "père adoptif" ?

- J'ai demandé à Georges que le nécessaire soit fait pour que l'on nous considère désormais comme frère et sœur. Ca n'a pas été simple mais Georges a obtenu une dérogation.

- Alors maintenant, tu es officiellement mon frère...

Elle s'interrompit brusquement. Si elle avait compris et accepté que rien ne serait jamais plus comme avant, toutes ces nouvelles avaient totalement achevé de la désorienter.

- Qu'y a-t-il Candy ? Tu as l'air si mélancolique, subitement... demanda Albert en posant une main sur son épaule. Te souviens-tu que nous nous étions promis de tout partager, le bon comme le mauvais ? Tu sais que tu peux toujours me parler, n'est-ce pas ? L'idée que je devienne ton grand frère te déplait donc tant que ça ?

Sentant les larmes lui monter aux yeux, la jeune fille se blottit dans les bras d'Albert qui la serra tendrement contre lui.

- Oh Albert, bien sûr que non... Je suis très heureuse de t'avoir pour frère mais je me suis sentie si seule quand tu es parti... Et puis, il y a eu la mort d'Alistair et... et Rockstown, et ces pseudo-fiançailles avec Neil... et aujourd'hui... j'ai... même si j'ai gagné une vraie famille et un frère, j'ai l'impression d'avoir aussi perdu mon ami Albert et... et j'ai aussi perdu mon Prince de la Colline et... tous mes repères. Oh, Albert... dit Candy en éclatant en sanglots.

- Candy, Candy..., dit Albert en la serrant contre lui. Pleure petite Candy, tu en as besoin, mais cependant, écoute-moi attentivement... Certes, les choses ont changé et elles changeront encore... Tu le sais mieux que personne car ta courte existence a déjà connu bien des événements et retournements de situation en tous genres. Je comprends aussi que tu te sentes perdue, ces derniers mois ont été particulièrement difficiles pour toi, je le sais bien.
Mais je n'ai pas changé, Candy. Pour tous mes amis et pour ma famille proche, je suis Albert, parce que c'est le nom qu'affectionnaient ma mère et ma chère Rosemary.
Et pour toi, plus que tout autre, je resterai Albert. D'autant que tu es celle qui me connait le mieux et qu'aujourd'hui, tu sais que je suis ton tuteur légal. Nous resterons liés à jamais, petite Candy.
Quant à ton Prince de la Colline, ce n'était que moi mais... je n'ai jamais oublié la petite fille qui ressemblait tant à ma Rosemary. Ce jour-là, Candy, ton sourire m'a caressé l'âme. Ton insouciance et ta spontanéité m'ont mis tellement de baume au cœur, si tu savais... La mort de Rosemary m'avait vraiment atteint, je me sentais si seul, si perdu... Quand je t'ai retrouvée chez les Legrand, bien des années plus tard, j'ai décidé de veiller sur toi... de loin.
Je crois qu'à ce moment-là déjà, j'avais fait de toi ma petite sœur de cœur. Si je n'avais pu protéger ma grande sœur, je pouvais m'occuper de toi et faire en sorte de t'aider.
A l'époque, j'étais moi-même encore très jeune et je menais une vie de sauvage ! C'est grâce à toi que j'ai peu à peu repris contact avec le monde et la société. Ta générosité, ta gentillesse, ton cœur et ta joie de vivre m'ont tant apporté que je n'ai pas hésité une seconde lorsqu'il m'est apparu que la meilleure façon de te protéger serait de t'adopter.
D'autant plus que les lettres d'Anthony, Alistair et Archibald m'avaient conforté dans ma décision. A l'époque, Georges m'a longuement expliqué les conséquences et les obligations auxquelles j'allais devoir faire face en devenant légalement ton tuteur légal. Mais même si j'avoue n'avoir jamais réussi à être un véritable père pour toi, je savais que je pourrais veiller sur toi de loin. Et je pouvais t'apporter la sécurité et la protection qui vont de pair avec le nom des André. Quant à moi, je ne pouvais rester qu'Albert pour toi, petite sœur de mon cœur
La raison principale de mes cachotteries, c'est que je ne pouvais pas assumer le rôle de grand-oncle William. Devenir le vagabond Albert était plus facile pour moi et surtout plus en accord avec la personne que j'étais et que je voulais être. Je ne suis pas sûr que nous aurions pu être aussi proches si tu avais su dès le début qui j'étais réellement, mais je reste le même, termina-t-il.

Les collines de la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant