Laisser du temps au temps (1/3)

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Comté de LaPorte, 6 mai 1916


Candy replia la lettre qu'elle avait écrite à Terry. Après un court moment de réflexion, elle la rangea... avec toutes les autres. Dans une boite qu'elle cachait dans son secrétaire.

Elle venait de lui conter en détail le mariage d'Annie et d'Archie, combien ils avaient l'air heureux. Archie voulait emmener Annie en voyage de noces en Europe mais la guerre continuait à ravager le vieux continent. Ils partirent donc pour la Floride en se promettant de repousser ce voyage à plus tard.

Hormis les quelques articles de presse qu'elle trouvait dans les journaux, Candy n'avait pas de nouvelles de Terry. L'an passé il avait joué Hamlet à New-York avant d'entamer une tournée de plusieurs mois dans tout le pays. Les représentations avaient connu un grand succès et Terry jouissait désormais d'une grande renommée, son talent avait été reconnu par tous et partout.

Plus récemment, elle avait lu qu'il préparait Coriolan, toujours de Shakespeare. La pièce serait donnée en première représentation en juillet prochain.

En décembre dernier, un journal à scandales avait fait paraître un article sur Suzanne ; il y était dit qu'elle séjournait dans une clinique new-yorkaise depuis plusieurs mois. Le journaliste avait également laissé entendre que sa santé mentale pouvait être en danger. Quant à Candy, elle n'avait plus jamais reçu de lettres de Suzanne mais elle doutait sérieusement de la véracité des faits.

Elle avait envoyé ses vœux à Éléonore Baker, lui demandant comment allaient Terry et Suzanne. Cette dernière lui avait répondu très vite et semblait ravie d'avoir de ses nouvelles.

Candy sortit sa lettre d'un tiroir pour la relire.

"New-York, le 2 janvier 1916

Très Chère Candy,

C'est avec un immense plaisir que j'ai reçu votre lettre et je vous en remercie. Je vous présente moi aussi tous mes vœux de bonheur, santé et prospérité pour cette nouvelle année.

J'ai lu avec plaisir que vous vous épanouissiez dans votre vie et votre travail à LaPorte. Les enfants dont vous m'avez parlé ont l'air charmants et j'ai eu très envie de venir vous rendre visite.

Si vous l'acceptez, dès que mon emploi du temps me le permettra, j'aimerais venir vous voir à la maison de Pony. Votre frère Albert, que j'ai récemment rencontré, m'a dit tellement de bien de cet endroit que cela m'a encouragée à vous présenter cette requête.

Vous m'avez demandé des nouvelles de Suzanne, elle réside depuis septembre à la Clinique Montgomery, ici à New-York. Elle y est soignée par un médecin formidable, de Chicago, qui travaille avec elle pour qu'elle puisse marcher avec une prothèse. Je crois qu'il l'apprécie énormément ce qui l'aide beaucoup à progresser ; normalement elle devrait sortir durant l'été mais il est aussi possible que cela soit plus long. Si elle réussit, elle pourra recommencer à jouer au théâtre ce qui serait formidable pour elle.

Habituellement, Terry passe la voir tous les jours, hormis pendant ses tournées bien sûr. Il travaille beaucoup et s'investit énormément dans chaque pièce. Il a récemment passé une audition pour le rôle de Coriolan. J'y ai assisté en cachette et je l'ai trouvé formidable. Je sais bien que mon regard de mère n'est pas très objectif mais je pense qu'il obtiendra le rôle, car la qualité de son jeu d'acteur était nettement supérieure aux autres. Depuis septembre, il écrit également beaucoup... Il m'a fait lire certains de ses textes et je les trouve magnifiques. Il paraît trouver un réel apaisement dans l'écriture, il semble s'y ressourcer et y puiser une nouvelle raison de vivre, ce qui lui fait beaucoup de bien.

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