Laisser du temps au temps (2/3)

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Chicago, le dimanche 6 août 1916


Albert riait aux éclats, Candy grimaçait tant qu'il n'arrivait plus à garder son sérieux. Elle était si concentrée et tendue par la conduite de la Ford T qu'il lui avait achetée qu'elle n'arrivait pas à garder une trajectoire rectiligne.

- Albert, je ne trouve pas ça drôle ! dit-elle sans perdre sa concentration

- Oh si, c'est drôle ! Si tu voyais les grimaces que tu fais ! dit Albert en reprenant son souffle.

- J'arrête ! Pour aujourd'hui ça suffit ! dit-elle d'un ton boudeur.

Elle arrêta la voiture devant la maison des André. Albert l'aidait à s'entraîner depuis deux heures dans le vaste parc du manoir.

- Dis-moi, Albert, c'est vrai qu'il n'y a pas d'examen pour savoir si quelqu'un sait conduire ? demanda Candy soudain redevenue sérieuse.

- Dans certains états, si mais c'est surtout réservé aux chauffeurs professionnels, répondit Albert doucement.

- Mais c'est dangereux ! dit Candy avec un air scandalisé. Je ne m'en doutais pas autant avant d'avoir essayé mais en fait, quelqu'un qui conduit mal pourrait blesser quelqu'un !

Albert sourit à Candy en entendant sa remarque.

- Tu as raison, Candy. Mais tout ça est une question de politique, tu sais. Il faudrait faire voter des lois pour cela, mais ce n'est pas si simple.

- Déjà que je n'ai pas le droit de voter ! dit Candy d'un air outragé.

- Tu sais qu'il existe un parti des femmes qui milite pour cela, il a été fondé cette année ! Malheureusement, Woodrow Wilson ne pouvait pas prendre le risque de les soutenir avant sa réélection mais je crois savoir qu'en fait, il n'y est pas totalement opposé. D'autant que sa nouvelle femme y serait également favorable, dit Albert sérieusement.

- Et comment tu sais tout ça, toi ? dit Candy impressionnée.

- Parce que la famille André est souvent sollicitée par les politiciens et... j'ai donné des fonds pour le Parti des Femmes, elles ont le projet de faire voter un amendement, dit Albert simplement.

Candy sourit à Albert

- On vous a déjà dit que vous étiez un homme formidable, monsieur André ?

- N'exagérons rien, dit Albert, un brin gêné. A part ça, si on réessayait de conduire un peu ? Maintenant que tu es un peu plus détendue, ça devrait aller mieux !

- Bon, d'accord, lui répondit Candy, après un court moment de réflexion.

*****

New-York le 6 août 1916


Suzanne avançait doucement dans le couloir, elle se concentrait beaucoup sur sa démarche. Elle se déplaçait aujourd'hui sans aide mais ses pas étaient peu assurés. Arrivée devant le bureau d'Allan, elle prit une grande inspiration et frappa à la porte.

- Oui, entrez, prononça la voix rauque et chaleureuse d'Allan.

Elle poussa la porte doucement et vit Allan, assis à son bureau, penché avec beaucoup de concentration sur un dossier. Le soleil entrait généreusement dans la pièce et illuminait ses cheveux couleurs de jais. Il releva la tête et posa ses yeux aux reflets d'argent sur Suzanne.

Un grand sourire éclaira son visage et il se leva aussitôt pour se diriger vers Suzanne qui s'avançait.

- Bonjour Suzanne ! lui dit-il. Je suis vraiment heureux que vous soyez venue jusqu'à mon bureau. Venez, allons nous asseoir.

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