L'usure du temps (3/4)

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Los Angeles, samedi 8 décembre 1923

C'est Albert qui accueillit Candy lorsqu'elle arriva à la gare de Los Angeles. Il l'accompagna chez elle où elle fit la connaissance de Josefina, qui viendrait tous les jours pour s'occuper de la maison et de la cuisine.

Alexandra était restée à la maison avec leurs deux filles, Cristina et Cassandra, ainsi que leur petit garçon, Antoine, né quelques mois plus tôt. Albert avait promis à Candy qu'ils se verraient tous dès le lendemain. Auparavant, il avait souhaité rester seul avec elle afin qu'ils puissent discuter tranquillement.

Quand les enfants furent couchés, ils s'installèrent sur la terrasse face à la mer pour prendre un thé. Ils s'assirent côte à côte sur le sofa et Candy ramena ses jambes sous elle avant de poser sa tête sur l'épaule d'Albert qui la serra contre lui.

- J'ai la sensation d'avoir remonté le temps, dit doucement Candy. C'est une drôle d'impression qui me rappelle les bons moments que nous avons passés ici tous les deux.

- C'était il y a cinq ans, maintenant, dit rêveusement Albert. Nous étions encore tous les deux célibataires. Tu as raison sur ce point, nous avons passé de très bons moments ici. Mais... je voudrais que nous parlions un peu de toi, ma puce.
Quand Éléonore m'a dit que tu étais épuisée et malade, je dois bien t'avouer que j'ai été très inquiet. Et je l'ai été d'autant plus quand elle m'a expliqué que tu subissais une pression importante de la part des journalistes. Ici, je n'ai vu aucun des derniers articles dont elle m'a parlé mais j'imagine que cela a du beaucoup te faire souffrir, n'est-ce pas ?

- Ce qui me démoralise le plus, répondit-elle dans un murmure, c'est que Terry et moi ayons pu nous laisser atteindre par ces maudits articles. Il me manque tellement, Albert, si tu savais...

- Je m'en doute, petite sœur, je m'en doute. Vous vous êtes disputés, c'est ça ?

- Oui, mais... ce sont les circonstances qui sont à blâmer. Cela fait trop longtemps que nous sommes séparés voilà tout. A son retour, les choses s'arrangeront. Enfin, je l'espère... parfois je me sens gagnée par l'angoisse. J'ai si peur de le perdre, Albert... je ne sais pas si je pourrais le supporter.

- Tu ne le perdras pas, Candy. Il est bien trop fou de toi pour ça. Il est peut-être un peu jaloux et soupe-au-lait mais toi aussi, n'est-ce pas ? Ne doute pas de son amour, je l'ai vu vivre l'enfer sans toi, il ne prendra pas le risque de te perdre encore.
Je le connais depuis longtemps, moi aussi et je suis certain qu'il est déjà en route pour venir te retrouver. D'autant plus qu'il aura lu ta lettre. En attendant, je suis là alors ne t'inquiète pas. Et je t'ai fait installer le téléphone alors si tu as le moindre souci, tu m'appelles, tu me le promets ?

- Oui, Albert, c'est promis.

- Bon, alors, je vais y aller, maintenant. Mais je reviens demain avec toute la smala, prépare-toi !

Ils rirent ensemble et se séparèrent après de tendres embrassades.

*****

Quand Terry était arrivé à New-York, il avait trouvé sa maison vide mais un mot d'Éléonore, laissé bien en évidence, lui demandait de la rejoindre chez elle. En regardant le courrier arrivé en son absence, il vit que Candy n'avait pas reçu sa dernière lettre et une vague d'inquiétude le submergea. Il se précipita chez sa mère et la trouva dans son petit salon. Il prit à peine le temps de l'embrasser.

- Où sont-ils ? demanda-t-il aussitôt.

- Je vais te le dire, mais assieds-toi, nous devons d'abord parler, répondit-elle sans sourire. Je devrais me fâcher contre toi, j'ai même eu très envie de te gifler mais j'ose espérer que ce temps de réflexion passé loin d'ici t'aura permis de porter un regard un peu plus objectif sur la situation et je te demanderai de ne pas m'interrompre.
Tu t'es comporté très sévèrement avec Candy lors de ta dernière visite. Et tu ne lui as pas non plus laissé le temps de te dire que la photo que tu as vue dans ce journal a été prise lors d'une soirée à laquelle elle assistait avec plusieurs autres personnes, dont je faisais partie.
En France, Candy a travaillé avec un chirurgien, le docteur Albert Jones, qui lui a demandé de retravailler avec lui à la clinique Montgomery. Candy ne t'en a peut-être pas parlé mais elle a revu ce médecin alors qu'on lui remettait une décoration pour son travail durant la guerre.
A Paris, ils ont notamment eu pour patient un jeune homme qu'ils ont retrouvé à la clinique d'Allan. Ce jeune homme vit à New-York et a souhaité remercier Candy et le docteur Jones en les invitant à passer une soirée dans un club de jazz. Il se trouve que ce club est dirigé par la personne qui partage sa vie. Cette personne est aussi un très bon ami à moi, il s'agit de Pat Cummings. L'homme qui était sur la photo avec Candy. Il éprouve énormément de gratitude pour Candy et ce qu'elle a fait pour Thomas, qu'il considère comme l'amour de sa vie.
Maintenant que je te l'ai dit et que tu es au courant, je te demanderai de ne pas ébruiter cette information concernant la vie privée de Pat et de Thomas, cela va de soi.
Quant à Candy, elle a été profondément bouleversée par ta dernière visite. Elle est tombée malade le lendemain de Thanksgiving et le médecin a fortement recommandé qu'elle parte se reposer au soleil. Mais ce dont elle a vraiment besoin, c'est de l'amour de son mari, l'homme qu'elle aime désespérément et qu'elle craint tellement d'avoir perdu qu'elle en pleure toutes les nuits.
Pour ta gouverne, ce n'est pas elle qui m'a parlé de ce qui s'était passé entre vous mais j'ai su que tu avais crié et que tu étais parti aussitôt les enfants couchés. Et c'est Kyle qui me l'a dit parce qu'il t'a entendu et qu'il était derrière sa mère quand tu es parti et qu'elle s'est effondrée en larmes.

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