Homo Homini Lupus

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5jours depuis l'atterrissage. 5jours que Rubis tourne en rond dans sa grande cabine et le poste de contrôle de l'Aube. Elle fait un bilan mental de la situation:
- Les stocks d'eau et de nourriture sont au plus bas.
- Les mécaniciens ne peuvent pas réparer les dégâts.
- Les signaux de détresse restent sans réponse.
- Deux morts et un blessé grave.
Elle s'interrompt. Le bilan est mauvais, elle le sait. Pourtant, que faire?
Rubis, une talentueuse pilote spatiale en formation, est coincée sur une planète inconnue. A quoi pourrait-elle être utile?
Le doute de Rubis croît toujours plus pendant que le temps s'échappe impunément.
Alors qu'elle est toujours à broyer du noir, on toque à sa porte.

"Oui?" fait-elle simplement.

La porte coulisse pour laisser entrer un lieutenant qui se met aussitôt au garde-à-vous avant de parler:

"- Capitaine, certains passagers deviennent incontrôlables. Des bagarres ont déjà éclaté dans les secteurs 1 et 4. Deux membres du personnel se sont fait agresser parce qu'ils refusaient de donner des informations, qu'ils n'avaient pas d'ailleurs.

- Comme si nous avions besoin de tels enfantillages! Je vais aller leur parler franchement, rétorque Rubis.

- Si je puis me permettre, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Les hommes désœuvrés sont imprévisibles.

- Merci du conseil, mais je m'en tiendrai à ce que je viens de dire."

Sur ces mots, le lieutenant se retire et Rubis se prépare à sortir sur le pont principal.
Cinq minutes plus tard, après s'être rendue présentable, elle se dirige vers le plus grand salon de l'Aube. Elle est accompagnée d'un second, qu'elle apprécie particulièrement pour sa lucidité et sa vivacité. Sur leur chemin, ils croisent quelques passagers qui les oppressent de questions.
Le capitaine leur répond simplement qu'elle va communiquer sur la situation actuelle dans le grand salon.
Alors, tous la suivent et l'effet de foule attire encore quelques personnes, de sorte que lorsqu'elle débarque dans le salon, une dizaine de personnes lui emboîtent le pas.
L'oisiveté avait poussé d'autres voyageurs à se retrouver devant la grande baie vitrée.
Ainsi, ils sont une quarantaine dans la salle lorsque Rubis commence à discourir.

"- Chers passagers, je ne vais pas vous mentir, les nouvelles ne sont pas bonnes. Différente facteurs me laissent penser qu'il serait bon que nous nous établissions sur Gyr pour un moment. Je sais que cette nouvelle ne vous plaît pas, cependant il ne faut pas oublier qu'à tout moment, un vaisseau pourrait recevoir nos signaux de détresse."

Des protestions s'élèvent dans la foule amassée autour du capitaine de l'Aube.
Sans se préoccuper du brouhaha, Rubis continue:

"- Dès à présent, je vous demanderai d'économiser nos ressources. L'eau et la nourriture sont précieux, donc évitez toute consommation inutile..."

Au milieu de son discours, Rubis sent une douleur perçante au niveau de l'épaule. Une femme vient de lui lancer un objet. Interloquée, Rubis regarde la petite femme qui crie comme une possédée:

" Incapables! C'est de votre faute si nous sommes perdus sur cette planète isolée. Sans vous nous serions déjà arrivés!"

Quelques approbations se font entendre et le brouhaha s'intensifie alors que le second de Rubis tente de la sortir de ce mauvais pas.
Mais un petit groupe de personne, échauffés par les paroles de haine proférées plus tôt, attrapent Rubis par la manche de sa veste.
Paniquée, elle tente de se dégager avec l'aide de son allié. Rien n'y fait, une ruade la fait tomber au sol. L'un des hommes la frappe dans le ventre et le capitaine de l'Aube se tord de douleur, le souffle coupé. Du coin de l'oeil, elle voit son second décoller du sol après avoir pris un coup dans la mâchoire. Quelques gouttes écarlates viennent se perdre dans le rouge du tapis.
Écrasée par la masse compacte, Rubis sent de nouveau une douleur à la jambe, à la hanche, puis à la poitrine...

Fys sort de la salle d'exploration après sa journée passée à construire le poste avancé. Il se dirige vers le salon principal pour admirer la vue dégagée qu'offre la baie vitrée. Sur le chemin, il se souvient de l'atterrissage de l'Aube. Il se trouvait dans ce salon, à la fois calme et animé, et observait l'extérieur. Un réflexe de son métier.
Il remarque alors un bruit sourd qui provient du bout de couloir. Le pionnier accélère le pas et débouche dans le grand salon de l'Aube.
Les sens en éveil, il analyse instantanément la situation.
Quelques personnes au sol, des affrontements entre des passagers, qui submergent les membres d'équipage.
Fys voit alors le corps de Rubis, au milieu de la mêlée. Trois personnes sont en train de la rouer de coups, tandis qu'elle reste au sol, impuissante.
Le pionnier s'élance et arrive derrière l'un des hommes qui maltraite le capitaine du vaisseau. Il lui assène un simple coup sur la nuque et l'homme s'effondre.
Dans le même mouvement, Fys se place entre le corps inanimé de Rubis et les deux assaillants restants.
Ceux-ci ont un mouvement de recul devant l'attitude nonchalante du pionnier et la souplesse empreinte de grâce de ses mouvements. Sa garde est tout simplement parfaite et il s'avance lentement vers ses adversaires. Il semble flotter, et bouge sans aucune saccade.
Sentant que leur adversaire est chevronné, l'homme et la femme qui battaient Rubis s'enfuient.
Pendant ce temps, l'émeute s'atténue. Et on entend bientôt quelques gémissements émaner des personnes restées au sol.
Dans le calme après la tempête, on entend clairement les paroles de Fys:

"- Lewis, venez immédiatement dans le grand salon. Nous avons cinq blessés, beaucoup d'ecchymoses, peut être des fractures.

- Oui, j'arrive", répond la voix ensommeillée du docteur.

*

Une heure plus tard, Calypso entre dans la salle d'exploration. Elle y découvre Fys, assis sur une chaise devant son aquarium.
Sans se retourner, il dit à son équipière:

"- Viens voir, ils naissent déjà!"

Calyspo est étonnée du ton excité du pionnier. Elle s'approche, pose ses main sur les épaules de Fys. Elle approche son visage de celui du pionnier et pose son regard sur l'orbe construit par l'animal.

"- Excuse moi de te déranger, mais je viens te dire que Rubis va mieux. Heureusement pour elle, tu étais au bon endroit au bon moment", souffle l'ancienne militaire.

- Il est vrai. Connais-tu Einstein?

-Un vieux scientifique de l'époque pré-spatiale. Quelle rapport?

- Si je me souviens bien, il aurait dit un jour:

"Il n'existe que deux choses infinies, l'univers et la bêtise humaine... mais pour l'univers, je n'ai pas de certitude absolue."

GyrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant