Aby peste une dernière fois contre l'écran sur lequel se trouvait la figure de Calypso quelques minutes auparavant. Serron, puis Fys, et maintenant Calypso et le reste de l'équipe! La jeune femme s'effondre sur le bureau, les larmes aux yeux. Tant de morts déjà, une semaine ne s'est même pas écoulée depuis la panne de l'Aube.
Sanglotant, elle se remémore le visage de Fys, quadrillé de cicatrices. Sa froideur apparente, mais aussi sa malice lorsqu'il l'avait affectée à l'aménagement de cette salle. Sa douceur aussi, ou peut-être son étrangeté, lorsqu'il s'occupait de son pensionnaire aquatique. Ce moment aussi, de contact bref entre leurs peaux.
Elle ne connaît que trop bien le sentiment de tristesse profonde qu'elle ressent en ce moment.
L'arrachant à cette dépression momentanée, le visage sec de Rubis s'affiche sur l'écran. Aby sèche ses larme et accepte l'appel."Aby, quelles sont les nouvelles?"
Narrant les derniers évènements, la jeune femme insiste fortement sur la nécessité de venir en aide aux pionniers. Une petite minute de discussion parvient à trouver un accord entre les deux femmes: le lendemain matin, à l'aube, une grande expédition sera organisée pour retrouver les disparus.
Le lieutenant de Rubis l'interpelle soudain, il semble inquiet:"Capitaine, il semblerait que les mécaniciens aient trouvé un problème mécanique dangereux qui requiert votre attention!
- Je viens. Aby, je vous recontacte demain matin, 6heures précises.
- Compris capitaine!"
Rubis coupe la communication, et la jeune femme retourne à la solitude de la salle d'exploration. Elle était si pleine de vie jusque là! Calypso discutant avec Scott autour d'un verre, Fys entretenant son arsenal d'outils... tout cela est éteint à présent.
Elle se lève et s'approche de l'aquarium. Sortant un peu de nourriture immangeable pour les humains, elle donne leur pitance aux poulpillons. Ces derniers jours, une grande partie des petits sont morts. Il n'en reste plus que quatre vivants. Aby retire du pavé de verre le petit corps inerte d'une des créatures. Elle observe un instant la belle couleur du petit, avant de jeter le cadavre dans la poubelle. Elle soupire. Encore la mort. Une fois de plus. Le jeune femme en vient presque à regretter la vie artificielle et calfeutrée de sa planète natale.*
Aby est réveillée en sursaut par le réveil intégré à son brassard. Son front est marqué par les aspérités du support sur lequel elle s'est endormie: le bar de la salle d'exploration. Elle se lève et grimace. Son dos a mal supporté la nuit dans une position assise. En effet, la jeune femme s'est endormie la veille assise sur une chaise haute, affalée sur le meuble.
Sortant difficilement de sa torpeur, Aby se prépare rapidement pour la lourde journée qui l'attend. Une toilette rapide, une inspection de son équipement et le temps du trajet jusqu'à la sortie de l'Aube, elle est prête.
Le soir d'avant, Rubis et elle avaient planifié l'expédition du jour. Aby en fait partie, puisqu'elle possède une certaine connaissance de l'environnement. Lewis l'accompagne, ses compétences seront peut-être utile, bien qu'Aby espère le contraire. De plus, dix hommes volontaires et armés les escortent.
Il est 6 heures et demie , et le soleil commence à poindre au dessus des filaments nuageux qui constellent la toile orangée formée par le ciel matinal.
Rubis se trouve elle aussi sur le pont, surveillant les préparatifs sous l'oeil inquiet de quelques passagers. En effet, les stocks de nourriture constitués les derniers jours n'ont pas permis de nourrir suffisamment tous les voyageurs: la situation est critique.
Malgré une certaine appréhension, Aby prend la tête de groupe, et transmet un maximum d'informations aux membres de l'équipe." Notre objectif est de découvrir ce qu'il advient de l'équipe d'exploration, la dernière émission de leurs brassards nous ont permis de localiser leur position. Il semblerait qu'ils soient regroupés, mais nous n'avons pas d'informations supplémentaires."
La jeune femme est interrompue par une secousse. Elle sent une force incroyable frapper son dos, la projetant avec violence vers le sol spongieux de Gyr. Clouée au sol, sa vision se trouble un instant. Ses oreilles sifflent, formant un incessant bourdonnement dans son crâne. Après des secondes trainant comme des minutes, elle recouvre la vue. Sa tête endolorie peine à se remettre. Lewis se penche sur elle. Un petit filet de sang s'écoule lentement sur son front. Saisissant enfin le sens des paroles du docteur à travers le sifflement de ses oreilles, la jeune femme se redresse, pour découvrir un affreux spectacle. Un trou béant défigure maintenant la coque de l'Aube, des débris métalliques jonchent le sol mousseux de la planète, contrastant avec la verdure usuelle.
Alors que le bourdonnement s'atténue, des cris percent le silence post-explosion.
Dans les décombres, Lewis et Aby tentent d'aider ceux qu'ils croisent. La scène est à la limite du supportable, difficile d'évaluer le pire entre l'odeur de chair brûlée et les cris des mourants.
Peu à peu, un groupe de survivants se forme. Sur la droite d'Aby, un gémissement s'élève. Elle tourne la tête, apeurée. Une petite minute plus tôt, Lewis et elle avaient secouru un jeune homme dont la jambe était empalée sur une barre métallique. Le spectacle avait laissé des marques dans son esprit. Se ressaisissant, elle appelle finalement un des rescapés, resté proche d'elle. Tous deux se dirigent vers l'origine du râle.
Derrière une morceau de coque arraché par l'explosion, ils remarquent un bras dépassant du dessous de la carlingue."Il y a un survivant ici, aidez nous à soulever ceci! Lewis, il reste encore des bandages?
- Nous arrivons sur la fin des réserves, je ne m'attendais pas à en avoir besoin pendant le voyage."
Avec l'aide de trois autres passagers, Aby retourne le morceau métallique.
Le visage couvert de sang, un bras formant un angle non conventionnel, Rubis git. Aussitôt, Lewis se précipite, inspectant les blessures de Rubis."- Elle s'en sortira, l'état du Capitaine est meilleur que celui de son vaisseau." grince Lewis.
Deux heures après l'explosion, Aby fait une nouvelle fois un compte rendu mental de sa situation. Encore pire qu'auparavant. Il ne sont plus que trente-deux. Soixante-neuf cadavres s'alignent, partiellement consumés, sur la mousse tendre et verdoyante de Gyr.
" Ébé, c'est des chèvres les mécanos d'nos jours! J'sais pas c'qui s'est passé, mais c'avait été mon affaire, rien ce s'rait passé pour sur! Et Hank serait toujours de c'monde! Oh déesse! Pourquoi t'as laissé d'pareils touristes dev'nir mécano!
- Reposez vous! interrompt Lewis, penché sur Pascal. Aby, viens, nous devons parler."
Les deux s'éloignent, laissant le blessé sur son brancard.
"Je n'ai presque plus rien: ni bandages, ni alcool, ni pommade régénératrice. Pascal a perdu son bras droit, il est vieux... peut-être que le peu qu'il me reste devrait être alloué aux autres blessés...
- Non! s'exclame Aby. Chaque vie est précieuse, nous devons répartir les soins entre tous les blessés. À ce propos, comment se porte Rubis?
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Gyr
Science FictionIci, nous vivons. Nous vivons d'elle. Elle nous nourrit de sa peau, de sa chaleur et de ses entrailles. Elle est tout pour nous, mais nous en prenons si peu soin. Nous cherchons à la connaître mais elle nous étonne toujours, nous émerveille, nous m...