Gyr

Calypso

Au bord du fleuve devenu tumultueux, Calypso, Scott et Al scrutent les remous en aval. À peine vingt secondes plus tôt, Fys se tenait à leurs côtés. Maintenant, s'il n'est pas encore mort, il est au mieux englouti par les flots.

Le trio reste hagard un bon moment. Ils ont perdu leur meneur, et ne peuvent plus rejoindre l'Aube, qui est maintenant entourée de boue rougeâtre. Et le pionnier ne refait pas surface.

Les secondes, puis les minutes s'éternisent, sans le moindre signe de vie. Le trio finit par se détourner du fleuve ensanglanté.
Calypso allume son lifepad, et tente de contacter l'Aube.

"Aby? (un moment passe)Aby, tu me reçois?"

Les secondes s'égrènent, longues comme des heures. Le temps semble suspendu. Peu à peu, les trois aventuriers réalisent. Leur groupe étêté est à présent coupé de l'humanité. Ils n'ont plus le moindre contact avec l'Aube, et sont livrés à eux même sur ces terres inhospitalières. C'est à cet exact moment que, tendant l'oreille, Al remarque un bruit sourd, qu'elle n'identifie pas directement. Un cri de Calypso vient éclaircir l'incompréhension de la jolie rousse.

"- Ils partent! Ils partent sans nous! Regardez, l'Aube vient de décoller!"

En effet, le vrombissement qu'entendait Al provenait des moteurs de l'Aube. Médusé, le trio assiste impuissant au décollage du vaisseau.
La série d'évènements récents assomme le groupe. En à peine une heure, la situation s'est fortement dégradée.

De son côté, Scott sent un mélange de rage et de résignation l'envahir. La planète avait eu raison de son frère, et le laisse maintenant isolé, loin de toute civilisation. Calypso le tire de ses noires pensées:

" Il ne faut pas rester ici. Nous sommes à découvert. Suivez moi, nous allons vers l'avant poste. Nous devrions être en mesure de contacter l'Aube à partir de l'ordinateur installé là-bas.

- Bonne idée, lui répond Al, il faut absolument qu'on arrive à les rejoindre."

Toujours enfermé dans son inquiétant mutisme, Scott emboite le pas aux deux femmes. Ils s'enfoncent dans la forêt aux immenses feuillus. Sur le chemin en direction du camp ménagé les jours précédents, ils sont interrompus par le cri atroce d'une des créatures translucide. Le groupe se fige, et tente de déterminer l'origine du hurlement. Sans succès. Le bruit se répercute entre les branches entrelacées, et les sons sylvestres, mélange de craquements et de piaillements, ne facilitent pas la tâche des aventuriers. Cependant, ils parviennent à une conclusion simple: la créature n'est pas un danger immédiat.
Le groupe reprend sa marche attentive, guettant le moindre fait inhabituel.
Calypso mène le groupe. Naturellement, elle a pris le statut de meneuse du trio, son entrainement de militaire et son charisme naturel aidant.
Après quelques minutes, ils aperçoivent les bâtiments salvateurs, disposés de façon circulaire. Épuisés par les événements, ils ne remarquent pas que la mousse est retournée par endroits. En lisière du campement, des yeux les observent. Ces espions sont immobiles, silencieux et invisibles dans la pénombre de la jungle. De parfaits prédateurs embusqués.
Calypso se trouve à présent devant le dôme formé par le bâtiment central. Par un système simpliste de reconnaissance d'ADN, la porte coulisse en un chuintement discret.
Au moment d'entrer, L'oeil de Scott est attiré par un éclat aveuglant. Le soleil du crépuscule vient de percer la couverture nuageuse, et ses rayons se reflètent subitement sur un objet métallique dans les sous-bois.
Intrigué, Scott plisse les yeux. L'objet cesse de luire. "Pourtant, le soleil n'a pas bougé, pense l'homme, cela signifie que..."

"Attention!" crie Scott, avant de se jeter sur Al, l'entraînant à terre avec lui.

Calyspo, déjà entrée dans le dôme, se retourne et voit un projectile passer au-dessus de ses compagnons. Malgré ses réflexes, elle met une seconde de trop à réagir, et un second projectile se fiche dans le bras d'Al, qui grimace de douleur. Ils sont tous les deux à quelques mètres de l'entrée, et sont couverts par l'une des structures, qui limite l'angle d'attaque des assaillants.
Scott traîne la blessée vers la porte d'un bâtiment adjacent, ouvre la porte et se faufile à l'intérieur.
Calypso enclenche la fermeture de la porte de son propre abri, et n'a que le temps de voir un autre projectile, une pointe de métal, longue d'une dizaine de centimètres, se ficher dans la porte de l'habitacle protégeant ses camarades.
Aussitôt, elle prend contact avec eux:

"Que s'est-il passé? Vous allez bien? demande-t-elle, inquiète.

- Al est blessée au bras, elle saigne beaucoup. Je vais faire ce que je peux pour la soigner, mais je ne suis pas qualifié dans le domaine.

- Je vais essayer de contacter l'Aube, les conseils de Lewis nous seront utiles."

Calypso coupe la conversation, et se dirige vers l'ordinateur central.

"Calypso à l'Aube, vous m'entendez?"

Pas de réponse. Désespérée, elle tente à nouveau d'établir le contact.

"Aby? Dis moi que tu me reçois! Oh déesse, faites qu'elle réponde!"

L'écran reste figé. Calypso prend sa tête entre ses mains et pose ses coudes contre le bureau.
Un coup sourd contre la porte de son abri la fait sursauter. Dehors, elle entend des cliquetis. Un deuxième coup retentit, plus fort. La porte tient bon. Le cerveau de la prisonnière est en ébullition. Elle cherche un moyen de s'échapper, mais le dôme est entièrement clos.
Dans son dos, un grésillement se fait entendre. La pauvre femme se retourne, et voit avec soulagement le visage d'Aby apparaître sur l'écran.

"Calypso, tu es toujours là?

- Aby, nous avons deux gros problèmes..."

L'ancienne militaire se lance alors dans une courte narration des évènements de la journée. Derrière elle, d'autres coups retentissent sur la porte de l'habitacle, ébranlant la construction.

" Aby, nous avons besoin d'aide, maintenant! Conclut Calypso, dans une supplique.

- L'aube ne pourra pas se poser proche du camp, et une éventuelle équipe de soutien mettrait une vingtaine de minutes, si c'est n'est plus, pour parvenir jusqu'à vous. Sans compter la dangerosité de la jungle... Nous ne pouvons rien faire Calypso", répond Aby, au comble du désespoir.