Chapitre 3

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Jelena Goran/1 octobre 2006

-Maman... S'il te plaît !

-Hors de question ! Tu nous ramènes un six en biologie et tu veux qu'on te laisse regarder ce match ?!

Des larmes commencent à perler au coin de mes yeux. Ce n'est pas possible, ils peuvent pas m'interdire de le voir... J'ai attendu ce match, j'y ai pensé toute la semaine, c'est même ça qui m'a fait supporter ces derniers jours... Et au dernier moment, j'apprends que je ne pourrai pas le voir ?!

-S'il... S'il vous plaît... C'est vraiment important pour moi...

Mon père secoue la tête ; je sais que pour lui, les matchs de foot ont une importance toute relative ; il doit me prendre pour une folle.

-Jelena, arrête d'accorder autant d'intérêt à cette équipe... Ce n'est qu'un sport ! Tu les verras jouer la prochaine fois si tes notes s'améliorent, c'est tout !

-Mais... La prochaine fois je pourrai pas, c'est dans quinze jours à cause de la trêve internationale, et... On a rendez-vous à l'hôpital le jeudi 12, on ne sera certainement pas rentrés samedi...

Mes parents se consultent du regard, avant de commencer à poser des questions sur mon état... Ce qui m'énerve profondément ; même si ça peut paraître surprenant, mon état de santé est le cadet de mes soucis.

-Et... Dis-moi, insiste ma mère, les gens acceptent de t'aider ? Même si tu es un peu plus vieille qu'eux ?

-Je... Oui oui !

Elle m'adresse un petit sourire entendu.

-Comme ce garçon avec qui tu parlais jeudi ?

-Je... Tu parles de Dario ? C'est... C'est juste un ami...

Mes parents ne semblent absolument pas convaincus, et je décide d'éviter leurs regards soupçonneux.

Par contre, je dois m'assurer d'autre chose...

-Mais... Récemment, tu... Tu ne m'as pas vue avec quelqu'un d'autre ?

-Non, enfin, je ne crois pas... Pourquoi cette question ?

Bien malgré moi, je pousse un soupir de soulagement. Hors de question qu'elle me voie avec Mirko, ni même qu'elle apprenne son existence.

Vendredi, il attendait son frère, comme tous les soirs... Sauf que pour la première fois depuis que ma maladie s'est déclarée, il est venu me voir. Enfin, il avait bu, il s'est moqué de moi et de mon état, et en a profité pour m'insulter... Comme il aime tant le faire.

Je ne comprends pas pourquoi il nourrit tant de haine envers moi, et encore moins pourquoi je continue de ressentir ces sentiments si contradictoires...

Je suis irrémédiablement attirée par lui, même si je sais que je ne devrais pas... Parce qu'après tout, tout ce qui m'arrive depuis près de deux ans, c'est à cause de lui. S'il n'avait pas montré ces photos aux autres ce jour de novembre 2004, jamais je n'aurais été dans cet état...Vraiment, je ne comprendrai jamais ce que j'ai pu faire pour qu'il s'acharne à ce point.

-Oh, à ce propos... Tu es dans la classe du deuxième fils Pavelic, non ? reprend mon père, comme s'il lisait dans mes pensées.

-Je... Zlatko, oui... Pourquoi ?

-Comme ça... Je les ai aperçus l'autre fois en ville, ils avaient l'air saouls... Tu es encore en contact avec le plus grand ? Il était dans ta classe il y a deux ans...

-Mir... Mirko ? balbutié-je en sentant mes joues s'empourprer. Non, on... on ne parle plus...

-Oui, c'est ça, Mirko... Ils ont l'air d'avoir assez mal tourné, mais avec le drame qui a secoué leur famille, on ne peut que comprendre...

Je mets quelques secondes avant de comprendre ; il parle de l'accident de voiture qui a tué leur mère, il y a déjà plus de dix ans.

-Ca... Ca leur arrive de parler d'elle ? insiste mon père.

Ma mère le foudroie du regard, comme s'il avait trop parlé.

-Pourquoi ?

-Eh bien... Je... Je la connaissais un peu, c'est tout...

Son attitude me semble un peu suspecte, mais je ne pose pas davantage de question ; je ne veux plus penser à Mirko ni à sa famille.

-Ah, d'accord... Je... Du coup... Le match va bientôt commencer, je... Je peux ?

Ma mère me tend la télécommande, le regard vide, et je m'installe devant la télévision.

Comme d'habitude, la vue de Luka me procure une foule de sentiments indescriptibles ; sa simple présence sur le terrain m'apaise.

Je passe un assez bon moment, sans aucun doute le meilleur de la semaine... Enfin, jusqu'à l'égalisation du Hajduk Split... Surtout que Luka n'est pas exempt de reproches sur le deuxième but. Je n'ai pas l'habitude de voir le Dinamo perdre... Je n'ai pas l'habitude de voir Luka au bord des larmes, ça me tue... J'ai attendu toute la semaine pour entrapercevoir son beau sourire à la fin du match, pas pour le voir pleurer.

Je me penche pour attraper la télécommande sur la table basse, bien décidée à ne pas rester ne minute de plus devant ce morne spectacle... Et suis prise d'une crampe au bras, la huitième de la journée.

Je commence mes exercices pour le détendre, et relève à contrecœur la tête vers l'écran. Les arrêts de jeux commencent, mon bras devient un peu plus flexible, je parviens enfin à le tendre... Et m'arrête aussitôt ; des fans ont échappé à la vigilance des hommes de sécurité et se sont introduits sur le terrain.

L'incident est vite contenu, les trois hommes sont vite escortés jusqu'à la sortie, et je ne peux retenir un soupir de soulagement... Mais ce sentiment s'efface vite lorsque le beau visage de Luka apparaît en gros plan à la caméra... Ce n'est pas de l'inquiétude qu'on y lit, mais de la terreur pure.

Nikad Ne Odustati / Luka Modric Où les histoires vivent. Découvrez maintenant