Let's be different [BoyxBoy]

Errer dans le vent

Je suis toujours dans la cabine des toilettes, pleurant en silence pour ne pas que les personnes entrant se préoccupent de moi. Je suis tétanisé. Je sais que j'ai été filmé, tout ce qu'il s'est passé dans ces toilettes ou presque a été filmé et rien qu'à l'idée que ça puisse se retrouver sur les réseaux sociaux je suis pétrifié par l'effroi. A force de pleurer ma tête commence à me faire mal. J'ai également la nausée, je me sens sale et cette sensation me donne envie de vomir. Je commence à tousser, à la fois car j'étouffe sous mes sanglots et à la fois car cette envie de vomir est de plus en plus prenante.

Mon cœur me fait si mal que j'ai l'impression qu'il a été définitivement brisé. Je pensais que venir ici me permettrait d'être libre, d'être moi et que tout se passerait bien pour une fois dans ma vie. Pourquoi je ne peux pas être heureux ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas le droit d'être qui je suis sans me sentir oppressé et en danger à chaque instant ? Mes doigts tremblants frôlent mes cicatrices. Je pensais avoir vécu le pire et que le karma saurait me rendre ce que je mérite de droit. Après toutes ces années de souffrance et tout ce dont j'ai été victime je ne mérite pas ce qu'il m'arrive... Je n'ai jamais rien fait pour qu'il se passe tout ça. Mon portable vibre. Je regarde pourquoi, ayant peur que ma vidéo ait fuité. Il ne s'agit finalement que d'un message de Lukas :

- T'es où ? J'espère que tu es pas resté coincé dans la bagarre ! Je t'attends devant le self.

Je ne lui réponds pas. Je n'en ai pas la force, tout comme je n'ai pas la force de me rhabiller et de sortir de ces toilettes. Pourtant je me sens crasseux, poisseux... Mais ces sensations ne suffisent pas à prendre le dessus sur la crainte constante que j'ai d'être à nouveau agressé quelque part. J'ai encore la sensation de leurs mains s'agrippant de partout sur mon corps, cherchant une emprise pour me maitriser et me déshabiller à la fois. Un frisson d'humiliation me parcourt vitesse grand V.

Je laisse les minutes défiler, fixant un point invisible sur la porte de la cabine. Mon portable vibre à nouveau mais cette fois-ci deux fois. Je suis alors pris d'un violent hors le cœur qui me dévore. Mon corps tout entier tremble et la terreur s'ancre en mon être. Je regarde mon portable. Un bref sentiment de soulagement nait en moi quand je vois le prénom de Lukas s'afficher :

- Hey ? Tout va bien ? Je m'inquiète pour toi, réponds moi s'il te plait.
- Ad, si ça ne va pas ou que tu as peur dis le moi je viendrais te chercher. Tu sais, tel ton preux chevalier ;)

J'ai peur, ça c'est bien vrai. Je suis mort de peur et j'aimerais l'appeler, lui dire que je me sens mal, que je veux mettre en terme à ma vie dénuée de tout sens. Je veux qu'il soit à mes côtés, qu'il me dise que tout ira bien mais à la fois, c'est lui et ce que je ressens pour lui qui m'ont en partie amené où j'en suis. Je ne sais pas ce que je dois faire, je n'ai envie de rien. Le seul désire que je possède à l'heure actuelle est de me laisser mourir dans cette cabine. Une mort pitoyable et ridicule... Cette pensée fait que ma vue s'embue de larmes salées. 

A nouveau, mon portable vibre :

- Ad ! Tu es où merde ?! Réponds moi de suite. 

S'en suit de nombreux appels de Lukas, j'en déduis alors que la vidéo a fuité. J'attrape mes bras dans mes mains et me serre fort, comme pour me rassurer. Lorsqu'un groupe de lycéens entre dans les toilettes en riant et se moquant d' ''une petite pédale excentrique qui s'est fait culbuter dans les chiottes de façon pitoyable'' je n'ai que la confirmation que tout a fuité. Les appels de Lukas redoublent mais je ne prends pas la peine de répondre. Je serais incapable de parler. Je sens que j'ai la gorge nouée en plus d'avoir horriblement mal au cœur. Je commence à me rhabiller de manière mollassonne. Je veux prendre une douche, me réfugier dans ma chambre, dans la salle de bain et pleurer à chaudes larmes, craquant et hurlant toute la douleur qui me ronge de l'intérieur. Je m'empresse alors de finir de remettre mes vêtements en place. Je me redresse sur mes pieds et bien que mes membres tout entier tremblent et que j'ai du mal à tenir en équilibre je garde le courage de rester debout.