Ne me quitte pas

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La porte du proviseur se referme dans un bruit sourd et pesant comme si mon destin se trouvait scellé à la suite de cette conversation houleuse. Le monde ambiant semble n'être qu'une vulgaire scène de théâtre où tout n'est que factice. Les images m'entourant semblent se flouter et disparaitre dans une étendue sombre. Elles s'étirent, se tordent et me proposent désormais une vision obscure de la réalité. La main de Lukas se pose tendrement sur mon épaule, son contact me parait si lointain, si superficiel. Je tourne la tête vers lui, il semble inquiet. Les traits tirés de son visage en témoignent parfaitement.

Je suis à nouveau plongé dans cette angoisse persistante. Malgré maintes demandes et supplications pour que ma mère ne soit pas mise au courant, je n'ai pas eu gain de cause. Mes sentiments sont confus, mes mots également. Ces nœud de douleur liés au stress me rongent, ils stagnent dans mon estomac et dans ma gorge. Me donnant presque la nausée par moment. Finalement, ma petite voix étouffée laisse passer une simple phrase qui a l'effet d'une bombe :

- Tout est fini...

Tout semble s'arrêter, c'est comme si le temps avait pitié de moi et qu'il voulait m'octroyer ces derniers instants avec l'être aimé. Il me pousse vers Lukas, me laisse profiter des derniers moments d'intimité que nous pouvons avoir. Je suis seul avec lui dans le couloir, me perdant dans ses orbes tourmentées.

- Ça va aller. On va trouver une solution. C'est le début de quelque chose de nouveau.

Un rictus trahis ma pensée, ce qu'il dit me parait ridicule. Très poétique, certes, je ne le nie pas, mais très dérisoire au vu de mon état d'esprit. Félix avait une excellente intention, il a voulu nous s'aider et prendre en main son propre destin pour arrêter d'être victime toute sa scolarité. Mais quand on lui a parlé on voulait pas que ca remonte jusqu'au proviseur, notre plan était simplement de dissuader Maxime et qu'il retire sa plainte et tout se serait terminé.

- Quelque chose de nouveau ? Reprenais-je finalement. Oui, moi dans un nouvel établissement à devoir y mourir à petit feu.

Mes nerfs semblent sur le point d'exploser. Je sers les poings et tourne le dos à Lukas, partant dans la direction opposée. J'ai envie d'être seul, de crier ma rage et ma peur. Je veux fuir. Alors que je longe le couloir, attendant la voix de Lukas qui m'appelle et cherche à capter mon attention, je tombe sur Félix, un petit sourire pincé aux coins des lèvres. Je m'arrête net, le fixant. Je ne sais pas comment réagir. A la fois je veux lui sauter à la gorge, lui hurler qu'il a tout ruiné et que ce qu'il a fait va détruire ma vie et à la fois j'aimerais le remercier car il a voulu arranger les choses. Il a tenté de se racheter et voulu protéger sa personne ainsi que la mienne et probablement d'autres de personnes malsaines et qui nous faisaient suffoquer petit à petit. Lukas me rattrape et vient également faire face à Félix.

- Merci.

C'est la  seule chose que j'arrive à lui dire. Je tente un bref sourire et reprends mon chemin. Il semble vouloir dire quelque chose mais je décide ne pas l'écouter. Ce qu'il a fait était louable, c'est la réaction à avoir. Mais pas dans ma situation, il ne pouvait pas le savoir...

- Arrête de fuir !

Lukas m'agrippe par le bras, je me retourne violemment dans sa direction, n'appréciant pas ce contact.

- Je ne fuis pas !

En réalité c'est exactement ce que je suis en train de faire ou du moins ce que j'aimerais. Je veux disparaitre, ne pas retourner chez moi ce soir et mettre en suspend ce vendredi de manière éternelle.

- Si ! Tout va bien se passer, arrête de t'inquiéter comme ça.

Je le repousse, mettant un coup avec le bras qu'il retient. Mon regard se durcit. Il ne sait pas ce qu'il se passe dans ma tête, il n'a jamais connu tout ce que j'ai connu. Il s'est battu une seule fois dans sa vie et ça n'était pas comme s'il s'était pris une raclée, et il n'était pas seul. Malgré ma colère je suis venu l'aider. Il ne sait pas ce que c'est que de se sentir seul face au monde. A quel point c'est pénible et insupportable la plupart du temps, je ne veux pas revivre ça dans un autre établissement.

Let's be different [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant