Embarquement Immédiat

2.4K 128 15
                                    

Cinq mois plus tôt

- Votre billet s'il vous plaît, me demande le steward en tendant la main. Allée vingt sur la gauche, siège C. Bon voyage.

Je récupère mes papiers avec un léger sourire et avance lentement pour arriver à ma place. Je slalome entre les enfants insupportables et les parents stressés qui tentent avec beaucoup de difficultés de mettre leurs bagages à main dans les compartiments adaptés. Quand je suis bien installée dans mon siège, j'observe l'aéroport à travers le hublot. J'ai toujours adoré prendre l'avion. Plus que tout autre moyen de transport, sauf peut-être la moto. J'adore l'atmosphère euphorique des aéroports, l'adrénaline qui nous prend aux tripes lors du décollage, le sentiment de liberté qu'on ressent quand on se met à survoler les nuages. Pourtant aujourd'hui, rien de tout cela n'arrive à me rendre mon sourire. J'ai le cœur lourd et les yeux qui piquent. Un grésillement se fait entendre dans les haut-parleurs et le commandant de bord annonce notre départ imminent.

Quelques mètres d'altitude gagnés plus tard, le personnel de bord se lève pour nous expliquer les consignes de sécurité. Je n'y prête aucuneattention, trop préoccupée. Sur le siège voisin du mien, ma mère lit un magazine de santé, ignorant parfaitement la prestation des hôtesses de l'air, qu'elle connaît par cœur. Seul mon petit frère, assis sur le dernier siège de la rangée, semble véritablement intéressé par les consignes de sécurité, ou peut-être est-ce par les femmes qui les présentent. J'observe une dernière fois ma ville natale. J'entends presque les craquements de mon cœur qui se brise. New York va me manquer, au même titre qu'Ayden mon meilleur ami.

J'ai toujours détesté les au revoir, c'est d'ailleurs pour cela que je me suis toujours opposée aux multiples déménagements envisagés par ma mère. Mais cette fois-ci, elle ne m'a pas laissé le choix. Se voyant offrir une opportunité qu'on ne peut soi-disant « pas refuser », ma mère a mis notre appartement en location et fait ses valises direction le bout du monde, la Tanzanie. Mais comme mon frère et moi sommes toujours à l'école, elle a eu la brillante idée de nous refourguer à notre très cher père. En bref, bye-bye New York et bonjour la Californie.

Nous obliger à aller vivre chez notre géniteur est de loin la pire décision que Katherine Walch ait prise de toute sa vie. Et pourtant des choix stupides elle en a fait un paquet. J'adore ma mère mais il faut avouer qu'en terme d'instinct, ce n'est vraiment pas ça. Et sa vie sentimentale l'illustre parfaitement, depuis le divorce de mes parents il y a quatre ans, elle ne tombe que sur des tocards. Tantôt alcooliques, tantôt pervers, infidèles ou complètement abrutis, enfin pas génial comme beau-père, quoi. L'exact opposé de mon paternel, qui lui, a épousé une magnifique Californienne il y a un an. Belle, intelligente et adorable, elle est aux antipodes de l'archétype de la belle-mère. Je n'ai pas encore eu l'occasion de la rencontrer, comme ils se sont mariés en secret en Italie, mais de ce que mon père m'a dit c'est la femme parfaite. Mon père m'appelle nous appelle chaque semaine, ce n'est pas la relation que j'imaginais avec mon père, lui à Los Angeles et moi à New York mais c'est déjà pas mal.

Il y a cinq ans quand il a déménagé, je l'ai très mal pris. Je ne comprenais pas comment il pouvait partir à deux mille huit cents kilomètres de sa famille, pour un simple boulot. Il avait reçu une promotion exceptionnelle et voulait qu'on le suive sur la côte Ouest mais au même moment ma mère s'est vu offrir le poste de ses rêves à l'Université d'état de New York. Pour elle, partir n'était pas envisageable. La situation ne devait être que temporaire, nous aurions dû rejoindre mon père dès la fin du contrat de ma mère mais les opportunités se sont enchaînées et on n'est jamais parti. Mes parents se sont éloignés et ont fini par divorcer. A l'époque, je n'avais que douze ans et mon petit frère seulement sept, c'est pour lui que ça a été le plus dur. Grandir loin de son père était vraiment déchirant. Il ne cessait de demander à le voir et pleurait pendant des heures. Moi, c'est plutôt le contraire, j'ai toujours eu du mal à exprimer ce que je ressentais et je me suis renfermée dans ma colère et ma tristesse. C'est ça qui m'a fait commencer la boxe. Ce sport qui à la base, me permettait d'extérioriser ma rage est rapidement devenue une passion dont je ne peux plus me passer.

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant