Thanksgiving est annulé

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En quelques minutes à peine, l'épisode de la voiture a fait le tour du lycée. Des vidéos de moi brisant la vitre de la jeep circulent à tout vas sur les réseaux sociaux. Si, jusqu'à présent, j'avais réussi à passer inaperçue auprès des élèves, mon altercation avec Raphaël m'a propulsé sur le devant de la scène et à révéler à tout le monde qui était Elena Milano. Sous les yeux toujours effarés des personnes présentes sur le parking, Lydia et moi atteignons le hall où nous croisons Raven et Heather. Les filles n'ont pas le temps de dire quoi que ce soit que ma nouvelle amie s'empresse de leur raconter ce qui vient de se passer. Ma voisine d'espagnol s'est précipitée à l'extérieur avant même que Lydia ne finisse son histoire. Lorsqu'elle revient quelques minutes plus tard, elle met un moment à calmer son fou rire. D'après ses dires, il semblerait que Raphaël soit resté un bon moment bloqué devant sa voiture à constater les dégâts, complétement impuissant. Raven a même cru allait éclater en sanglots. Vu les têtes que font les deux autres filles à cet aveu, je ne suis pas sûre de pouvoir croire la brune sur parole. Pendant une seconde, j'avoue ressentir une certaine fierté à l'idée d'avoir réussi à toucher le fils de Lauren.

Les gargouillements du ventre de Lydia nous rappellent pourquoi je viens très certainement de bousiller toute chance d'avoir une relation cordiale avec l'aîné des Drockfeler. Nous suivons Lydia jusqu'à la cafétéria avant que la sonnerie ne retentisse. Dans la file du self, de nombreux regards sont tournés vers moi, accentuant au passage le rire de Raven et entraînant celui des deux autres. J'aurais pu rire avec elles ou me féliciter moi-même pour l'éclair de génie qui m'était passé par la tête quelques instants plus tôt sur le parking, c'est sûrement ce que j'aurais fait si cela c'était passé à New York, chez moi, sur mon territoire. Ici, je me sens complètement vulnérable, je n'ai aucun repère et personne derrière moi pour m'épauler. Et quelque chose me dit que m'attaquer à Raphaël n'a pas été la meilleure décision de la semaine. Cela me coûte de l'avouer mais alors que ses amies sont écroulées de rire à mes côtés, je redoute vraiment la vengeance de mon quasi-frère.

Pourtant, à la fin des cours, ce dernier m'attend sagement à côté de sa voiture, à laquelle il manque désormais une vitre. Il me regarde arriver jusqu'au véhicule, le visage empreint de l'expression la plus neutre que je ne lui aie jamais vu. Je ne m'attendais clairement pas à ce qu'il m'autorise à monter dans sa voiture ou qu'il patiente pour me ramener. Sans mot, ni signe dans ma direction, il s'installe derrière le volant. Je prends place à mon tour et reste dubitative. La voiture a passé toute la journée au soleil mais la chaleur à l'intérieur n'est pas étouffante et la vitre brisée derrière moi joue le rôle de climatisation. Rien que pour cela, Raphaël pourrait me remercier. Je ne lui ferai pas la remarque. Je n'ai peut-être pas le cerveau de mon frère, mais je ne suis pas complètement décérébrée, je ne tenterai pas le diable. Dotant plus que je dois vivre avec le diable en question.

La tension est palpable dans l'habitacle. De l'extérieur Raphaël a l'air tout à fait détendu, il ne laisse rien paraître mais je mettrai ma main à couper qu'il n'a qu'une envie en ce moment : me dégager de sa bagnole à grands coups de pieds au cul. Nous sommes vendredi et nous n'avons pas à aller chercher les garçons. Mon père a inscrit Noah dans le même club de soccer que Gabriel et ils ont leur premier entraînement ce soir, Diego, quant à lui, se fait récupérer par la mère d'un de ses camarades. Le fait de savoir que je serais seule avec Raphaël jusqu'au retour des parents ne m'enchante pas des masses, mais je n'ai pas le choix. Je ne me laisserai pas démonter par ce qu'il dira ou fera ! Je ne saurais dire si le trajet a duré une heure ou trente secondes, en revanche, je suis sûre de ne pas vouloir franchir le seuil d'entrée de la maison. J'ai bien pensé à prendre ma moto et à partir toute l'après-midi comme hier mais je crois que mon père me tuerait si je le faisais et je n'ai pas l'intention de mourir à dix-sept ans. Raphaël ouvre la porte et dépose ses chaussures dans l'entrée. Il n'attend pas plus longtemps pour se diriger vers l'escalier et monte dans sa chambre. Je dénoue mes baskets, toujours perplexe face à l'attitude de l'aîné des Drockfeler. Je vais dans la cuisine pour me prendre un soda et rejoins l'étage à mon tour. Le couloir est aussi calme que notre trajet en voiture, aucune musique ne sort de la chambre d'en face. Je crois d'ailleurs que c'est l'une des premières fois depuis mon arrivée en Californie. Je pensais comprendre comment marchait le fils de Lauren, mais je me rends compte que je suis complètement larguée face à sa réaction. N'est-il pas censé être furieux et m'envoyer à la figure mes quatre vérités ? C'est en tout cas ce que, moi, j'aurais fait si les rôles avaient été inversé. Je retire ma veste et lance mon sac à travers la pièce, puis m'installe sur mon lit pour appeler Ayden. Je soupire d'aise lorsque la voix chaude et au légère accent anglais de mon meilleur ami se fait entendre. Il adore me rappeler ses origines, alors même qu'il n'a jamais mis un seul orteil en Angleterre.

— Salut Eli !

— Hey !

— Alors comment ça se passe sur la côte ouest ?

— Disons que dans l'ensemble ça va.

— Dans l'ensemble ? C'est merdique comme réponse, trouve mieux.

— Argh, je me suis prise la tête avec mon père hier, parce que j'ai décidé de faire un tour en moto et puis ça se passe plutôt mal avec le fils aîné de ma belle-mère. Sinon c'est plutôt calme dans ma vie, le lycée, les cours à rallonge, la routine quoi.

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