Le creux de la vague

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Le jour n'est pas encore levé lorsque mes yeux s'ouvrent. Je me redresse douloureusement, un grognement m'échappe. Ma nuque me fait affreusement souffrir et tous mes muscles semblent endoloris. Je jette un regard mauvais à la balancelle sur laquelle j'ai passé la moitié de la nuit et où je me trouve toujours. Maggie m'a abandonnée, je n'ai pas le souvenir de l'avoir vu partir et les effluves de son parfum sur la couverture qui me couvre le corps sont les seules preuves de son passage. Du bruit attire mon attention à l'autre extrémité de la terrasse et je suis les ombres des yeux. Un visage se tourne vers moi, bientôt suivis par deux autres, mais dans la pénombre, je suis incapable de distinguer à qui ils appartiennent. Avant que je n'aie le temps d'ouvrir la bouche, les trois formes avancent dans ma direction.

— Salut Milano, t'as dormi un peu ?

La voix grave de Raphaël est étrangement emplie de douceur, je suis tentée de me moquer un instant mais je m'abstiens, trop fatiguée pour me débattre avec lui. À la place, je hoche simplement la tête, il semble s'en contenter.

— Vous faites quoi ? interrogé-je mes amis.

Ma voix aussi est rauque, je ne cherche pas à l'éclaircir et continue d'étudier les traits préoccupés de mes compagnons. Lydia a la mine triste, rien d'étonnant quand on sait qu'elle a pleuré pendant des heures et je n'ai jamais vu Jordan avec un air si sérieux. La brune se glisse sous la couverture que je retiens entre les doigts en soupirant. Elle cale son visage sur mon épaule et récite d'une voix automatique :

— Jo a proposé qu'on aille surfer pour me changer les idées et m'empêcher de penser au fait que j'ai tué une pauvre créature innocente.

L'amertume et le dégoût perce dans sa réponse et me fait frissonner. Je déteste la voir dans cet état.

— À cette heure-ci ?

Je soulève un sourcil et questionne Jordan du regard. Malgré la pénombre, nous sommes assez près l'un de l'autre pour que je distingue son visage sans peine.

— Oui, affirme l'intéressé.

— Il fait encore nuit. L'eau doit être glacée.

— Je sais.

— Et c'est l'idée la plus stupide que j'ai jamais entendue. Tellement stupide qu'elle aurait pu venir de Mike.

— Je sais, répète le brun comme s'il s'attendait à ma remarque.

Je secoue la tête pour montrer ma désapprobation. Mes iris sont irrémédiablement attirés par le sourire discret que tente de cacher Drockfeler. Je souffle.

— Ok. Allons-y !

— Quoi ? s'enquiert Lydia en relevant la tête. Mais tu viens de dire que c'était idiot comme idée.

— Les mauvaises idées font les meilleures histoires. Et puis tu as dit que tu avais besoin de te focaliser sur autre chose. Soit, allons anesthésier tes pensées dans les rouleaux du Pacifique.

Le sourire que m'offre la brune réchauffe un peu mon cœur et me donne le courage de quitter l'inconfortable mais non moins rassurante balancelle. Je tends une main vers Lydia. Elle la saisit. Ses doigts froids s'enroulent autour des miens et sans un bruit, nous rejoignons l'escalier qui mène à la plage.

L'eau est aussi gelée que je l'avais prédit, et je jure bruyamment lorsque je m'y engouffre. Quelle idée ai-je eu de les accompagner ? Je ne pouvais pas me contenter de les observer bien au chaud sur le sable ? La combinaison que Jordan m'a prêtée ne me protège que très peu du froid et je me surprends à m'agripper à ma planche pour ne pas rester dans l'eau.

— Si tu restes statique, tu vas mourir d'hypothermie, annonce Raphaël.

Malgré sa voix rieuse, je suis incapable de dire s'il plaisante ou pas. Assis sur un surf bleu, le dos bien droit et les jambes plongées dans l'océan, il ne semble même pas atteint par la fraîcheur de la température.

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant