Chiefs contre 49ers

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Ma défaite au Battle Square Gardax est la première chose qui me revient en mémoire lorsque je me réveille le lendemain matin. Ou plutôt, ma défaite écrasante. J'étire mes muscles endoloris et m'autorise un regard à ma coiffeuse pour observer l'évolution du bleu sur ma mâchoire. Je grimace, autant pour la couleur violette maintenant franchement visible que pour la douleur que me procure ma blessure. Avec une force à l'origine inconnue, je parviens à me glisser hors du lit et à rejoindre la cuisine.

- T'as une sale tronche.

Je lance un regard furieux à mon petit frère tandis qu'il pouffe, à moitié caché par son bol de céréales.

- Toi aussi, répond une voix que je ne connais que trop bien dans mon dos.

Je sursaute sans trop savoir laquelle de ses paroles ou de l'apparition soudaine de Raphaël dans la cuisine me surprend le plus. Noah fronce ses sourcils mais alors que nous tentons tous les deux de comprendre la portée des mots de Drockfeler, ce dernier attrape un tube de paillettes laissé-là par Diego et qui prend la poussière depuis des lustres et en renverse une bonne partie sur la tête de mon cadet. La sidération de Noah fait écho à la mienne mais tandis qu'il se rembrunit, accuse le coup et lance à Raphaël quelques invectives bien senties, j'éclate de rire. Mon fou rire est tel que je passe outre la brûlure que me procure ma lèvre en se rouvrant. Attirés par mes éclats de rire bruyants, les parents débarquent dans la cuisine, encore attifés de leurs pyjamas.

- Tout va bien, ici ? interroge ma belle-mère en avisant les paillettes collées un peu partout sur le visage de Noah.

À chaque mouvement du new-yorkais, d'autres se déversent sur le plan de travail. Mon fou rire ne tarit pas et je suis incapable de répondre. Mon regard croise celui de mon père, un sourire se dessine sur ses lèvres. Mon air mutin se transfert sur son visage.

- Noah se sentait d'humeur artistique, plaisante Raphaël dans un sourire carnassier.

Il attrape ensuite une tasse de café et sort de la cuisine en me lançant un clin d'œil. Trop absorbée par cet élan de gentillesse inattendu et inhabituel de la part de l'aîné des Drockfeler, je loupe la réaction de mon frère face à ce mensonge éhonté. Ma déception est pourtant de courte durée, balayée par les paroles chantantes de mon paternel.

- Tu devrais aller prendre une douche, autrement tu ne seras jamais prêt pour tout à l'heure. Oh et tu passeras un coup d'aspirateur, il y a des paillettes partout.

Noah tente de contester, nous accusant, Raphaël et moi, sans scrupule aucun. Je feins le scandale, surjouant la surprise d'une main sur la poitrine et d'une bouche grande ouverte. Mais mon père ne flanche pas et Noah se met à bouder franchement, grognant d'une voix bougonne quelques mots qui finissent de me mettre de bonne humeur :

- Je vous déteste tous, vous êtes la pire famille du monde !

***

PDV Raphaël

Les Chiefs de Kansas City mènent treize à sept. Sur l'écran plat, les joueurs se courent après, le ballon fait des envolées impressionnantes d'un bout à l'autre du terrain et le public est en délire à chaque action. J'adore l'ambiance des matchs de football dans sa globalité, mais la finale du Super Bowl a toujours une saveur bien particulière.

Sur le canapé, à ma droite, mon frère et Alan s'agitent et cessent leur discussion alors que le quarterback des 49ers de San Francisco remonte les yards un à un, le ballon ovale plaqué contre sa poitrine. Je devine sans mal les sentiments qui l'animent, l'adrénaline que lui procure sa stratégie, la pression des spectateurs, les attentes des coachs, les gestes de ses coéquipiers, la menace de l'équipe adverse. Ces sensations, je les connais. Elles font partie de moi au moins autant que l'ADN transmis par mes parents.

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant