Adrénaline

Une vengeance glacée

— Ok, stop. On peut s'arrêter deux secondes ? me demande Lydia à bout de souffle.

Ça fait presque une heure et demie que l'on s'entraîne pour l'audition de lundi soir. Lydia est vraiment motivée et sa détermination fait plaisir à voir. Elle ne lâche rien, même quand elle n'arrive pas à suivre les enchaînements que je lui montre, elle refuse d'abandonner et recommence jusqu'à ce qu'elle réussisse.

— Ouais, on va faire une pause.

Ma voisine souffle de soulagement et se laisse tomber au sol. Je m'assoie en tailleur face à elle. Après deux mois sans cheerleading, la reprise est difficile. Je sens que mes muscles vont me le faire payer pendant les prochains jours. Lydia se relève après quelques minutes passées à observer le ciel où le soleil descend lentement. Elle me propose de la suivre jusqu'à la cuisine pour aller boire. Je me lève à mon tour et entre à sa suite. En passant par la baie-vitrée nous atterrissons directement dans le salon. J'observe le mobilier. Tout est très épuré. C'est définitif, les californiens ne sont pas des fous de décoration. A New York, notre appartement entier regorgeait de souvenirs d'Afrique que ma mère avait ramené de ses voyages. Autour de la table de la salle à manger, un homme est assis. Concentré sur les dossiers étalés autour de lui et sur l'écran de son ordinateur, il ne nous entend pas entrer. Ce n'est que lorsque que je lui dis bonjour qu'il relève la tête. Il retire ses lunettes pour nous observer.

— C'est Elena, la fille d'Alan. Elena, je te présente mon père.

— Oh, d'accord. Eh bien enchanté Elena.

Je lui réponds et lui fais un sourire poli puis nous rejoignons la cuisine sans attendre. Ma nouvelle amie me sert un grand verre d'eau. Je la remercie et en bois deux gorgées. Je tombe sur mon reflet dans un petit miroir accroché à l'un des murs ivoires de la pièce. La sueur a collé mes mèches brunes à mon visage et mes joues sont rougies par l'effort. Je me détourne de mon image et finis mon verre d'eau. Je constate d'un coup d'œil que celui de Lydia est également vide et lui propose d'y retourner. Je la vois soupirer mais sa motivation prend le dessus et elle retourne dans le jardin en sautillant. Je souris aussi, impressionnée par sa soif d'apprendre.

Je lui montre un nouvel enchaînement à rajouter à sa chorégraphie et remet la musique. Lydia est très douée pour une fille qui n'a plus fait de cheer depuis des années. Elle comprend très vite et a une bonne mémoire, un bon point pour retenir les figures. J'ai simplifié la chorégraphie pour qu'elle soit au niveau de Lydia et le résultat est réussi. L'énergie de Lydia se remarque à travers ses pas, elle a l'air vraiment heureuse de faire ça.

— Il faut que tu souries plus. Je sais que ce n'est pas facile de penser à le faire en même temps que tu exécutes tes mouvements mais c'est vraiment super important. Et c'est souvent ce qui départage les filles lors des auditions.

— Vraiment ? demande-t-elle sceptique.

— Ouais, si les filles ont à peu près le même niveau et qu'il faut choisir entre les deux, on privilégie celle qui sourit parce que pendant les matchs ou dans les compétitions c'est ce qu'on nous demande de faire. Alors, penses-y, ça jouera forcément en ta faveur.

— Merci. T'as d'autres conseils à me donner ? Je crois que je stresse un peu.

— C'est normal, c'est nouveau pour toi. Je ne t'explique même pas dans quel état j'étais pour ma première audition. Et je me suis foirée, d'ailleurs. Je suis tombée, plusieurs fois.

— Mais tu m'as dit que t'en faisais depuis le début du lycée.

— Oui c'est le cas, on m'a quand même accepté dans l'équipe. Parce qu'ils ont vu le niveau que j'avais et qu'ils ont jugé que mes chutes n'étaient dues qu'au stress. Elles comprennent tu sais, elles aussi elles sont passées par là. Elles savent à quel point ça peut être impressionnant. Mais il ne faut pas que tu t'en préoccupes pendant ta démonstration, concentre-toi sur ton enchaînement et oublie autant que tu peux que tu as un public. De toute manière, tu n'as rien à perdre, si ?