Le phénomène Junniper Vanwell

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Mon frère est le premier à franchir les quelques mètres qui nous séparent de la porte d'entrée.

— GRAND-MÈRE ! hurle-t-il en l'étreignant violemment.

— Argh ! Ne m'appelle pas comme ça, sale gosse, grimace-t-elle un instant avant de lui rendre son câlin.

Elle lève ensuite ses yeux vers mon père et moi et ouvre ses bras en grand.

— Bonjour mes rayons de soleil.

La stupéfaction s'estompe peu à peu et mes pieds me guident vers la mère de mon père. Ses grandes mains se referment immédiatement autour de moi. Son étreinte n'a rien de doux, mais elle est réconfortante, à sa manière. Mon père met un peu plus longtemps à se remettre de sa surprise et quand je me sépare de ma grand-mère, il a toujours l'air hébété. Je prends la parole pour éviter une gêne générale.

— Comment t'es arrivée ici, Junniper ?

Près de la table, je vois Lauren tiquer quand j'appelle ma grand-mère par son prénom. Personnellement, cela fait bien longtemps que je n'y prête plus attention. Junniper nous a toujours interdit de l'appeler autrement que par son nom. Elle estime que les surnoms et autres appellations sont réservées aux personnes qui se sentent vieilles à l'intérieur et s'il y a bien une chose que ma grand-mère a toujours réfuté, c'est la vérité – pourtant incontestable – qu'elle n'a plus vingt ans, et ce depuis longtemps.

— Oh, ben Ricky et les autres m'ont déposée ici, pardi.

— Et on peut savoir qui est Ricky, exactement ?

La voix de mon paternel est lasse, je tourne les yeux vers lui. Ses traits sont tirés, signes indéniables de son stress et de son agacement. Tout comme mes frères et moi, il ne doit pas avoir vu sa mère depuis pas mal de temps, je suppose donc qu'elle n'a jamais rencontré Lauren et les garçons. Si j'ai raison et je crois que c'est le cas, alors l'appréhension de mon père est justifiée.

— Sois pas con Nug, c'est mon pote, répond-elle en indiquant la rue de la main.

Mon père grimace à l'entente de son vrai prénom et fait signe à sa femme qu'il lui expliquera cette histoire plus tard. Je m'approche de la fenêtre pour voir ce fameux Ricky. Dans mon dos, mon père zieute la rue également. Mes yeux s'écarquillent lorsque j'aperçois une dizaine de motos arrêtées devant la maison. Mon père et moi échangeons un regard mi-amusé, mi-désespéré. Dehors, un motard, à la panoplie du parfait biker, nous fait un signe de tête pour nous saluer. Nous lui rendons avec hésitation et je conclus que ce doit être le fameux « pote » de ma grand-mère.

— Et depuis quand tu es amie avec des bikers, maman ?

— Et ben avec aujourd'hui, ça fait trois jours.

Je me retourne incrédule. Mon père se prend la tête dans les mains et grogne. Puis il relève le visage pour affronter sa mère.

— Putain, mais t'es complètement inconsciente ! On t'as jamais dit qu'il fallait pas traîner avec des inconnus ? Encore moins voyager avec des mecs que tu as rencontrés, je ne sais où !

— Relax Nug. Ils sont cools.

— Arrête de m'appeler comme ça, c'est Alan mon prénom, que ça te plaise ou non. Et le fait qu'ils soient cools ne justifie pas que tu doives les suivre. Tu te rends compte que c'était complètement stupide de faire ça, ils auraient pu être dangereux.

Ma grand-mère lève les yeux au ciel et soupire. Comme depuis toujours, les rôles sont inversés, mon père joue le parent responsable tandis que Junniper souffle et agit comme une ado. Elle se tourne vers moi qui me tiens toujours près de mon paternel et me dit avec le plus grand sérieux du monde :

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant