Un petit pas pour l'homme

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- Bon. Est-ce qu'on pourrait tous essayer de se calmer maintenant ? hurle Mike par-dessus le brouhaha ambiant.

Je sursaute et clos ma bouche aussitôt, les autres obéissent aussi. Son ton est dur, bien plus qu'il ne l'a jamais été.

- TOUT. VA. BIEN, hache-t-il. C'était un chevreuil. Rien qu'un putain de chevreuil, bordel. Alors ouais, ça vous a peut-être fait peur, mais c'était rien. On a tué personne. C'était pas si grave. Lydia arrête de culpabiliser, ça ne sert à rien à part te torturer inutilement.

Les souvenirs de l'animal étendu sur le sol me file un haut-de-cœur. J'inspire profondément et chasse cette image de ma tête. Mon regard glisse sur mes doigts encore tachés de son sang et du mien qui ne cesse de s'échapper de mon entaille au centre de ma paume gauche. Je grimace.

- Pas si grave ? se remet à crier Raven. T'as visiblement pas vu son corps s'écraser sur notre capot. Y avait du sang partout. P-A-R-T-O-U-T.

Je lance un regard en biais à Lydia dont les yeux sont voilés par des sanglots qui n'ont jamais disparus.

- Et moi qui pensais ne pas avoir de tact, alors là je m'incline, vociféré-je en direction de mes deux amis.

- Merci Eli, rétorque Mike.

- C'est pas un compliment, t'es idiot ou tu le fais exprès ?

- T'es vraiment méchante. Et puis tu veux pas aller te changer, ta robe est pleine de sang, c'est assez crade.

Les larmes dégoulinent le long des pommettes de Lydia, laissant des longs sillons noirs de maquillage. Ses doigts sont accrochés à la chemise de Samy et refusent de la lâcher. Mike est sur le point de rouvrir la bouche mais Maggie anticipe et l'attaque avant qu'il n'ait le temps de dire un mot.

- Tais-toi Bowers. C'est ce qu'on fait en général lorsque l'on a rien à dire. Et je suppose que ce qui va sortir de ta bouche ce soir ne sera pas plus intelligent que ce que tu dis maintenant. Donc garde ta bouche fermée ! Ça fera du bien à tout le monde, je t'assure, conclut la blonde.

Je reste estomaquée et je ne suis pas la seule. C'est bien la première fois que j'entends Maggie parler avec un tel sérieux. Elle semble réellement irritée par le comportement du blond. J'examine avec attention l'échange entre eux. Aucun des deux ne parle plus mais la tension est palpable, ils semblent prêts à s'arracher les yeux l'un l'autre. Maggie arbore une mine stricte qui me fait penser à celle de son père lorsqu'il se retrouve obligé d'exclure un élève, quant à Mike, ses traits sont tirés et il fusille ma cousine du regard.

- Mike, la fermer ? Impossible, tente de plaisanter Raphaël. Ce serait une révolution, comme en 1969, quand ils ont marché sur la Lune. Vous savez, un petit pas pour l'homme, un pas de géant pour l'humanité.

Son imitation d'un présentateur des années soixante m'arrache un rictus, et fait pouffer Heather. Elle reprend vite son calme lorsqu'elle constate qu'elle est à la seule à rire, elle bredouille quelques excuses inaudibles.

- Si Mike arrêtait de parler, ça ferait un peu le même effet, continue le fils de Lauren.

Puis ses yeux croisent ceux de son meilleur ami qui ne semble pas vraiment être enclin à plaisanter. C'est même tout le contraire. Si je ne connaissais pas aussi bien Bowers, je pourrais croire que les paroles du brun l'ont piqué au vif.

- Je vous emmerde. Tous autant que vous êtes, crache-t-il avant de quitter la maison par les baies vitrées.

- Mec, je plaisantais, se défend mon quasi-frère. Allez reviens, Mike !

Lorsque la porte fenêtre se referme, le silence nous a tous englobés.

- Fait-chier ! jure Raphaël avant de se lancer à la poursuite de son ami.

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant