Chapitre 32 : Lutte Fraternelle

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Lilith avait disparu à l'étage depuis un moment et Maëlle était un peu moins tendue depuis que la dame rousse n'était plus dans son champ de vision. Les deux frères de Gabriel étaient toujours là mais leur présence était infiniment plus supportable que celle de la jeune femme. Ils n'avaient pas assommé son père avec une boîte, eux. 

Leurs ailes étaient sagement repliées dans leur dos. Maëlle avait mis du temps à s'en rendre compte : les autres ne voyaient pas les ailes des anges. Même pas Papa. Personne ne sentait non plus l'odeur bizarre des démons, entre le fruit pourri et la sueur. Le jour où Chamuel était venue à l'école, devant la grille, pour éloigner des enfants qui l'embêtaient -sous prétexte qu'une maman, ça ne peut pas ne pas aimer sa fille- , ils n'avaient pas vu les grandes ailes blanches dans son dos. 

Maëlle n'avait pas peur des anges. Ils étaient comme Gabriel et son ange gardien, donc ils devaient être gentils. La dame rousse, en revanche, la terrifiait. Elle ne sentait pas bizarre, elle n'avait pas d'ailes et pourtant, elle donnait l'impression de tout savoir. Peut-être que sa maman aussi était un ange déchu ? 

Chamuel avait essayé de lui expliquer le sens de "déchu". Ça voulait dire qu'elle avait été très haut et qu'elle était tombée tout en bas après. "Ange déchu", ça voulait dire qu'elle avait été un ange et qu'elle était tombée. 

Mais Lucifer tenait très bien debout alors Maëlle avait un peu de mal à comprendre. 

Elle traça un autre trait sur sa feuille de dessin. De toutes façons, Chamuel allait venir l'aider. Il fallait juste qu'elle y pense très fort et avec tout son cœur. 

Elle posa son crayon et ferma les yeux. S'il te plaît, pensa-t-elle le plus fort possible. S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît. Viens me chercher. 

Son ange gardien l'entendit. 

Chamuel descendit en piqué sur l'une des fenêtres de la maison. Ses ailes repliées sur elle la protégèrent des éclats de verre qui s'éparpillèrent aux quatre coins de la pièce. Immédiatement, Maëlle se réfugia sous la table. 

L'effet de surprise laissa le temps à Chamuel de tirer l'une de ses flèches. Mickaël se reprit très vite et la para au dernier moment du plat de son épée. Il avait retrouvé sa concentration sans faille des champs de batailles. Il se jeta sur sa sœur, la forçant à lâcher son arc. 

Raphaël resta paralysé, les yeux rivés sur ses frères et sœurs. Chamuel se défendait de son mieux. Elle esquivait les coups d'épée, donnait des coups de pieds et de poings qui ne semblaient même pas faire trembler la masse de muscles qu'était Mickaël. 

Elle se battait, parce qu'elle avait une arme et la volonté de gagner, même si elle n'avait jamais été dans les premières lignes lors de la guerre contre les anges déchus. Raphaël aurait dû être capable de se battre, comme elle. Il avait une épée, lui aussi. Elle resta sagement dans son fourreau, le long de son corps. Son arme était censée protéger les blessés, pas les créer à partir de rien. 

Chamuel esquiva au dernier moment l'épée de Mickaël qui vint fendre un meuble en deux. Elle sortit une flèche de son carquois et la planta dans l'épaule de son frère, occupé à tirer son épée des débris. 

La couleur du sang réveilla les instincts de Raphaël. Il se précipita vers les deux combattants, se postant entre eux. 

- Arrête ! cria-t-il. Il est inutile de se battre ! 

Chamuel jeta un bref coup d'œil à la table qui camouflait sa protégée. Mickaël arracha la flèche dans son omoplate et dégagea son épée dans la foulée. Raphaël leva ses mains en signe d'apaisement, cherchant à capter le regard de sa sœur. 

- L'enfant ne va pas rester longtemps ici. Dès que Lucifer sera là et que nous aurons conclu un accord... 

Chamuel ignora ses tentatives de négociations. Une flèche dans la main en guise de poignard, elle le dégagea de sa route d'un puissant coup de pied. L'espace du salon était trop restreint pour que n'importe lequel d'entre eux puisse voler correctement mais un coup d'ailes offrait à chaque coup une puissance décuplée. 

Raphaël s'écrasa sur le mur, soulevant un nuage de plâtre. Il s'enfonça dans la pierre sous la force de l'impact. Tous les bibelots tremblèrent, un tableau se détacha du mur, Raphaël poussa un gémissement étouffé mais aucun des combattants ne céda à la distraction. 

Mickaël gardait ses deux pieds ancrés au sol, parant et rendant les attaques sa sœur. Chamuel était moins expérimentée mais plus rapide, sautant sur et derrière les meubles, utilisant une chaise en guise de bouclier, lançant un vase pour distraire son adversaire. 

Le vacarme attira Lilith depuis l'étage. Elle descendit les escaliers en trombe et s'immobilisa face au champ de bataille qu'était devenu son salon. Elle resta en retrait, ne se faisant remarquer que de Maëlle qui hésitait à fuir sa cachette. 

La petite fille se tenait aux pieds de la table, au bord des larmes. Le meuble massif était l'un des rares à tenir encore debout, îlot miraculeusement épargné par les deux anges. 

Mickaël parvint à saisir la cheville de sa sœur et la projeta au sol. Elle roula sur le côté, l'épée de son frère s'enfonçant dans le sol à la place de son abdomen. Elle remit la main sur son arc abandonné au sol, tira un nouveau projectile. 

Le guerrier l'esquiva et attrapa l'un des pieds de la table sous laquelle se cachait Maëlle. Elle cria, les yeux fermés et les mains sur les oreilles. Lilith se précipita à ses côtés pour l'entraîner à l'abri, dans la cage d'escaliers. 

L'ange abattit la table sur Chamuel. Il appuya dessus de toute sa force, coinçant la jeune femme entre le bois et le sol. Il leva son arme, prêt à transpercer le meuble et ce qui se trouvait en dessous. L'ange gardien parvint à repousser suffisamment le bouclier de fortune pour glisser un bras hors du piège. Elle planta une flèche dans le flanc de Mickaël, qui poussa un cri de douleur en s'éloignant de quelques pas titubants. 

Elle repoussa la table et se propulsa en avant à l'aide de ses ailes, arc en avant. 

Au milieu du fracas des objets brisés et des cris guerriers, un coup de feu retentit. 

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