Je lui cingle.
"-Viens danser ce soir au cours si tu en es capable. Tu pourras te familiariser avec."
Pas peu fière de moi, je glisse une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. Voilà ce qui arrive lorsque l'on joue avec le feu : on se brûle. Il esquisse un nouveau rictus.
"-Hors de question que je me déhanche comme une gonzesse en hurlant : "Girls run the world !""
Je lève les yeux au ciel. Quel imbécile !
"-Si cela ne vous dérange pas, je m'en vais avant d'avoir une crise cardiaque. Kiss kiss !"
Sur mes mots, je sors et respire un grand bol d'air frais. Il faudrait vraiment que je fasse du ménage dans le bungalow et l'aérer. Mais pour l'instant, je me contente de rejoindre celui de mes parents. Je frappe à la porte et attends quelques secondes.
"-J'arriiiiiiive !"
J'entends des pas se rapprocher et la porte s'ouvrir.
"-Ah Ele ! Tu as besoin de quelque chose ?
-Hum. . . pas vraiment."
Elle me laisse rentrer et me fait signe de m'asseoir sur leur canapé.
"-Qu'est ce qu'il y a ?"
J'enroule une mèche de cheveux autour de mon doigt.
"-Oh rien. Evy passe la journée avec son copain et je ne voulais pas rester toute seule alors. . .
-Tu as pensé à tes vieux parents.
-Voilà."
Elle soupire.
"-Je t'ai déjà dis qu'un jour nous ne serons plus là. Que feras-tu sans nous ?
-Quand ce jour arrivera, j'aurais déjà un mari et des enfants."
Elle souffle encore.
"-Essaye de te faire des amis. Il faut que tu t'ouvres. Regarde Evy, certes elle enchaîne mec sur mec, mais au moins elle arrive à sortir avec des gars. Toi tu restes toujours toute seule. Qu'est ce qui ne tourne pas rond ? Pourquoi tu ne sors pas avec des garçons ? Tu es homo ?"
Elle écarquille les yeux. Je fronce les sourcils en me redressant.
"-Non ! Non, évidemment. Par contre, je me suis fais un ami.
-Un ami ?"
Elle hausse ses sourcils avec un air malicieux.
"-Oui, un ami garçon et il est gay.
-Pourquoi ne restes-tu pas avec lui alors ?
-Parce que je voulais être avec vous."
Comprenant que je n'allais pas changer de camps, elle sourit.
"-Tu as de la chance, ce midi c'est pizza. Petite veinarde.
-La prochaine fois que vous vous faites pizza, vous m'appelez directement."
Elle rit tandis que papa arrive pour se mettre à table. Maman lance alors.
"-Dites donc monsieur ! Vous vous installez sans mettre le couvert ? Il va se mettre tout seul peut être ?!
-Laisse, dis-je, tu ne veux pas manger au bord de mer plutôt ?"
Ils acquiescent et nous embarquons les cartons de pizza sur la plage. Avant de manger, malgré mes nombreuses protestations, nous nous couvrons de crème solaire.
Je m'empare de la quatre fromages et mords avec avidité mon premier bout.
"-Tu me fais goûter de la tienne ? demande Maman."
Je la considère quelques secondes.
"-Je te donne une part si tu m'en donne une en retour."
On ne m'arnaque pas en ce qui concerne la nourriture.
"-Ah au fait, je peux savoir pourquoi tu as séché le cours de zumba hier ?!"
Maman soupire en riant.
"-J'avais la flemme. De toute façon, les cours sont gratos du coup je ne perds rien."
Je lève les yeux au ciel.
"-Non mais regardez-la."
Nous passons l'après-midi sur la plage, à faire des pâtés de sable, à se baigner, à s'éclabousser, à rire, à discuter. Je revis les journées d'autrefois, où l'enfance régnait encore, où l'on pouvait agir sans réfléchir, où la liberté n'avait pas de limites, où le malheur n'existait que dans les dessins animés. Les journées où l'adolescence n'avait pas encore frappé, où les boutons n'étaient pas encore apparu, où les moqueries grossophobes ne nous détruisaient pas encore, où l'appareil dentaire n'argentait pas encore les sourires, où les poils ne poussaient que sur le crâne.
Durant quelques heures, j'oublie mes problèmes. J'oublie qu'Evy m'a fait plusieurs coups bas, qu'Enzo ne partage pas - pas explicitement - mes sentiments, que mes écouteurs sont morts - RIP. Je ne pense plus qu'à ma famille, juste à ma famille, rien qu'à ma famille.
Vers 17h30, je rentre au bungalow, armée d'un aspirateur et d'une serpillère, pour exterminer la poussière et les saletés.
Je connecte mon téléphone à mon enceinte Bluetooth et mets de la musique dansante pour me motiver.
Je commence par passer l'aspirateur dans la cuisine, là où s'entassent toutes les miettes des tartines des petits déjeuners. Je me dépêche d'en finir avec cet engin du diable car il fait tellement de bruit que je ne distingue plus la musique.
Je trempe ensuite la serpillère dans de l'eau tiède avec du nettoyant et l'enfile sur un balai-brosse. Je frotte ensuite le sol avec, dandinant mon popotin au rythme de la musique. Je passe dans chaque recoin. Un fois fini, je sors étendre le morceau de tissus trempé pour qu'il sèche.
Je m'attaque aux plaques électriques avec un gel bleu - il y avait une photo de plaques, je n'ai pas réfléchis - que je verse sur une éponge et je frotte les plaques avec.
Comme Evy ne rentrerait que dans trente minutes - elle m'a prévenu par SMS qu'elle rentrerait vers 19h, je décide alors de faire de la pâtisserie. Je me lance dans la confection de muffin au chocolat. C'est facile, je connais la recette par coeur, je ne mets donc qu'une demi-heure à les préparer.
Il est désormais 19h. Je dois sortir les gâteaux dans 25 minutes précisément.
Je commence à réfléchir à mon programme. Je pense rester ici avec ma meilleure amie pour mater des Disney tout en mangeant des purées de légumes - pizza à midi, légumes le soir - surgelées. Nous couperons le son tout en inventant les répliques, ou bien en les récitant telles qu'elles sont. Nous pourrons également mettre un sachet de Pop Corn au micro-onde et s'en empiffrer jusqu'au bout de la nuit.
Une soirée pyjama comme à nos habitudes, remplie de bonne humeur et d'amitié.
Mais un message changera tous mes plans :
Evy : Dsl babe je ne vais pas rentrer ce soir. Je v au resto. Biz.
Je m'affale sur le canapé désespérée. Deuxième faux bon.
Je me sens tellement stupide d'avoir cru que lui présenter mes excuses allait tout changer. Quelle idiote ! J'aurais dû anticiper qu'elle n'y prêterait pas attention. J'aurais dû m'attendre à ce qu'elle fasse passer son copain avant sa meilleure ami. Quelle gourde alors mais quelle tchoutche !
J'allais pleurer lorsque je me souviens que mes gâteaux sont encore dans le four et qu'ils vont cramer.
"-Merde !"
J'enfile des maniques pour ne pas me brûler et sors la plaque à cuisson du four. Mes gâteaux sont cuits, mais juste ce qu'il faut. Je laisse ensuite libre court à mes larmes, à bout.
Je pleure pendant au moins deux minutes lorsqu'un frappement à la porte retentit. J'essuie grossièrement mes larmes et vais ouvrir. Lorsque je vois mon visiteur, je faillis lui claquer la porte au nez. Je ne veux voir personne, encore moins lui.
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Tout ça pour lui (Terminé)
Teen FictionDes lors où ses yeux se sont posés sur moi, j'ai su que quelque chose avait changé en moi. Mais je ne pensais pas être capable d'agir comme tel par amour. J'ai fait tout ça par amour. Tout ça pour lui.