Tout ça pour lui (Terminé)

Chapitre 12

Je réveille avec "Aimer" de Roméo et Juliette. Hier soir, j'ai du m'endormir avec mon enceinte (n'oublions pas le décès tragique de mes pauvres écouteurs) en oubliant de couper la musique. Je me lève péniblement. Il est assez tôt pour que je ne croise pas Evy. Je descends préparer le petit déjeuner. Je mange mes céréales en musique, seul médicament qui a immédiatement stoppé mes pleurs. Encore plus efficace et moins dangereux que des anti-dépresseurs !

Je décide de faire un jogging mais, une fois dehors, la flemme s'empare de moi. Je change ma course en marche et fais le tour du port. Je passe devant l'endroit où je me suis faite refoulée hier et là où j'ai croisé le gars bizarre qui m'a raccompagné.

Mais ça, je le garderai pour moi. A qui le dire ? Evy ?

Je secoue la tête tout en me concentrant sur le morceau en écoute pour ne pas déverser une nouvelle fois des centaines de larmes. "Jacques A dit" de Christophe Willem retentit. Evy a toujours détesté cette chanson, moi je n'aime que le refrain.

Je finis par m'asseoir sur la digue, face à la mer. Je respire à pleins poumons l'air marin et ferme les yeux pour ne plus penser à rien qu'aux paroles. Pour l'instant, tout va bien. Mais c'est lorsque le temps reprendra son court, lorsque je devrai retourner dans la circulation. Je ferai semblant de pardonner Evy comme d'habitude mais, cette fois, cela ne pourra pas être possible. Chaque sourire ou sortie que l'on fera me fera me rappeler cet incident d'hier.

Un pieux s'enfonce dans mon coeur en y repensant. Mais que va penser Enzo après cela ? Je me sens stupide, honteuse, et puérile. Je suis partie comme un bébé plutôt que d'affronter mes démons. Je me suis enfuie plutôt que de pousser Evy à parler à Dani.

Dani. . .

Chaque fois qu'Evy prononce son nom, je ressens ma peau devenir grumeleuse, les frissons me rappellent beaucoup trop ce jour. Ce jour où il m'a avoué la vérité, ce jour où il m'a imploré de dire à Evy qu'il souhaitait lui parler, ce jour où celui que j'aimais embrassait ma meilleure amie. J'ai dû faire semblant. Je dois encore faire semblant. Mais je n'arriverai plus à garder ce secret longtemps. Tout ce que j'espère, c'est que ce n'est pas lorsque je serai avec Evy que ce secret sortira.

Je refuse de lui accorder une seconde de plus mon attention. Il ne le mérite pas. Il ne méritait pas Evy, il ne me méritait pas. Personne ne me mérite d'ailleurs. Parce que je suis une lionne, et une lionne se débat avant de s'avouer vaincue. Même en cage, elle continue de se battre en espérant que la liberté lui sourie.

Je me relève, reboostée, et m'apprête à rejoindre mon bungalow lorsque je heurte un torse.

"-Aïe !"

La première chose que je vois est une paire d'yeux magnifiquement bleus. Je rougis aussitôt en coupant la musique de mon téléphone. Je cherche quelque chose à dire rapidement mais il me devance.

"-Tout va bien ? Je ne t'ai pas fais mal ?"

Je me masse le front en répliquant.

"-Oh nan, t'inquiètes. J'ai l'habitude de me prendre des beaux gosses en pleine figure !"

Je regrette aussitôt mes paroles. Il esquisse un sourire malicieux.

"-Comment tu dis ? Beau gosse ?

-Oh ça va hein ! Moi aussi je suis super belle. Plus que toi même !"

Il hausse un sourcil, je l'imite les bras croisés. Il lève finalement les yeux au ciel.

"-Tu me désespères. . .

-Et sinon, pourquoi es-tu venu ?

-On ne peut rien te cacher. Je suis venu de la part de Dylan pour m'excuser pour hier.

-De la part de Dylan tu dis ?"

Il acquiesce.

"-Mais je te signale que toi aussi tu as été désagréable avec moi, dis-je.

-Je sais.

-Mais tu ne t'excuses pas.

-Celles de Dylan suffisent amplement."

J'ai soudain une idée. Ne crois pas t'en tirer si facilement Enzo ! S'il réagit comme je l'ai prévu, tout devrait bien se passer.

"-Si Dylan avait été là, je l'aurais pris dans mes bras pour sceller notre pardon.

-Oui mais il est pas là."

Imbécile ! Mais heureusement qu'Ele a plus d'un tour dans son sac. J'ajoute.

"-N'étais-tu pas là pour représenter Dylan ?"

Il plisse les yeux, un rictus amusé sur les lèvres.

"-Mademoiselle veut un câlin ?"

Je me mords la lèvre sans répondre.

"-Fallait juste demander."

Il ouvre grand ses bras. Je me blottis contre lui et pose ma tête contre son torse, tandis qu'il place la sienne dans le creux de mon cou.

Je savoure cet instant, consciente qu'il ne durera pas éternellement et qu'une fois éloignés l'un de l'autre, il va continuer de rabrouer chacun de mes actes.

J'hume son parfum, fort, masculin. Je le serre un peu plus contre moi et lui demande, toujours collée contre lui.

"-Tu crois qu'Evy va me pardonner ?"

Il frotte mon dos de sa main droite. Je sens mon corps frissonner sous son contact.

"-Hier, elle a finalement parlé à Dani. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle t'avait écouté, elle nous a répondu que tu avais toujours su l'influencer vers les meilleurs choix, même si tu devais la forcer. Elle a eu une totale confiance en toi. C'est très rare, même Dylan et moi ne sommes pas autant proche.

-Et qu'a-t-il répondu ?

-Il lui a dit qu'il avait aussi rencontré quelqu'un pour la blesser. Mais je suis sûr que ce n'est pas vrai.

-Tu parles. . ."

Il s'éloigne un peu, juste assez pour planter ses iris dans les miennes. Son regard azur troublant me fait perdre tous mes moyens.

"-Qu'est ce qu'il s'est passé pour que tu le détestes autant ? Ne me dis pas que c'est uniquement parce qu'il a traité Evy comme une merde."

Je soupire. Il m'a eue. Les yeux baissés, je réponds.

"-Je ne sais pas s'il vaut mieux que tu le saches. C'est. . . enfin. . ."

Lorsque j'espérais, tout à l'heure, que quelqu'un sache ce secret avant Evy, je parlais de tout le monde sauf d'Enzo. Et s'il me détestait après ça ? Je me mords la lèvre.

"-Je. . . c'est compliqué. Tu ne comprendrais pas."

Sa main se pose sur mon épaule. Oh mon dieu, j'ai plus de contact avec un gars en moins de dix minutes que depuis le début de ma vie. Bien sûr mon père et mon cousin ne comptent pas.

"-Je peux tout comprendre. Je suis certain que ma vie est plus complexe que la tienne."

Il prend mon visage en coupe entre ses doigts et me caresse les joues de ses pouces.

"-Je t'embête peut être, mais cela ne signifie pas que je te hais. Je ne suis pas ton ennemi."