Chapitre 70

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Avant que la vidéo n'ait pu commencer, mon copain fait partir tout le monde, leur demandant de rentrer à leurs bungalows respectifs. Sa voix, hurlante et terrifiante, les fait obéir immédiatement. Nous ne sommes plus que nous deux, avec John. La capsule se met en route.

Enzo et deux autres garçons, que l'on suppose être ses amis, dont un troisième qui filme, sûrement John, parlent.

"-Alors mec ? C'était comment avec la baleine ? demande un des mecs."

Enzo affiche son petit sourire coquin, que je ne connais que trop bien.

"-Horrible ! Quand elle s'est déshabillée, j'ai vu double !"

Je masque ma bouche de ma main pour réprimer mon dégoût. Mon copain le remarque aussitôt et colle son front à ma tempe en murmurant inlassablement qu'il est désolé, en me suppliant de le croire, en me répétant qu'il m'aime et de ne pas l'abandonner.

Une très jolie fille, brune aux yeux bleus captivants, apparaît à l'objectif. Elle est vêtue d'un jean et d'un sweat large. La fille de la photo ! A sa manière de se tenir, tête baissée, pieds traînants, on devine qu'elle n'est pas une dominante. Elle adresse tout de même un petit signe de main au groupe. Les garçons s'esclaffent en la voyant et la pointent du doigt.

"-Qu'est ce que t'attends Enzo ? Elle te fait des appels de phares ! Montre-lui ton vrai visage, le défit l'un d'entre eux."

Bombant le torse et sous l'effet de groupe, Enzo s'exécute et va à la rencontre de la brunette. Ses pommettes rosissent et elle se tortille les doigts.
Je reconnais mes mimiques lorsque je suis gênée. Lorsque j'étais en face de lui, les premières fois où nous étions seuls tous les deux. Je ne peux que la comprendre.

"-Alors, fait-elle plus qu'embarrassée. Hum hier. . .

-Quoi hier ? Je t'ai baisée, c'est tout, coupe violemment Enzo, agacé visiblement."

Les yeux céruléens de la jeune fille s'embuent, totalement confuse. Ils s'écarquillent. Elle a l'air perdue.

"-Mais. . . mais. . . Je croyais que tu m'aimais. Tu m'as dit que tu m'aimais. . .

-Si je ne te l'avais pas dit, tu n'aurais jamais accepté de coucher avec moi. Je n'aurais dû rien dire d'ailleurs, t'as été dégueulasse au pieu !"

Elise semble effondrée, comme si toute trace de vie avait quitté son visage. Cette expression décidée qui n'est jamais bon signe, ce désespoir qui trahit une envie. Je lis en cet air qu'elle prépare son geste, dès maintenant. Enzo se retourne et s'éloigne d'elle, la laissant plantée là. Quand il croise la caméra du téléphone, il crie.

"-Arrête, connard !"

Avant de frapper dedans. La vidéo se coupe. Je comprends immédiatement pourquoi Enzo n'a pas tenu à ce que les autres voient cela. J'ai honte pour lui. Comment a-t-il pu traiter cette fille ainsi ? Cette fille. . . elle aurait pu être moi. Je n'ai pas son joli regard, seulement nous avons les mêmes cheveux, la même morphologie, les mêmes manières. . .
Tout devient évident. S'il ne voulait pas de moi, au début, c'était parce que je lui rappelais Elise. Il avait peur de me blesser comme il l'avait effondrée. Pourtant, notre première fois avait l'air si naturelle, si paradisiaque. Je n'avais remarqué aucun geste de dégoût, ainsi qu'il avait décrit à la défunte.
A-t-il vraiment changé avec moi ?

"-Tu attendais encore combien de temps pour faire la même chose à Eléonore ? s'enquit machiavéliquement John."

Son rictus mauvais me fait frissonner. Insupportée à l'idée qu'il s'en prenne à l'homme que j'aime, je le défends.

"-Tu n'as rien à dire ! Tu t'es contenté de filmer sans l'en empêcher !"

La surprise se lit sur son visage. Ce spectacle est plus délectable que si je lui avais mis mon poing dans la figure.

"-A quoi fais-tu référence ? Ce n'était pas moi. La vidéo, je l'ai récupérée sur les réseaux sociaux, explique-t-il calmement sans se laisser démonter. Ton copain a eu la bonne idée de la poster, pour enfoncer encore cette chère Elise. La pauvre. . . Qu'a-t-elle dû penser en se voyant ridiculiser de la sorte ? Tu réfléchis Enzo ? Sans toi, elle serait encore en vie !"

Ces mots me font l'effet d'un coup de poignard droit au coeur. Ce qui est le plus douloureux, c'est que ses paroles sont vraies. Les actions d'Enzo ont été le coup de grâce pour Elise.
Je sens mon homme gémir derrière moi. Avant que je n'aie le temps d'analyser ce qu'il se passe, il est à genoux devant moi, enlaçant et agrippant ma taille plus fort qu'il ne l'a jamais tenue. Il a le visage caché son mon ventre.

"-Bébé, je t'aime. . . Ne me quitte pas, je vais tout te raconter. Je t'en supplie. . ."

Malgré tout l'amour que j'ai pour lui, je ne peux réprimer un haut-le-coeur. Il faut que je parte. . . Que je m'éloigne de lui. Sa présence m'empêche de remettre mes idées en place. Il me faut m'en aller pour réfléchir. Je me dégage de son emprise avant de prendre mes jambes à mon cou.

"-Ele ! Reviens ! aboie-t-il."

Son hurlement me déchire. Son désespoir m'anéanti. Ele, n'oublie pas qu'il a tué cette fille. . . Je rejoins mon bungalow, haletante. Je sursaute en y voyant Samuel, assis dans l'entrée sous le porche.

"-Sam ?"

Il se lève.

"-J'ai pensé que tu aurais besoin. . . Je ne sais pas à quoi je pensais en fait. Je m'inquiétais simplement pour toi."

Ni une, ni deux, je me jette dans ses bras et ne retiens plus mes larmes. Je m'accroche à son cou et m'y cache pour pleurer sans qu'on puisse me voir. C'est stupide. Dans l'état où je suis, je pense encore au regard des autres ! Sam passe sa main sur mon dos pour essayer de me calmer. Rien n'arrête mes violents hoquets. J'en suffoque presque.

"-La fille. . . articulé-je. Elle me ressemble !"

Il caresse mes cheveux en m'ordonnant de me taire.

"-Je ne veux pas que tu penses dans le chagrin, tu risques de faire une bêtise. Attends quelques temps, pour avoir du recul."

J'acquiesce sans cesser de pleurer sur son épaule. Je le savais. . . Je savais que j'allais souffrir. J'étais aveugle ! Comment n'ai-je pas fait le lien ? La photo de la fille, son air furieux lorsque je lui parlais de mon harcèlement. . . Peut être sortait-il avec moi pour se rattraper et avoir bonne conscience, en se disant qu'il en avait tué une mais sauvé l'autre ?
Je ferme les yeux tellement fort que j'en ai presque mal. Il faut que je me vide la tête. Ne pas penser.
C'est dans le plus grand des chagrin qu'on fait les plus grosses bêtises.

Tout ça pour lui (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant