Trois paires d'yeux se tournent vers moi. Je ne les vois à peine, aveuglée par mes larmes. Secouée de spasmes, je bouscule Dylan et Evy pour m'enfuir en courant loin d'eux. Mais qu'est ce qu'il m'a pris de tout lui balancer à la figure ? Il ne me pardonnera jamais. . . Je ne peux même pas lui en vouloir, je lui la seule responsable de cette histoire à sens unique : le mur. Si je n'étais pas tombée amoureuse de lui, rien de tout cela ne serait arrivé.
Je renifle en essuyant mes larmes avec la manche de mon sweat-shirt kaki. Je m'en veux tellement. Mais je lui en veux encore plus. Si je n'avais pas insisté pour partir en voyage avec Evy, je serais restée pénarde à la maison devant ma série ou mes bouquins et j'aurais eu la paix.
"-Eléonore !"
J'accélère mon pas de course, mais je l'entends tout de même se rapprocher. Mes sanglots m'empêchent d'avoir une respiration correcte, je suis donc obligée de ralentir. Juste assez pour lui permettre de me rattraper. Il passe devant moi, puis se retourne et me prend par les épaules, me forçant à m'arrêter.
"-Eléonore, regarde-moi."
Il prend mon visage en coupe et pose son front contre le mien. Cependant, je n'obtempère pas et continue de baisser les yeux. Me voyant si têtue, il soupire. Son souffle se pose directement sur mes lèvres. Je sens ma peau devenir grumeleuse. Je ferme les paupières pour profiter de cet instant, de ces moments si subliminaux que je passe avec Enzo. J'agrippe ses poignets, près de mes joues.
"-Eléonore, je t'en prie, dis-moi que c'est faux. Dis-moi que je compte pour toi. Dis-moi que je ne suis pas le dragon mais, au contraire, le prince Phillipe qui danse dans la forêt avec la princesse alors qu'elle croit que ce sont les animaux à sa place. Dis-moi que je ne te rends pas malheureuse. S'il te plaît. . ."
Je cligne des paupières, ce qui a effet de vider mes yeux de leurs larmes, de les faire couler sur mes joues.
"-Hé, pourquoi pleures-tu ? Arrête, pitié, sinon je vais moi aussi pleurer."
Je souris légèrement en découvrant la douceur de sa voix. J'entrouvre mes lèvres.
"-Je ne peux pas. Tu sais pertinemment que tout cela est vrai, que tu le veuilles ou non."
De ses pouces, il essuie mes larmes. Puis, il s'empare de ma tête pour la coller contre son torse et l'envelopper de ses bras. Il me serre tellement fort que je manque de suffoquer. Il pose son menton sur le sommet de mon crâne.
"-Je suis tellement désolé. J'ai perdu mes moyens, je ne pensais absolument pas ce que je disais. J'étais blessé, mort de jalousie. Hier, à la fête, quand je t'ai vue discuter avec le barman, quand j'ai vu comment tu le regardais, ça m'a rendu malade. Moi qui comptais te prendre par surprise par derrière, j'ai vite fais demi-tour et suis allé danser avec l'autre pouffe pour que tu ressentes ce que je ressentais. Je me sens tellement stupide. Je t'ai laissée là, toute seule. Tu avais l'air si perdue, tu me dévisageais comme si j'avais décapité toute ta famille devant tes yeux. Je me sens comme le dernier des idiots. Comment j'ai pu ne pas voir à quel point tu n'étais pas bien ?!"
Sa voix désespérée se brise soudainement, comme si une boule dans sa gorge l'empêche de continuer. Il repend sa respiration avant de continuer.
"-Quand tu m'as dit que tu voulais en finir. . . J'ai voulu me tuer d'avoir été un connard comme ça."
Je pose mes mains sur son torse pour l'éloigner, juste assez pour pouvoir répondre.
"-Tu m'as tout de même retenue. Cette musique était ma chanson préférée et, sans toi, je l'aurais ratée. Je serais partie. Je ne sais pas ce que j'aurais fait. . . Sûrement m'asseoir au bout de la pointe du port, sur la petite falaise tu sais, et attendre de voir ce qu'il se passe.
-T'es malade ? T'aurais pu tomber !"
Je contracte ma mâchoire puis baisse la tête.
"-Je m'en foutais. J'avais trop mal, aucune douleur ne pouvait être pire."
Un grondement se fait entendre. Nous levons tous les deux le regard sur le ciel, devenu gris. L'orage se prépare. Nous réprimons tous les deux un sourire en pensant à l'ambiance dramatique de notre conversation. Un mutisme nous enveloppe quelques secondes. Je repends la parole.
"-Alors on en est où ?"
Il réprime un hochement négatif du chef.
"-J'en sais rien. On peut. . . essayer d'être amis ?"
Ami. Amie. Amis. Ce mot me blesse. Comment peut-on être ami avec la discussion houleuse qui vient d'avoir lieu ? Se fiche-t-il de moi ? Je le lui fais donc clairement comprendre.
"-Tu sais que c'est impossible. Nos âmes ne sont pas faites pour être amies. C'est comme vouloir additionner un x avec un x carré. C'est im-pos-sible."
Il ricane.
"-Serais-tu en train de comparer notre relation avec une putain d'équation ? Tout le monde sait que mes notes en maths ne dépassent pas la moyenne.
-Moi non plus, mais j'ai quelques bases."
Il se passe la main dans les cheveux.
"-Ecoute, mis à part être amis, je ne vois pas ce que l'on pourrait être. Je ne sors avec personne. J'ai toutes les filles à mes pieds, je ne vois pas pourquoi je m'en priverai."
Il n'a rien compris. Je baisse les bras, j'en ai marre de me battre pour rien, dans le vide, contre un fantôme. Je lâche.
"-Ok. Nous ferions mieux d'y retourner. J'ai un cours de danse à faire."
Il sourit lorsqu'une goutte de pluie tombe sur ma pommette. J'approche mes doigts de mon visage pour la sécher, mais il les attrape. Il se baisse ensuite pour déposer ses lèvres contre elle. Je vibre à son contact. Il émet un rictus malicieux puis un clin d'oeil. Je m'écarte et rejoins le studio de danse. J'ai besoin de me vider la tête, de vider mes pensées, les laisser divaguer, les rendre plus légères.
Nous dansons quelques heures, je les réprimande lorsque la coré n'est pas parfaite, répète les mouvements jusqu'à ce qu'ils soient acquis. Nous y sommes presque. Il faut juste que je travaille mon duo avec Enzo.
Nous nous sommes mis d'accord sur la musique, ce sera Georges Michael. Une fois Evy et Dylan partis, nous nous entraînons en cachette.
Tandis que nous dansons, je ressasse sans cesse ses paroles. Soyons amis. Et puis quoi encore ? Cousin-Cousine puis Frère-Soeur. J'aimerais lui dire non, mais j'ai peur que, si je le fais, je sois privée de lui à jamais. Ne plus le voir, ne plus le sentir, ne plus le toucher. Je n'y arriverais jamais. Je suis trop dépendante pour cela. C'est bien mon problème.
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Tout ça pour lui (Terminé)
Dla nastolatkówDes lors où ses yeux se sont posés sur moi, j'ai su que quelque chose avait changé en moi. Mais je ne pensais pas être capable d'agir comme tel par amour. J'ai fait tout ça par amour. Tout ça pour lui.