Chapitre 31

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Je souffle tandis que Tiffy arrange les franges de mon t-shirt.

"-Tu es sûre qu'il n'est pas trop court ? demandé-je pour le énième fois."

Elle soupire en levant les yeux au ciel.

"-Mais nooon ! Aie confiance en toi. Tu es sublimement sexy comme ça, tu n'as pas à avoir peur. Je vous ai vu danser toi et les gars, vous êtes des killers. Vous allez tout casser."

Je souris. Cette fille est vraiment un ange tombé du ciel ! Depuis quelques jours, elle assiste à nos répétitions pour nous conseiller sur des mouvements ou sur des techniques. Elle nous apprend aussi à "séduire le public", comme envoyer un baiser quelques fois ou encore à faire une entrée digne de Beyoncé.

C'est elle qui nous a maquillée, Evy et moi, et qui nous a habillée. Elle parcourt mon corps une nouvelle fois.

"-Tu as beaucoup de potentiel, en terme de danse. Tu devrais y songer pour ton avenir."

Je ris.

"-Ah non ! Je n'ai absolument pas ce niveau.

-Tu devrais quand même le faire. Tu as un don très rare, celui de vivre la danse, de respirer, la danse, de danser pour survivre. Je n'ai pas eu ce cadeau, mais j'ai fait tout ce que j'ai pu pour y arriver. Je gâche pas ce don. Promets-moi juste d'y réfléchir."

J'opine en la prenant dans mes bras.

"-Merci, je ne sais pas ce que je serais devenue sans toi, dis-je."

Elle sourit en plaisantant.

"-Oh, tu n'aurais peut être probablement pas souffert autant pendant tes vacances sans mes cours de fitness !

-C'est clair !"

Je m'admire une dernière fois devant le miroir. Elle a lâché mes cheveux, qui tombent sur mes épaules gracieusement, mes yeux sont maquillés avec du mascara et du khôl, mes lèvres sont roses mates. Elle m'a donné un t-shirt noir à franges qui s'arrête au dessus de mon nombril, heureusement que les franges cachent la partie nue de mon ventre. J'ai également un short rose à rayures de tigres. Je porte mes baskets, rien de plus confortable. Irrésistible mais confortable, j'adore.

Je sens mon coeur palpiter dans ma cage thoracique. Le stress m'envahit et, bientôt, je sens mes membres s'engourdir.

Lorsqu'Evy m'emmène dans les coulisses avec les garçons, une nausée remonte.

"-Je peux pas, désolée."

Sur ce, je m'assois brusquement, les jambes écartées et tendues. Ils ne comprennent pas tout de suite, puis Enzo est le premier à allumer sa lumière. Il me prend par le bras et m'entraîne hors des coulisses. A l'air libre, je peux respirer normalement. Il lève mon menton pour planter son regard dans le mien.

"-Eléonore, je t'en prie. Je sais que tu angoisses, mais penses à tout ce temps dépensé pour ce concours. Nous devons gagner, tu l'as dit toi-même. Tu vas y arriver, d'accord ? Je serai avec toi, tout ira bien."

Il ouvre ses bras. J'hésite à me blottir contre lui. Il me rassure alors.

"-Les amis s'étreignent."

J'obéis alors et enlace sa taille de mes bras tandis qu'il fait de même avec mes épaules. Nous restons un long moment ainsi, à profiter mutuellement de la présence de l'autre. Soudain, un désir se propage dans mon corps et mes bras le serrent plus fort. Je relève la tête et cherche ses lèvres. Je deviens folle. Je me mets sur la pointe des pieds pour atteindre sa bouche pulpeuse et rosée. Je précipite vers elle. Mais la sensation, le goût est très différent de ce à quoi je m'attendais. La surface est lisse, et non pas charnue comme elle devrait l'être. J'ouvre alors les yeux et constate que je n'embrasse pas les lèvres d'Enzo, mais sa joue droite. Honteuse, je rougis et me confonds en excuses.

"-Désolée, je ne sais pas ce qu'il m'arrive, ça doit être le stress. . ."

Il pose son pouce sur ma bouche et s'approche doucement. Je sens mes battements cardiaques s'accélérer, si bien que je suis sûre qu'on voit mon pouls battre dans mon cou. Sa bouche frôle la mienne en articulant des semblants de mots.

"-Pas maintenant. Mais si tu gagnes, tu auras sûrement une récompense."

Puis il s'éloigne pour rejoindre les autres, me laissant plantée là, essoufflée. Je reste encore quelques instants loin d'eux, histoire de reprendre mon souffle, puis regagne les coulisses, pile au moment où la présentatrice annonce :

"-Magnifique. Nous allons désormais nous lever car le groupe qui se met en place va mettre l'ambiance, voici Evy and co !"

Le nom n'est pas top, mais c'était soit ça, soit je me fâchais (une nouvelle fois) avec Evy. Dieu sait qu'il ne faut pas contrarier Evy, de peur que le ciel ne vous tombe sur la tête !

Peut importe, nous rentrons en musique, comme nous l'avion répété.

Nous bougons d'abord les bras, puis les jambes, tournons sur nous-mêmes en rythme. . . Je fais de mon mieux pour esquisser mes mouvements à la centième de seconde près. J'écarte mes bras pour secouer ma poitrine tandis que les garçons s'approchent de nous pour nous attraper par la taille. Enzo s'approche donc de moi et me murmure à l'oreille.

"-Maintenant."

La musique change soudain et Georges Michael résonne. Evy se tourne vers Dylan puis vers nous, déboussolée. C'est alors qu'Enzo attrape ma main pour me faire tourner puis me renverser contre lui. Notre show peut enfin commencer. Tout en cassant nos hanches au rythme de la musique, nous nous déplaçons sur la scène. Du coin de l'oeil, j'entraperçois Evy et son partenaire descendre l'estrade, furieux. Je constate ensuite qu'Enzo affiche un sourire moqueur, voire provocateur. Vient désormais le moment du twerk, celui qu'il préfère. Je comprends mieux maintenant pourquoi il émettait ce rictus si stupide. Je le laisse me mater sans ronchonner, de toutes façons, ce pas m'a été conseillé par Tiffy. Selon elle, si je l'effectue, nous sommes sûrs de gagner.

Je me retrouve ensuite dans les bras de mon coéquipier pour le pas final. Ce dernier, vicieux comme il est, en profite pour me susurrer.

"-Wouaw, je n'en ai pas perdu une miette. . ."

Je me retiens de le frapper et murmure sèchement entre mes dents.

"-Arrête, sinon je te fais un croche-patte et de l'impro juste après. Pour le coup, tu ne verras plus rien !"

Il ricane.

"-Oulah, t'as tes règles ou quoi ? J'insinuais juste que nous allons gagner. . ."

Il me regarde d'un air entendu, insistant sur les derniers mots pour laisser un sous-entendu. Je lève les yeux au ciel. Je reconnais ensuite les dernières notes de la chanson, me place de face et prends la main d'Enzo avant de m'incliner en même temps que lui.

Nous nous faisons ovationner. Cela me réchauffe le coeur. Même si je ne suis pas foutue d'avoir au moins 15 en maths, d'avoir un petit copain ou même de ne pas rester à croupir seule chez moi, j'aurais toujours la danse et rien ni personne ne pourra changer cela. Je comprends désormais les paroles de Tiffy. La danse m'est vitale, comme une maladie, elle m'oblige à prendre possession de mon corps pour pouvoir s'exprimer. Comme une marionnette, je la laisse faire, passive mais consciente, manipulant chacun de mes mouvements, me soulageant à chacun d'eux.

Les autres candidats nous rejoignent sur scène pour connaître les résultats. Sa main n'a toujours pas lâché la mienne, il a même entrecroisé nos doigts. Je mets ça sur la note du stress et passe outre.

"-Bien mesdames et messieurs, nos jurys ont délibéré."

Je retiens ma respiration.

"-Avant toute chose, je voudrais remercier. . ."

C'est une blague ?! Je suis en train de décéder d'asphyxie et elle trouve le temps de dire merci à Chaipaki d'avoir fait Chaipakoi. Je m'ordonne intérieurement de continuer à sourire et de ne pas la pousser par dessus l'estrade. Elle annonce soudainement, avant que je n'aie le temps de me préparer mentalement :

"-Eléonore et Enzo !"

Hein ? Attendez je crois que j'ai mal entendu ? Nous sommes "Evy and co" et pas "Ele et Enzo". Avant que je ne puisse esquisser le moindre mouvement, je me sens m'élever. Enzo me porte en écrasant ma poitrine contre sa tête.

"-On a gagné ! s'écrit-il."

On a gagné. On a. . . gagné.

Tout ça pour lui (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant