Chapitre 33

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(A écouter tout le long du chapitre)

Je finis mon chocolat d'une traite. Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter son regard céruléen si envoûtant qui me ferait tout accepter, même son refus. J'en ai marre. Je n'en peux plus de m'en prendre plein la gueule. Je remarque qu'il fait de même et qu'il sort son portefeuille. Je sors alors mes pièces d'un et de deux euros qui trainaient dans ma poche.

"-Laisse, fait-il."

Je n'obtempère pas et les pose dans la coupelle où trône l'addition. Il hausse un sourcil du genre "T'es sérieuse ? Pourquoi tu m'écoutes jamais ?". J'explique alors mon geste.

"-Je ne veux pas avoir de dettes envers qui que ce soit. Surtout si nous ne sommes pas amenés à nous revoir."

Sa mâchoire se contracte et il ordonne sèchement.

"-Ele, reprends ça et sors."

Je ne bouge pas d'un iota. J'ai l'air tellement chiante ! Mais personne ne me dicte quoi que ce soit, je suis un humain merde ! Nous sommes tous au même grade ! Il détourne son regard puis repose sa question d'un ton encore plus irrité et impatient.

"-Ele, sors."

Son regard noir me fait frissonner. A contrecoeur, je m'exécute. Je me lève, récupère mes pièces puis salue la serveuse avant de pousser la porte. Les trombes d'eau qui tombaient n'ont pas cessé, je suis rapidement trempée. Mes bras croisés avec force sur ma poitrine, le cou rentré dans mes épaules pour empêcher les gouttes de rentrer, je regarde ce qu'il se passe à l'intérieur du café, espérant qu'Enzo ne s'attarde pas.

J'ai l'air misérable. Il me mène par le bout du nez, je me laisse faire comme une marionnette. Je n'ai pas le choix. L'amour que je lui porte ne me laisse pas le choix.

Il sort enfin au bout de quelques interminables minutes. En me voyant mouillée ainsi, il évite mon regard et déclare.

"-Je connais un endroit où nous pourrions discuter tranquillement."

Il me tend sa main grande ouverte. Sans réfléchir, je la prends et, aussitôt, il se met à courir sous la pluie, m'entraînant derrière lui. J'ai l'impression de passer au travers des gouttelettes. Qu'il me façonne un tunnel imperméable en passant avant moi. Sa main chaude suffit à réchauffer tout mon corps inondé d'eau.

Il m'emmène jusqu'à un bosquet, face à la mer. Il doit bien faire au moins six mètres de diamètre, plutôt grand mais pas assez pour s'éviter. Il me place face à lui. Des mèches de cheveux mouillées tombent devant son visage. Je tends le bras pour l'enlever. Seulement sa main l'intercepte.

"-Je suis désolé de t'avoir parlé si mal dans le café, mais je n'ai pas supporté l'idée de ne jamais te revoir. Je suis tombé amoureux de toi putain ! Je suis vraiment trop con de m'être fait avoir par l'amour. A cause de toi ! A cause de ta manière de persister même si je te rejetais, à cause de tes sourires, tes merveilleux rictus mon Dieu, avec tes fossettes, tes dents blanches parfaites, à cause de tes jolies lèvres charnues que j'ai si souvent eu envie d'embrasser, à cause de tes formes, de tes cheveux, qui m'ont si souvent effleuré quand nous dansions, à cause de ta générosité sans limite, à cause de ton caractère de merde lorsque tu es bornée, à cause de tout. J'aime tout chez toi, je suis tellement navré de t'avoir fait souffrir. J'ai été trop stupide. . . Merde !"

Il tombe à genoux et cache son visage de ses mains. Des larmes coulent sur mes joues. Toute ma vie j'ai attendu que l'on me dise ses mots, je croyais qu'ils n'étaient pas pour moi, que je ne méritais l'amour de personne. J'ai eu si souvent l'idée d'en finir et me suis déjà demandée à qui je manquerai. Je sais désormais que, si je n'en suis pas venue jusque là, c'est parce qu'au fond je savais qu'une âme soeur m'attendait quelque part. Je savais que je n'étais pas seule, malgré le fait que je l'étais très souvent. Certes, Evy a eu des dizaines de relations, elle n'étaient qu'éphémères. Je sens, je sais qu'au fond, j'aime Enzo comme je n'ai jamais aimé. Je suis idiote de croire que quelque chose pourrait se passer, qu'une relation pourrait se construire. Cependant, si ce monde n'était pas fait d'idiots, l'amour n'existerait pas.

Il se relève doucement puis prend mon visage en coupe en fronçant les sourcils.

"-Pourquoi pleures-tu ? C'est moi, c'est ça ?"

Je me mords la lèvre, en baissant le regard. Il me force à le regarder en posant son front contre le mien.

"-Arrête, je t'interdis de pleurer pour moi, je ne mérite pas tes larmes. Je t'aime. Je sais que je n'ai pas le droit, mais je suis tenté par le fruit défendu. Tu es trop bien, je suis un connard. Je suis vraiment désolé mais nous ne pouvons pas. Un "nous" ne peut avoir lieu. Tu es une belle rose, gracieuse et parfaite, tandis que je ne suis qu'un chardon, moche, piquant et dont personne ne souhaite s'approcher."

Je pose mes mains sur ses joues en murmurant d'une voix brisée.

"-Les roses ont des épines. . ."

Je m'approche de lui doucement, jusqu'à sentir son souffle près du mien.

"-Elles sont majestueuses dans les jardins, tout le monde les regarde, personne ne les touche non plus. Peut être en ont-elles assez d'être regardée de l'extérieur ? Peut être que. . .

-Eloigne-toi. Si tu restes aussi près, je ne vais pas pouvoir résister. . ."

Je ne l'écoute pas et réduis encore un peu l'espace entre nous. Je chuchote.

"-Alors ne résiste pas."

Sans attendre, je presse mes lèvres contre les siennes. Notre baiser est tout doux, innocent, nous collons simplement nos bouches. Je ne sais pas embrasser, disons que je n'ai jamais eu l'occasion de m'entraîner. Il s'écarte de quelques centimètres pour me chahuter en riant.

"-Tu appelles ça un baiser ?"

Je me sens rougir. Je joue nerveusement avec mes doigts, craignant qu'il ne veuille plus de moi. Craignant qu'il ne se moque et qu'il n'en parle à tout le monde. Craignant qu'il ne me repousse, encore une fois. A ma grande surprise, il enlace mes hanches de ses bras et me susurre.

"-Je vais te montrer. . ."

Il scelle nos lèvres une nouvelle fois. Ce baiser est plus puissant, plus passionné. Je sens tout le désir qui le consume depuis notre première rencontre, cette retenue qui a assez duré. Me laissant porter par le courant, je fouille ses cheveux de mes mains puis les tire légèrement. Il grogne puis resserre sa prise. J'entrouvre mes lèvres pour qu'il puisse y insérer sa langue. La sienne et la mienne se cherchent, se trouvent, se caressent. Ses mains descendent de ma taille jusqu'à mes cuisses, puis il les empoigne avec ardeur. Il se soulève ensuite par les fesses et j'entoure son bassin de mes jambes. Il lèche avec avidité ma bouche. Je lui mords alors la langue. Agréablement surpris, il glisse sa lèvre inférieur sous mes dents pour que je fasse de même. Je m'exécute et il émet un gémissement de satisfaction. Il aspire ma lèvre supérieure, avant de glisser ses lèvres tout contre les miennes. Il me butine ensuite la bouche jusqu'à ce que la mienne et la sienne se séparent. Son front heurtant le mien, nos yeux fermés, haletants, nous reprenons petit à petit notre souffle. J'arrive tout de même à articuler.

"-Tu vois. . . ce n'était pas. . . si compliqué."

Il sourit, creusant d'admirables fossettes sur ses joues. Je les embrasse d'un côté, puis sa pommette. D'un ton rauque, aussi pantelant que moi, il murmure.

"-Je t'aime."

Tout ça pour lui (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant