Chapitre 37

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Je ne cesse de renifler. Je tente de retenir mes larmes depuis quelques minutes, mais ma gorge me brûle tellement que je ne parviens plus à tenir. Je m'essuie grossièrement les yeux. Enzo se relève un peu tout en restant assis et me blottit contre lui.

"-Oooh mon bébé. . . Tu ne pleures quand même pas pour un petit film de rien du tout ?"

J'acquiesce en détournant le regard de honte. Il ne rit pas mais me sourit en m'embrassant sur le front.

"-Ah la la, t'as vraiment une âme d'artiste."

J'ignore sa remarque désobligeante. Je m'écarte de lui pour croiser mes bras sur ma poitrine. Seulement, au même moment, mon estomac gargouille, ce qui déclenche un rire chez Enzo.

"-On peut pas bouder tranquille, c'est fou ça !"

Il rigole de nouveau en se levant. Avant que je ne puisse esquisser un quelconque mouvement, je me retrouve perchée sur son épaule, portée comme un vulgaire sac de patates. Il m'entend soupirer.

"-Laisse-moi descendre, je n'aime pas cette position."

Il me tapote alors l'arrière train, qui au passage est situé jusque à côté de son visage, et déclare avec un sous-entendu apparent grâce à sa voix mielleuse.

"-Moi j'aime bien."

Je tape son dos pour souligner mon mécontentement.

"-J'ai faim. . .

-D'accord, j'ai compris. Rentre dans ton bungalow. Je viens de chercher dans cinq minutes. Fais-toi belle, je t'emmène au resto."

Sur ce, il me lâche. Je dois mettre mes mains par terre pour ne pas tomber la tête la première contre le sol carrelé. Sonnée, je me dirige vers la porte et, avant que je ne puisse tourner la poignée, je me sens attirée contre quelque chose de dur.

"-Tu n'allais pas me quitter sans mon bisou quand même ?

-Si, tu as vu comment tu m'as laissée tomber. T'es malade ? Non, franchement tu devrais te commander un cerveau pour Noël parce que le tien. . ."

Je n'ai pas le temps de finir que ses lèvres se plaquent contre les miennes. Avant que je n'aie le temps de réagir, il introduit sa langue dans ma bouche et mordille légèrement la mienne. Je tire sur ses cheveux pour approfondir le baiser. Il caresse ma taille puis enfouit ses mains sous le sweat-shirt qu'il m'a prêté. Je m'écarte un peu, peureuse de la vitesse à laquelle le désir nous submerge. Il comprend aussitôt et s'empresse de se confondre en excuses.

"-Désolé, je ne voulais pas. . . enfin si mais pas comme ça. . ."

Je le coupe en déposant doucement un court bisou sur ses lèvres.

"-Je t'attends dans cinq minutes tapantes. Sinon je viens de chercher par la peau des fesses, menace-t-il.

-Oula, j'ai peur. Essaye un peu donc !"

Il sourit sadiquement en me donnant une petite tape sur les fesses.

"-Dépêche-toi, le chrono a déjà commencé."

Je me presse de rejoindre mon bungalow en courant sous le rideau d'eau. Ma porte atteinte, je n'ai pas le temps de sortir mes clés qu'elle s'ouvre. Je me retrouve face à Evy. Elle évite mon regard et me bouscule pour sortir. Je ressens une douleur dans la poitrine. Nous ne nous étions jamais fâchées ainsi. C'est comme si j'avais perdu une partie de moi. Elle me manque, c'est certain, mais elle n'avait pas qu'à vouloir se ridiculiser devant tout le monde. Je lui ai évité le déshonneur jusqu'à la fin de sa vie. Elle n'a aucune définition de la gratitude. Je passe donc outre et monte dans ma chambre. Le placard ouvert, je réfléchis un bon moment à ma tenue. Normalement, Evy se serait chargée de tout. Je dois désormais apprendre à me débrouiller toute seule. Il faut que je reste indépendante, que je ne sois plus au crochet d'Enzo ni d'Evy ni de personne d'autre.

J'opte finalement pour ma jupe noire achetée dans un supermarché et mon haut noir à bretelles que j'ai porté à la fête du camping, lors de ma première danse avec Enzo. Pour ne pas paraître dégelasse, je lui dirais que c'est pour préserver le charme de notre premier rendez-vous ou une connerie du genre. Je suis sûre qu'il ne le remarquera même pas ! Je passe ensuite par la salle de bain, en musique cette fois, pour me maquiller. Tout en chantant - ou hurlant, tout est question de point de vue - j'applique un peu de mascara. J'ai aussi voulu faire un trait d'eye-liner mais au bout de trois fois j'en ai eu marre et j'ai abandonné.

"-Bouh !"

Je sursaute et émets un petit cri de surprise. Enzo rit en rentrant dans la salle de bain, fier de sa blague. Je remarque avec dépit que mon travail acharné de make-up est détruit par des franges noires de mascara sur la joue. Je prends un coton humidifié de démaquillant en maugréant.

"-Bien, bravo ! Maintenant je suis ri-di-cule !"

J'efface les vilaines traces, alias les bêtises d'Enzo, et jette le coton. Je m'empare ensuite d'un tube de rouge à lèvres et le tourne pour m'en servir. Je m'apprête à en appliquer lorsque quelqu'un me le subtilise au moment où il allait toucher ma bouche. Je fronce les sourcils.

"-Quoi encore ?!

-J'aime pas quand tu te maquilles. On dirait que tu ne veux pas que je te vois naturellement. En plus, je ne peux pas t'embrasser avec ce rouge sans m'en mettre.

-Et alors ?

-Tu ne sais même pas en mettre."

Je hausse mes sourcils, bras croisés sur la poitrine.

"-Puisque tu es un génie, montre-moi alors !"

Il accepte d'un hochement de tête. Il se passe la main dans sa mèche de cheveux, que j'aime tant, d'un geste assez efféminé et met sa bouche en cul-de-poule devant le miroir. Puis, d'une voix aiguë censée être féminine, il déclare.

"-Coucou les filles ! Nous revoici nous revoilou pour un petit tuto make-up. Comment mettre du rouge à lèvres ? C'est très simple. Vous mettez votre bouche comme ceci et faites glisser le produit sur vos lèvres. . . comme ça voilà. Ensuite, vous les pressez l'une contre l'autre. Voilà, vous avez une bouche parfaite pour aller à un rendez-vous avec votre chéri. Kiss kiss les filles !"

Il se tourne vers moi. Je me retiens d'éclater de rire en le voyant maquillé ainsi.

"-Tu me trouves comment ? Je sais bien me maquiller hein ?

-Que tu es bête. . .

-C'est pour ça que tu m'aimes non ?"

Je passe mes bras autour de ses épaules et il fait de même autour de ma taille.

"-Oui, je t'aime."

J'embrasse ses lèvres promptement. En me séparant de lui, je souris en constatant qu'il a maquillé mes lèvres sans s'en apercevoir. Je reprends mon stick à lèvres, le range.

"-Je suis prête !"

En sortant de la salle de bain, je prends le temps d'étudier la tenue de mon copain. Il porte un jean noir avec une chemise blanche tout bonnement magnifique. Il s'est aussi coiffé avec du gel ou quelque chose du style. Il est splendide. Même en portant du rouge à lèvre. Je souris en prenant de l'essuie-tout.

"-Viens."

Il obéit et se place face à moi. Je retire doucement le maquillage de sa bouche. Les yeux baissés, il m'observe scrupuleusement comme si j'étais la huitième merveille du monde. Je passe ma main libre sur sa joue, feignant l'orienter de manière à tout enlever, mais en réalité je profite de la douceur de sa peau et tente de la graver dans mon esprit. Mon travail fini, il se penche délicatement pour prendre mes lèvres et les poser contre les siennes. Je sens des papillons virevolter dans mon ventre.

J'ai l'impression de vivre. D'avoir vécu une vie noire et blanche et elle se transforme tout d'un coup en un rêve coloré. Enzo est comme un peintre, il me fait voir le monde selon ses couleurs. Il me fait vivre tout simplement.

Tout ça pour lui (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant