Chapitre 73

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Je laisse tomber ma tête en arrière pour respirer plus librement à pleins poumons. L'air frais marin me revigore mieux que les nombreuses siestes faites jusqu'à présent. C'est ma première sortie depuis deux jours, depuis le fameux soir. Mes yeux me piquent légèrement d'avoir passé autant de temps dans la pénombre de ma chambre. Je recroise les rouleaux de l'océan, plus bleus que jamais, coiffés de leur éternelle écume volant au vent. Cette mer plus céruléenne encore que ses yeux. Quoique je fasse, je repense à lui. Seulement, désormais, je ne m'effondre plus, je ne pleure plus, je ne souffre plus. Ou presque plus. Du moins, pour l'instant.
Les mains dans les poches de mon sweat, pour les garder au chaud en vue de ce temps grisâtre frisquet, ma capuche sur ma tête, j'avance lentement sans but précis. Je fais de nouveau doucement fonctionner mes jambes, comme une malade au cours d'une séance de rééducation. Nous sommes tombés, à nous de nous relever. Pour cela, je dois une fière chandelle à mes amis de m'avoir soutenue pour que je continue à avancer. Ma mère m'a aussi beaucoup supportée. Elle venait me cuisiner quelque chose, me filer des DVD qu'elle avait empruntée au camping, me réconforter. . . Aussi étrange soit-il, John est venu me voir chaque jour. On aurait dit qu'il culpabilisait d'avoir foutu la merde et qu'il essayait de se racheter. Je n'oublierai jamais ce qu'il a fait, même si je ne sais toujours pas si je dois lui en vouloir d'avoir brisé mon couple ou si je dois me montrer reconnaissante de m'avoir dévoilé la vérité, seulement si je veux avancer il faut que j'accepte sa présence et que je lui pardonne. Cela a été plus facile que prévu en vue de son comportement tout simplement adorable envers moi durant cette période, malgré le nombre de rejets de ma part, sans compter les insultes et les coups de gueule qu'il a dû gérer.
Sam passe son bras autour de mes épaules en souriant.

"-Ca fait du bien de te revoir vivre, dit-il"

Il a insisté pour m'accompagner, de peur que je ne fasse des bêtises. Je ne peux que le remercier de se soucier de moi ainsi. Je n'aurais jamais pensé que le garçon qui est venu m'aborder alors que j'écoutais du Queen serait devenu aussi important à mes yeux.

"-C'est grâce à vous. Je ne me montrerai jamais assez reconnaissante."

Il fronce les sourcils.

"-Tu rigoles ? Tu as toujours fait passer les autres avant toi, il était grand temps que nous te rendions la pareille ! C'est uniquement pour éponger ma dette que je t'ai aidé ! Je suis un bad boy moi, je ne suis gentil avec personne !"

Il rapproche ses poings de sa tête pour faire ressortir ses biscoteaux et dépose un bisou sur chacun d'eux. Je pouffe devant son numéro en répliquant.

"-C'est ça, tu m'en diras tant !

-Eh ! C'est pas très sympa, rétorque-t-il en faisant mine d'être heurté."

Je me retrouve à rire à gorge déployée. Mon rire est un peu faible, un peu rauque, de n'avoir pas ri aussi longtemps. Je suis contente d'y arriver à nouveau. Je commence à retrouver les couleurs qui avaient disparues.
John apparaît dans notre champs de vision, les mains dans les poches. Il ne nous aperçoit pas tout de suite, cependant dès que c'est fait il se joint à nous.

"-Comment vas-tu ? s'inquiète-t-il en me faisant la bise."

Je hausse les épaules, un petit rictus sur les lèvres. En le remarquant, il me sourie sincèrement.

"-Tu as l'air d'aller beaucoup mieux, ça fait plaisir.

-C'est aussi en partie grâce à toi. Merci, dis-je timidement en tripotant une mèche de cheveux.

-Pas de quoi voyons. Viens ici pour fêter ça."

Il ouvre grands ses bras pour que je m'y réfugie. Je vais tout d'abord pour y aller, avant de m'immobiliser. "Mwooo viens me faire un câlin Bébé" Enzo ouvre les bras et je m'y jette pour le serrer le plus fort possible contre moi. Je suis incapable de bouger. Je cligne plusieurs fois des paupières pour sortir de ma rêverie. N'y penses plus Elé, c'est fini, tu dois t'y faire. Fini.
Seulement, John comprend tout de suite.

"-Viens là aussi Samuel ! Tu n'en as jamais fait à 3 de câlins avec lui, non ?"

Le fait qu'il pense à éviter mes souvenirs me rend vulnérable et je me presse contre eux. Sam est gêné au début, puis il finit par rire du ridicule de la situation.

"-Les gens vont s'imaginer des choses ! commente-t-il.

-Perso, les plans à 3 c'est pas trop mon truc, plaisante John en gardant un bras sur mes épaules."

Nous continuons de babiller ensemble. Je vois très bien que Sam engage une nouvelle conversation chaque fois qu'il le peut pour que je m'ouvre et que je reste le plus longtemps possible à l'extérieur. Parce qu'une fois enfermée, je tourne en rond et finis forcément par penser à lui.
Je me demande si, avec tout ça, mon meilleur ami a fini par se trouver quelqu'un. Depuis sa rupture avec Louis, je sais qu'il ne va plus très bien. Il cache sa douleur lorsque nous sommes ensemble, néanmoins une fois seul il doit ressasser les souvenirs. Je suis bien placée pour parler !
Je profite alors du départ de John pour le cuisiner.

"-Et toi, ça va depuis Louis ?"

Il me considère quelques secondes, avant d'exploser de rire.

"-Louis ? Je l'avais totalement oublié, c'est vrai !"

Je croise les bras contre ma poitrine.

"-Sam. . . je sais que tu penses encore à lui, ce n'est pas la peine de te donner du mal pour conserver ta fierté."

Il passe une main dans ses cheveux avant de s'asseoir, je me joins à lui.

"-La vérité, c'est qu'au début j'allais mal. Très mal.

-Je suis sincèrement désolée de ne pas avoir été là. Je suis vraiment horrible !"

Il pose une main sur mon bras.

"-Hé, arrête ! Je m'en suis bien sorti tout seul ! Ne te jettes pas la pierre, ordonne-t-il. Mais avec le temps, les habitudes que nous avions se sont perdues, j'ai commencé à construire de nouveaux souvenirs et tout va mieux pour moi maintenant. Quand je te dis que j'ai oublié Louis, c'est faux. Je repense à lui encore quelques fois, mais cette fois avec un sourire sur les lèvres. Ce sont de beaux souvenirs, ils ne me font plus de mal. Toi aussi, tu verras, tu n'auras plus mal.

-Qu'est ce que je ferais sans toi ? soupiré-je."

Il fait mine de réfléchir.

"-Franchement, rien. D'ailleurs, tu me dois toujours une soirée karaoké !

-Oh non, j'avais prié pour que cela te sorte de la tête. Je suis vraiment pas une bonne amie pour ça, je chante super mal."

Il a un petit air mesquin sur le visage qui ne me présage rien de bon.

"-Tant mieux, ce sera plus drôle que prévu dans ce cas. . .

-Samuel ! le réprimandé-je en le tapant gentiment sur l'épaule."

Il tombe au sol et gémit.

"-Au secours ! Je suis un homme battu !"

Mon ricanement accompagne le sien et peu à peu, je retrouve la sensation de vie que j'avais perdue durant ces deux derniers jours. Je souris à nouveau. Je sors. Je renais tout simplement. Je mentirais si je disais que je n'ai plus mal. Pour l'instant, les "anti-douleurs" font effet, seulement pour combien de temps encore ?

Tout ça pour lui (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant