Tout ça pour lui (Terminé)

Chapitre 60

"-Debout là dedans !"

Je râle en enfouissant mon visage dans un oreiller. Mais Enzo est téméraire et persévérant. Il me soulève et me fait tournoyer en riant. Encore à moitié endormie, je gémis en le tapant mollement.

"-Fais-moi descendre !

-Comme vous voudrez, princesse, se moque-t-il."

Il me fait asseoir sur ce que je pense être un tabouret de la cuisine et ôte le polochon qui me servait de couvre-chef. Je découvre alors un splendide petit déjeuner avec un verre de jus d'orange fraîchement pressé, une montagne de pancakes et des brioches, qui semblent être faites maison, par dizaines.

"-Tu as tout fait pendant que je dormais ? m'étonné-je."

Il ricane.

"-J'ai beau être parfait, je ne suis pas cuisinier. Non, ma mère m'a levé et m'a amené ça.

-J'adore ta mère, fais-je en me servant un pancake dégoulinant de sirop d'érable."

J'engloutis mon assiette en moins de deux secondes avant de jeter mon dévolu sur les pâtisseries. En dépit de mon manque de volonté de déjeuner au début, il faut croire que ma tante Géraldine avait raison de me répéter que "L'appétit vient en mangeant". J'engloutis tout ce que je peux ingurgiter. Une fois la peau de mon ventre bien tendue, je roule presque jusqu'à ma chambre pour me changer et préparer mes affaires pour la journée. Dès que je suis prête, je rejoins mon copain en bas, vêtu d'un short de bain avec des lunettes de soleil et un chapeau de paille ainsi qu'une frite en plastique rose pour aller dans l'eau. Le cliché absolu du touriste balnéaire ! Je ris en y pensant avant de déposer un rapide bisou sur ses lèvres.

"-On y va ? lancé-je."

Il acquiesce. Main dans la main, et après avoir salué Evy d'un énorme câlin, nous nous dirigeons vers la bungalow de mes, espérons-le, futurs beau-parents.

"-Ele, ma chérie, comment vas-tu ? s'empresse de me demander sa mère en me serrant fort contre elle dès qu'elle me voit."

Je lui rends timidement son étreinte avant de faire la bise à son père et à son frère. Nous prenons ensuite la voiture pour aller jusqu'à l'embarcadère. Notre bateau est spacieux. Il doit au moins faire sept ou huit mètres de long. Nous tenons largement à cinq personnes.
Avec Enzo, nous nous installons à l'avant, sur les matelas incrustés à la coque. Après quelques formalités, nous partons. La vitesse est tout d'abord faible, le temps de sortir du port, puis Paul accélère.
Devant, l'air ébouriffe nos tignasses. Je ferme les yeux quelques secondes pour profiter de l'effet planant que nous offre l'ivresse de l'allure du navire. Enzo vient se placer derrière moi et encercle ma taille de ses bras. J'ouvre mes bras dans le vide en criant.

"-Jack, je vole !"

Mon imitation de Rose dans Titanic le fait marrer, tout comme ses parents. Yvonne me répond même en s'incrustant avec nous.

"-Si vous sautez, je saute !"

Le reste du trajet se fait en sa compagnie. Elle est tout simplement adorable ! J'ai l'impression de me retrouver face à une adolescente de mon âge à qui je peux tout, absolument tout, confier. De son côté, elle me raconte tout de la vie d'Enzo. Son plat préféré, le pyjama qu'il portait à sa naissance, l'âge auquel il a perdu sa première dent, sa première fracture du bras à 6 ans, sa maîtresse de CM2 dont il était le chouchou, la comptine qu'il mettait en boucle, le nombre de chocolat qu'il laissait pour le Père Noël sous le sapin, le cadeau d'anniversaire le plus étonnant qu'il ait pu demander - un microscope, le principal sujet de dispute des frangins, la voiture et le métier qu'il aimerait avoir plus tard. . . Pendant ce temps là, pour éviter de se faire humilier devant sa copine, il reste avec son père pour piloter l'embarcation. Je le soupçonne d'ailleurs de faire le fier en manoeuvrant le volant avec des gestes théâtraux, en remontant ses lunettes de soleil de manière exagérée ou de calculer la provenance et la force du vent en portant le bout de son index à la bouche puis en le levant en l'air. Je dois bien avouer que je suis pliée de rire.
Nous amarrons dans une crique déserte, où l'eau transparente donne une allure paradisiaque au paysage.