Chapitre 2

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Nous descendons par les escaliers jusqu'au rez-de-chaussé où se trouve le laser game. Lorsque les romans de Daniel avaient du succès, on y allait tous les soirs après l'école. Il écrivait des romans d'horreur sur des démons ou je ne sais quoi qui tuaient des humains. J'en ai lus quelques uns et j'avoue que sa plume m'emportait facilement entre des familles détruites et des monstres assoiffés de sang. Mais notre oncle n'arrive plus à aligner deux mots de français, au point qu'il s'est trouvé une vocation dans l'enseignement de la boxe. Cela nous arrange bien car nos séances, à mes frères et moi, sont gratuites désormais et nous pouvons passer au club n'importe quand. Le seul problème c'est que ce nouveau travail est payé juste assez pour qu'on se permette une partie par semaine.

Chris nous attend à côté de la porte de service. Il est le fils du propriétaire de tout l'immeuble. C'est aussi le meilleur ami de Samuel, ce qui nous permet de réserver toute la salle pour nous quatre sans problème. Nous allons dans la pièce des équipements et enfilons les armures colorées qui nous permettent de nous tirer dessus. Cet endroit reproduit un univers de science fiction, mais depuis toute petite, il m'a toujours paru artificiel. J'ai toujours eu beaucoup de mal à croire à ces cockpits en plastiques et ces hublots qui donnent sur des posters de planètes à moitié déchirés. Aurèle et moi sommes les rouges, nous avons toujours joué de cette couleur et le serons toujours tandis que Samuel et Daniel sont bleus. Nous faisons toujours les même équipes. Il ne nous est jamais venu à l'esprit de les changer.

- Vous avez la salle pour une demie heure, affirme Chris en nous poussant à l'intérieur. Amusez-vous bien !

La porte claque dans notre dos, nous laissant dans le noir total. Les lumières se rallumeront dans une minute. D'ici-là, nous devons prendre des positions stables pour battre nos aînés. Mon coeur bat la chamade tandis que je m'enfonce dans le labyrinthe, Aurèle sur mes talons. Chaque partie que nous jouons est un défi, un défi qu'il faut remporter à tout prix. Les perdants devront faire la cuisine pendant toute la semaine. Je ne serai plus là dans deux jours, mais je ne veux pas que mon frère se retrouve à faire la cuisine tout seul pour deux gloutons.

Nous arrivons devant un embranchement et je m'arrête. Soit nous nous séparons, espérant ne pas tomber sur les deux hommes en même temps, soit nous restons tout les deux pour les prendre par surprise.

- Je prends à droite, tu prends à gauche ? Murmure Aurèle si bas que je peine à comprendre.

- Ouais, s'il y a un problème, on se retrouve sur les balcons, conclus-je.

Il sourit et s'élance dans le couloir de gauche. Je regarde la lumière rouge disparaître dans l'obscurité avant de courir jusqu'aux balcons. Je monte les marches quatre à quatre, manquant de tomber plusieurs fois, et m'allonge sur le sol froid. Je peine à garder un rythme respiratoire régulier alors que des bruits de pas se rapprochent de ma position. Je ne suis pas courageuse, je ne l'ai jamais été. La seule chose que je sais faire, c'est suivre mon instinct. Il a tendance à me guider sur le droit chemin.

Des lumières multicolores s'allument sur les murs du labyrinthe, éclairant juste assez pour avoir une vision globale de la salle. J'aperçois Daniel qui poursuit Aurèle à quelques mètres de moi. Si nous ne sommes que deux dans les équipes, c'est pour avoir une absolue confiance envers notre partenaire et être sûr qu'il protégera nos arrières. Je tire un unique coup qui touche mon oncle au milieu du dos. Il pousse un juron tandis que son armure s'éteint subitement et émettant un son électronique qui évoque un robot à l'agonie.

Une douleur insoutenable me vrille alors les côtes, les larmes me montent aux yeux et je n'arrive plus à respirer durant un court instant. La force du coup associé à la surprise me laissent sans voix. Je lève la tête vers Samuel qui se retient d'exploser de rire. Prise d'une rage soudaine, je me lève d'un coup et tente de lui mettre un uppercut dans la tête. Il repousse mon coup au dernier moment et m'envoie un coup de coude dans l'oeil. Je serre les dents lorsque je sens un liquide chaud dégouliner jusque dans ma bouche. Demain ma peine se transformera en force. Je donne un coup de pied dans le genou de mon frère lui faisant lâcher un petit cri. Samuel se reprend bien vite et son regard se durcit.

I WAS NOBODYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant