I WAS NOBODY

Chapitre 4

Je me réveille en sursaut dans mon lit. Sans que je puisse les contrôler, des larmes dévalent le long de mes joues. L'image du corps sans vie de mon père est gravée à jamais dans ma mémoire. Même si je ne me rappelle pas de lui, sa mort me touche profondément. Nous sommes mystérieusement liés par ce lien invisible qui affecte mes émotions sans que j'en comprenne véritablement la source. Je ne veux pas ressentir de l'empathie pour ce monstre : il m'a abandonnée et je ne compte pas le lui pardonner. Il m'a trouvée indésirable alors que je n'étais qu'un nourrisson. Il avait accepté mes frères, mais dès qu'il m'a vue, il nous a tous laissés en plan. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter un tel traitement.

Je m'étire, essayant de chasser tous ces sombres souvenirs de mon esprit. Je suis aux Etats-Unis ! Je dois profiter de ce séjour extraordinaire ; cela le fera passer plus vite d'après mes frères. Je pense que j'arriverais même à supporter Wayne s'il y met du sien.

Je vais dans la salle de bain adjacente à ma chambre et mouille mon visage d'eau glacée. Cette dernière me ramène pour de bon à la réalité. Je vais chercher un jean et un de mes habituel t-shirt du Joker par dessus duquel je fais passer mon sweat noir.

Je prie intérieurement pour que ce voyage ne me change pas trop car j'aime celle que je suis devenue. J'ai su surmonter mes faiblesses et me suis endurcie pour que mes sentiments ne soient plus que des spectres dans un monde désert de vie. J'ai détruit cette peur de l'abandon qui me hantait depuis le départ de mon père.

Je rejoins la cuisine où Wayne est déjà en train de s'affairer. Il est de dos et ses muscles sont saillants sous son t-shirt moulant. Une délicieuse odeur de bacon grillé flotte dans la pièce. Je m'assieds à table derrière lui et passe une main dans mes cheveux pour les éloigner de mon visage.

- Hi, murmuré-je pour signaler ma présence.

Il se tourne vers moi et me transperce de son regard émeraude. Il détaille chaque parcelle de mon corps comme pour essayer de se rappeler pourquoi je suis là. Il finit par cligner des yeux et revenir à la réalité.

- Tu veux quoi pour le petit-dèj ? Soupire-t-il.

- Du café, s'il te plaît.

J'essaye de paraître le plus polie possible pour que nous finissions par nous accepter.

- C'est tout ? S'étonne-t-il, un sourcil haussé.

- Bah oui pourquoi ?

Ma voix est plus agressive que je le voudrais mais il l'a bien cherché.

- I don't wanna be fat ! Imite-t-il avec une voix suraiguë qui me fait étouffer un petit rire.

- I didn't say that ! M'indigné-je sans vraiment de conviction.

- Mais tu le penses très fort !

- Même pas vrai, c'est juste que je n'ai pas faim !

- Okay.

Il lève les mains en l'air en signe de reddition et me sert une grande tasse de café. Je souris, satisfaite, tandis qu'il retourne à son petit déjeuné qui grille dans une poêle. Je n'arrive pas à décider si j'aime bien Wayne. Il doit faire craquer toutes les filles avec son côté bad boy, sauf que je ne suis pas toutes les filles. Je ne compte pas me laisser ensorceler par cet américain indécis.

Il finit par revenir vers moi avec une assiette remplie d'oeufs au plat et de bacon. Je lève les yeux au ciel devant cette montagne de nourriture : même mes frères ne mangent pas autant que ça ! Pourtant Wayne n'est pas gros, loin de là ; sa silhouette ne comporte aucune imperfection. Il ressemble à l'une des ces statues grecques taillées dans le marbre.