Chapitre 38

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Si je ne devais pas revenir, je n'aurais aucun regrets.

Si je devais mourir, j'aurais peut-être un espoir de revoir Amory dans une autre vie.

Si je devais perdre un de mes frères, je le pleurerais et le vengerais.

Si Wayne devait ne jamais se réveiller, je ne me réveillerais pas non plus.

Si nous gagnons, mon père sera fait prisonnier au Paradis, et tous les Enfers voudront le venger.

Si Lucifer sait que je suis derrière tout ça, il me traquera sans merci.

Cette dernière pensée me fait frissonner. Après mon père, Lucifer est la personne qui m'effraie le plus, au monde. Mais il faut que j'y aille, il faut que j'empêche mon père de devenir encore plus mauvais qu'il ne l'est déjà. Je dois aider mes amis et mes frères, pour Amory.

Pour Amory.

Il aurait voulu que je fasse ça.

Il aurait voulu que je ne devienne pas complètement un démon.

Il aurait voulu que je garde espoir.

Il aurait voulu vivre.

Souvent, on dit qu'il faut profiter le plus possible de notre vie car on ne sait pas quand est-ce qu'elle va se terminer. Maintenant, je sais que, même un démon supposé immortel, peut mourir. Et une fois mon père descendu de son pied d'estale, je compte bien tuer Lucifer. Car oui, c'est mon voeux le plus cher : ne plus le voir arpenter la surface de la terre.

Je secoue la tête pour chasser toutes ses pensées de mon esprit. Le ciel nocturne s'étale autour de nous, toutes les étoiles semblent briller plus fort, comme pour nous encourager. Je serre ma prise autour de Wayne, son odeur se faufilant dans mes narines.
Je suis entourée de toutes les personnes que j'aime et ne compte pas en perdre une ce soir. Le paysage sombre des Enfers s'étend à nos pieds, on peut apercevoir les formes des montagne dans la nuit. Le village des anges déchus n'est qu'un amas de lumières si faibles et le lac des sirènes est aussi invisible que la forêt des métamorphes.

Nous avons choisi de nous poser sur la colline où, il y a si longtemps, les jumeaux m'avaient présentés les Enfers. Cette journée est bénie à mes yeux, c'est celle de mon premier baiser avec Amory. J'aimerais tellement retourner à ce temps, cette époque bien lointaine durant laquelle nous étions tous heureux et que les problèmes n'existaient pas. Tout ce qu'il y a avait dans ma tête, c'était lui et moi, un amour que j'espérais infini et digne des contes de fées.

Mais il est mort maintenant, et je vais le venger. Les plumes des ailes de Estevan frôlent mon visage tandis qu'il amorce sa descente. Je le suis en silence, incapable de prononcer le moindre mot. Je le suis, me laissant presque tomber jusqu'au sol. J'aime me rappeler que je peux mourir, qu'on peut m'atteindre et que la vie est dure.

Mes pieds touchent le sol avant ceux de tous les autres, l'herbe humide dégage une odeur apaisante, comme un signe de bienvenue. Mais nous ne sommes pas revenus pour faire plaisir à nos familles, mais pour que désormais, lorsqu'on les regarde, qu'on se rappelle de ce que nous avons fait ce soir. Nous sommes ici pour les couvrir de honte.

Je lâche Wayne qui titube sur quelques mètres avant de retrouver l'usage normal de ses jambes. J'entends mes frères se poser derrière moi, alors qu'il font un bruit presque imperceptible. Leur grâce angélique suffit à troubler l'équilibre de ces lieux. Les autres suivent et nous échangeons un dernier regard avant de nous tourner vers nos destins.

Nous avions conclu de n'échanger aucun mot durant l'opération. N'importe quel démon qui traînerait dans les parages pourrait nous entendre. Mais les mots franchissent mes lèvres sans que j'arrive à les retenir :

- Revenez vivants.

Une boule se forme dans ma gorge en voyant un sourire tranquil se former sur les lèvres de Matthew et Wayne me fait un clin d'oeil. Ils ne sont que des humains, je n'aurais jamais dû les emmener avec nous. Mais c'était leur choix, leur devoir de venir. Ils sont des chasseurs de démons et nous les avons accompagné jusqu'à l'endroit où il y en a le plus sur terre.

Je finis par tourner les talons et descendre de la colline, évitant le chemin habituel sur lequel quelqu'un pourrait se balader. Je sens l'odeur boisée de mes frères derrière moi et sait qu'ils seront toujours là pour moi; où que j'aille, je ne serais pas seule.

Ils dégagent, par contre, une lumière insupportable, comme des torches humaines.Ces deux anges-là doivent faire parti des rares qui se sont introduits ici en douce et qui vont en ressortir. Je sais que notre père va être heureux de les revoir. Je n'ai pas vraiment envie de le trahir aussi profondément, mais nous devons le faire.

Je reconnais alors le lieu dans lequel nous nous trouvons : c'est la prairie. Celle dans laquelle Amory et moi avons passé tellement de temps. Celle qui porte notre amour. Celle où il est mort. Les larmes me montent aux yeux. Je ne m'étais dis que je ne pleurerais pas, mais mes jambes n'arrivent plus à supporter mon poid. Je m'écroule au milieu des fleurs fanés, les genoux heurtant lourdement la terre et je pleure.

Je pleure car je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je sais que Amory n'en fera pas partie. Un sentiment de vide m'envahit, ce même que j'ai ressenti pendant si longtemps après sa mort et que Wayne avait réussit à me faire oublier. Comme si toute mon existence perdait tout son sens, la gravité ayant disparue, me laissant flotter misérablement sans destination.

Une goutte de sang atterrit sur un petit cailloux qui se trouvait là, suivie de dizaines d'autres. Je n'imagine que trop bien mon visage à cet instant précis : couvert de sang. Un visage autrefois masqué par plusieurs couches de cheveux, désormais ravagés par le sang. Je ne sais pas comment est-ce qu'il a fait pour m'aimer, moi Summer Edwards. C'était ton bonnement impossible. Il a changé ma vie, au point de me la faire découvrir.

Deux mains chaleureuses se posent alors sur mes épaules, me soutenant comme elles l'ont toujours fait. Mes force rejaillissent. J'essuie rapidement mes yeux et me relève. Je vais casser la gueule à notre père.

Je sais qui je suis désormais.Une fille qui était banale mais qu'il a rendue spéciale.

Une fille qui était humaine mais qui est un démon.

Une fille autrefois innocente mais qui est une meurtrière.

Une fille rêveuse qui a trouvé l'amour.

Une fille qui se trouvait triste, mais qui sait désormais ce qu'est la tristesse.

Je n'étais personne, maintenant je suis Summer Edwards. 

***

Voilà pour ce chapitre !
J'espère qu'il vous a plu : )
Je sais qu'il ne s'y passe presque rien, mais je voulais que vous vous placiez dans la tête de Summer. Je voulais que vous ressentiez ce prequel à la bataille avec elle.
J'ai presque pleuré en écrivant ce chapitre donc savourez-le ; )
A bientôt, j'espère !
( Je vais essayer de trouver du temps pour continuer à écrire)
Oubliez pas de voter ; )

I WAS NOBODYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant