Chapitre 16

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- Viens Musse, je vais te montrer un truc.

Il m'attire jusqu'à la fenêtre ouvert dont il enjambe le rebord. Je ne réalise ce qu'il se passe que lorsque nous sautons dans le vide. Mes ailes se déploient instinctivement et ma chute se stoppe instantanément. Je plane, au dessus des immeubles qui me sont si familier, au dessus de la grisaille de Paris. Amory nous entraîne à travers un nuage cotonneux. Je sens à peine le toucher humide sur mon visage.

- Les humains ne nous voient pas ? Demandé-je.

Je nous imagine déjà faisant le tour des réseaux sociaux avec comme grand titre "Des démons vus à Paris".

- Non, pas lorsque nous sommes complets.

Je n'arrive pas a croire ce qu'il se passe. Je vole, avec mes propres ailes ! Mes cheveux me fouettent le visage et je peine à suivre le rythme d'Amory qui file dans la nuit. J'aperçois alors une rue que je connais bien, la mienne. Nous nous arrêtons au dessus d'un immeuble, mon immeuble. Il semble tellement ridicule vu d'ici... Les lumières du lycée brillent au loin, il ne devrait pas faire trop le malin avec sa taille de haricot et son odeur de morue.

Mais nous devons rentrer avant que les autres s'inquiètent. Je tire mon meilleur ami jusqu'à la fenêtre du salon. Heureusement pour nous, elle est ouverte. Je reconnais un brouhaha de voix familières à l'intérieur. Nous entrons au milieu de mes trois "amérigos" (comme dirait Amory), de mes deux frères et de mon oncle.

Ce dernier écarquille les yeux en nous voyant débarquer dans le salon par la fenêtre. Quelque chose dans ce que je lis dans son regard me brise le coeur : de la déception. Il est déçu de moi, il pensait que j'allais être comme lui et que nous allions enfin former une famille. Mais à cause de moi, ce n'est pas ce qui va se passer.

è Faîtes sortir les amérigos Daniel, ordonne Amory.

Je me rappelle alors de leur présence. Ils ne nous voient pas car ils sont humains. Daniel leur propose d'aller "acheter des pizzas pour le dîner". Ils partent alors en ronchonnant, nous laissant -enfin- seuls. Daniel se tourne vers nous, plus menaçant que jamais.

- Qu'est-ce que tu lui as fait, démon ? S'écrie-t-il.

Amory se tend à mes côtés.

- Rien Daniel, elle est l'une des nôtres.

Il le dit d'un ton presque cérémonieux, comme s'il faisait un décret devant une audience. Mais cette audience, c'est ma famille, ceux avec lesquels je vie depuis toujours.

- Non, elle est la fille de sa mère, elle appartient au Paradis, le contredit Daniel.

- Et elle est aussi la fille de son père.

Ils se sont rapprochés et leur front se frôlent. Si je ne les arrête pas tout de suite, ils vont en venir aux mains et ce sera moche, très moche.

- Stop ! Hurlé-je.

Le monde semble s'arrêter de tourner. Aurèle se rapproche de moi et caresse mes plumes noires du bout des doigts. Un sourire béat se forme sur son visage, me réchauffant le coeur : il y en a au moins un qui est content de ma transformation..

- Trop stylé, souffle-t-il.

A peine a-t-il prononcé ces mots que de magnifiques ailes blanches sortent de son dos et de celui de Samuel. Une lumière blanche inonde la pièce, me forçant à fermer les yeux. Lorsque je les réouvre, je découvre que la puissance avec laquelle elles sont sorties les a projetés chacun à un bout de la pièce. Leurs ailes ont poussé avec tellement de facilité et de douceur qu'un sentiment de jalousie gonfle dans ma poitrine. Qu'ai-je fais pour mériter toute cette douleur ?

I WAS NOBODYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant