I WAS NOBODY

Chapitre 7

Lorsque nous passons la porte du fast food, toutes les têtes se tournent vers nous. Non, pas vers nous, vers Ambre. Elle ne semble pas s'en soucier et continue son chemin. J'admire cette façon qu'elle a de ne pas se soucier du regard des autres, même lorsque ce dernier est envieux. Il est facile d'ignorer la haine, mais l'amour te suit partout.

- Ambre a beaucoup de succès auprès de la gente masculine, murmure Matthew dans mon oreille.

- Tu m'étonnes, avec un corps pareil, soufflé-je.

Il plonge ses yeux dans les miens avec une lueur d'amusement.

- Ne doute jamais de toi-même, Summer, déclare-t-il.

Il profite de mon étonnement pour prendre la tête du groupe et nous guider à une table où Wayne est tranquillement assis, ses écouteurs dans les oreilles. Il est concentré sur son téléphone et ne nous voit pas arriver. Je me demande bien ce qu'il fait, ce qu'il a fait toute la journée d'ailleurs.

Matthew se racle bruyamment la gorge, si bien qu'il lève les yeux vers nous. Ses pupilles émeraude analysent la situation et il finit par soupirer et enlever ses écouteurs.

- Je ne pensais pas qu'on serait aussi nombreux, souffle-t-il.

Wayne a le don de me mettre hors de moi rien qu'en ouvrant la bouche. Il s'exprime toujours d'une façon nonchalante qui me pousse à me demander s'il a conscience de la misère de ce monde. Je ne sais pas ce qui est arrivé à sa mère -même si je compte bientôt le découvrir- mais je crois que ça l'a coincé entre le rêve et la réalité.

- C'est la faute à Summer ! Me dénonce Matthew.

Je lui mets un coup de coude pour qu'il la ferme. Il ne faut surtout pas que Wayne apprenne qu'Astrid a le béguin pour lui.

- Maintenant qu'on est là, on peut manger ? Rouspète Ambre en s'asseyant.

- Mouais, marmonne Wayne.

Il est pas convaincu, mais c'est trop tard : on a déjà tous pris place autour de la table. Je me retrouve entre mon correspondant grincheux et son meilleur ami aux yeux bleus. Astrid dévore Wayne du regard et ce dernier ne semble même pas s'en rendre compte. La pauvre, la seule manière d'attirer son attention est de le provoquer, et je sais qu'elle ne le fera jamais.

Le serveur, un garçon d'à peine douze ans, vient prendre notre commande avec application, en nous regardant dans les yeux, chacun notre tour. Son tablier d'un blanc immaculé et ses cheveux impeccablement coiffés en arrière révèlent la qualité du restaurant.

- Et les gars, ça vous dit un action ou vérité ? Propose Ambre.

- C'est un jeu de gamins, soupire Wayne.

- Allez, ça va être drôle ! S'excite Astrid.

- Clairement pas ! La contredit Matthew.

Voyant qu'il sont à égalité, tous les regards se tournent vers moi, attendant mon avis. Il est clair que "Action ou Vérité" est pour les petits enfants qui veulent se donner de l'importance. Pour les gens de nos âges, c'est le jeu le plus cliché qui existe, celui auquel tous les ados jouent dans les romance. Mais nous sommes aux Etats-Unis après tout : le pays même où ce genre de cliché a commencé à exister.

- Ouais, on va bien rigoler, tranché-je.

Wayne laisse tomber sa tête sur le dossier de la banquette et je ne regrette absolument pas mon choix.

- Alors Ambre, action ou vérité ? Demande Matthew.

Il a un sourire espiègle aux lèvres, comme s'il préparait un mauvais coup.