En media, "Christine" Christine and the Queen
Françoise n'aimait pas Salvatore. Elle n'était pas sotte, même si elle parlait peu, elle avait bien compris qui il était. Et la mafia ne lui évoquait que des malfrats, des bandits qui exploitaient les gens sous couvert de les protéger. La semaine dernière, Tina, la petite lavandière de la rue San Rocco avait refusé de payé le pizzo, et sa boutique avait été incendiée. Il n'y avait pas de hasard. Les choses se savaient. Salva n'était qu'un sous-fifre pour le moment, mais il obéissait au parrain local, Girolamo Falcioni. La jeune femme ne pouvait pas comprendre comment Giuseppina et ses parents pouvaient accepter cela, et ça la mettait mal à l'aise. Plus le temps passait, plus elle avait envie de rentrer. Ses parents lui manquaient, la France aussi. Elle avait téléphoné à sa mère qui lui avait demandé de patienter quelques semaines. Noël approchait, elle viendrait passer deux semaines à Casalnuovo avec Jean-Pierre, le père de Françoise et ils rentreraient tous ensemble à Nice ensuite. Elle avait parlé de traditions, Noël en famille, et Françoise, peu habituée à protester, s'était laissée convaincre.
En attendant ses parents, elle évitait de passer trop de temps avec sa cousine et la bande de jeunes gens. Sa tante tentait toujours de la pousser à sortir, autant pour qu'elle veille sur sa fille que pour l'encourager à s'amuser. La jeune française rechignait, prétextait des maux de tête, de la fatigue, mais ne pouvait refuser à chaque fois. Les garçons la dévisageaient, ils essayaient toujours de passer un bras autour de ses épaules, la toucher, poser une main sur une cuisse, frôler un sein. Giuseppina et Salva s'embrassaient goulument devant tout le monde, quand ils ne disparaissaient pas à l'extérieur ou dans l'arrière-salle du bar qu'ils fréquentaient. Elle détestait quand l'italienne l'abandonnait avec Rico, Tony ou Elio mais cela n'était rien à côté des regards que lui lançait Salvatore quand ils revenaient. Il finissait de remonter sa braguette ou de boucler sa ceinture et ses yeux plantés dans les iris gris de Françoise lui disaient : « un jour, tu seras à moi aussi. »
C'est pour cela qu'elle s'est méfiée ce jour-là, où ils s'étaient croisés. A cause de ces regards. Il était en voiture, seul, et elle à pied, chargée de commissions. Il s'était arrêté au bord du trottoir, avait baissé la vitre du côté passager.
— Ciao Bella, je te ramène ?
— Bonsoir Salvatore. Non merci, je préfère marcher.
— Sois pas bête, t'es chargée et il fait un froid de canard.
Françoise avait hésité, elle avait mal aux doigts à cause des paniers en osier trop lourds, mais l'idée de partager un espace confiné avec lui ne la mettait pas à l'aise.
— C'est très gentil, mais je suis presque arrivée.
Trop tard. Salvatore avait perçu la légère hésitation dans sa voix. Il était sorti de la voiture, avait pris les courses d'autorité des mains de la jeune femme et les avait déposées dans le coffre avant d'ouvrir la portière à Françoise. Un peu contrainte, n'osant créer de scandale, elle avait pris place à ses côtés.
— Peux-tu me déposer chez mon oncle et ma tante s'il te plait ?
— Bien sûr, principessa, avait-il souri avant de prendre le volant. Alors, dis-moi, tu te plais ici ? On n'a jamais l'occasion de discuter tous les deux.
« Faudrait déjà que tu retires ta langue de la bouche de ma cousine » pensa Françoise, mais elle opta pour une réponse plus polie.
— Oui, beaucoup.

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Casalnuovo RC
RomanceAprès des années d'errance, Louise est enfin heureuse. Elle a retrouvé son Thomas, et ils ont ouvert il y a un an la librairie dont elle rêvait. Mais le passé revient la hanter et commence alors une longue quête d'identité, qui la mènera jusqu'en Ca...