Chapitre 13

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En media, "Hurt" Hugo Barriol

J'ai découvert cet artiste il y a quelques mois, c'est un français qui s'est fait connaître en chantant dans le métro australien. Il y a plusieurs chansons pas mal du tout :)



Nous sommes réveillées tôt le lendemain matin. Ma grand-mère a passé la moitié de la nuit à ronfler et m'a empêchée de dormir, comme si je n'avais déjà pas assez de raisons de céder à l'insomnie. Ma maman et moi comparons nos cernes en souriant, sans avoir le cœur d'avouer à la vieille dame qu'elle en est la cause.

Nous descendons au premier étage de l'hôtel afin d'aller prendre notre petit déjeuner. Le buffet est installé dans une vaste salle un peu rococo qui dénote avec la modernité de notre chambre. Tentures, lustres, parquet en marqueterie et fauteuil d'osier, tout ce que je déteste, mais mes deux compagnes sont ravies. Le buffet est très largement garni en viennoiseries à la fleur d'oranger, pâtisseries maison, fruits frais et fromage, œuf ou charcuterie pour plaire à tous les touristes. Je commande un cappuccino à la serveuse, et vais me chercher un yaourt et un unique cornetto que je grignote distraitement.

— C'est tout ce que tu manges ? Goûte à leur crostata, elle est divine ! suggère ma mère qui revient avec une assiette pleine.

Encore une fois, Mamie Prune et elle échangent sur le contenu de leur assiette, les yeux brillants de saveurs oubliées et de délice retrouvés. Lorsque ma grand-mère mord dans un bombolone, ses yeux noirs se mouillent de larmes.

— Ils n'ont rien à voir avec les bombolonu calabrisu, mais quand même, ça fait plaisir ! souffle-t-elle, émue.

Après le petit déjeuner, nous décidons d'aller nous promener un peu avant de nous rendre chez Rosa et Pasquale, pour profiter un peu du beau temps et de la ville. Nous allons jusqu'à la célèbre via Garibaldi, classée par l'Unesco, admirer les magnifiques palais qui ornent l'artère commerçante : le Palazzo Tursi, Bianco, Rosso. Ma grand-mère insiste ensuite pour que nous fassions un détour par la cathédrale San Lorenzo, où elle entre seule pour prier. Ma maman et moi préférons l'attendre devant.

— Comment cela se fait-il qu'avec une mère si pieuse tu ne sois pas croyante ?

Ma mère plante ses yeux gris dans les miens, avec un sourire triste.

— Plus jeune, je l'étais. Mais ça fait un moment que je n'ai plus mis les pieds dans une église sans y être contrainte.

— Longtemps ? Genre trente ans ?

— Oui, murmure-t-elle en baissant le regard.

Quand Mamie Prune nous rejoint, nous prenons la direction du quartier de Pré, le quartier populaire de la ville. Au fur et à mesure que nous avançons dans les rues, les façades colorées se défraichissent, la peinture ocre s'écaille. Du linge pend aux fenêtres, et entre les immeubles, de vieux chats pelés s'approchent, pour quémander un peu de nourriture. Les trottoirs sont sales, les murs couverts de tags, mais je me sens bien dans cette portion de la ville, véritablement authentique, préservée des touristes qui préfèrent les jolies rues propres et les commerces rutilants à la misère crasse.

Rosa et Pascale vivent Piazza San Bartolomeo dell'Olivella, au centre du quartier de Pré. Nous tournons un peu, cherchant les numéros sur les façades d'immeubles, et enfin, trouvons le bon endroit. Pas de sonnette, ni d'interphone. Je pousse la lourde porte cochère et m'efface pour laisser passer mes deux accompagnatrices. Nous gravissons ensemble les deux étages qui nous mènent à l'appartement de nos hôtes, parmi les graffitis et l'odeur d'urine.

Au 3E, ma mère frappe doucement, et je me sens intimidée. Il se passe plusieurs secondes avant que nous entendions des pas claudiquant derrière la cloison, et un bruit de serrure que l'on déverrouille. La porte s'ouvre sur une vieille femme, petite, comme ratatinée par la vie et ses épreuves.

Casalnuovo RCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant