Chapitre 33

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En media, "My mistakes were made for you", The last shadow puppets





- Il faut te secouer, Lou.

Je lève un regard vide vers Enzo, venu me chercher comme chaque matin pour m'emmener à l'hôpital. Quatre jours. Quatre nuits. Et aucune évolution dans l'état de Thomas. À chaque fois que je quitte son chevet, j'ai l'impression qu'il m'échappe un peu davantage, et moi, c'est la vie qui m'abandonne. Je reçois beaucoup de messages de soutien, des appels compatissants, mais rien n'atténue ni la douleur, ni l'horrible sentiment de culpabilité. Je ne cesse de me remémorer la scène, le bruit de la lame transperçant sa chair, son gémissement rauque, le moment où ils l'ont jeté par la fenêtre, son dernier regard. La nuit, le jour, ces images me hantent, et Tom me manque à en crever. Son odeur, sa main rassurante dans la mienne, ses yeux qui disent tellement plus que les mots, et sa voix, grave, posée. J'appelle son répondeur pour l'écouter, paniquée à l'idée de ne plus pouvoir l'entendre pour de vrai, je passe le reste de mes journée à errer dans la maison, toujours le même tee-shirt serré contre moi, en regardant des photos de nous, me remémorant des souvenirs heureux. Je caresse mon tatouage, joue avec mon bracelet, comme si c'était les deux seules choses concrètes qui me reliaient encore à lui.

- Il n'aimerait pas te voir comme ça, murmure le flic en jouant avec sa tasse à café vide sur la nappe en toile cirée. Ne laisse pas le désespoir t'envahir, tu ne pourras plus te battre.

Je me lève et lui tourne le dos, m'appuie à l'évier, mâchoires serrées, mains crispées sur le rebord. Je n'ai plus de larmes, mais plus de courage non plus. Je me sens morte.

- Et je te l'ai dit, poursuit-il, c'est dangereux de rester ici. Le jour où Montolo s'apercevra que tu n'es pas partie, tu seras en danger. Et il va te surveiller. Je ne peux plus venir plusieurs fois par jour, on va se faire repérer.

- Non.

- Non, quoi ?

- Je reste. Je sais que c'est la maison de ta maman avant tout, mais c'est ici que nous avons vécu nos derniers moments ensemble, et je ne veux pas partir.

- Louise, Tom n'est pas m...

- Tais-toi !

Je me retourne pour lui faire face et ma bouche tremble.

- Ça fait quatre jours, Enzo et rien n'a bougé. Tu sais comme moi que Tom ne se réveillera peut-être jamais !

- Tu veux la vérité Lou ? Oui, c'est une possibilité ! Mais ce n'est pas en baissant les bras que tu vas l'aider !

Je me laisse choir sur la chaise la plus proche, cache mon visage dans mes mains.

- Je sais, mais je suis si fatiguée... j'ai tellement peur... et je me sens vraiment seule... Pardon Enzo, je ne parle pas pour toi, tu es un ami formidable, ici. Ce que tu fais pour moi, pour Tom, pour nous, c'est merveilleux. Mais mes amies et ma famille me manquent. Sans eux, sans Thomas, je me sens perdue. Et je n'ai plus la force...

- Alors il est peut-être temps pour toi de rentrer...

- Sans Tom ? Jamais !

Enzo soupire profondément, les yeux fermés, et secoue la tête.

- Allez viens, on y va. On a rendez-vous dans une demi-heure avec les spécialistes.

Nous sommes à J4. C'est en général là qu'intervient le tournant dans l'état des patients dans le coma, qu'arrive la décompression, ou les bonnes nouvelles. En arrivant à l'hôpital, je passe embrasser mon amour. Il a repris des couleurs, sa barbe pousse, mais il est toujours inerte, son visage impassible.

Casalnuovo RCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant