Chapitre 18

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En media, "Sparring partner", Paolo Conte

— Dès que tu es rentrée de Gênes, j'ai commencé à chercher des contacts, des personnes issues de cette ville calabraise, via les réseaux sociaux, notamment Facebook, Instagram et Linkedin. Avec toutes ces pages publiques que tu peux suivre, ce n'est pas très difficile. Je me suis d'abord concentré sur la vallée de la Fensch, et le bassin houiller, jusqu'à Longwy, beaucoup d'immigrés italiens sont devenus mineurs dans les années soixante dans ces coins. Ça n'a rien donné, et j'ai étendu mes recherches jusqu'au Grand-Duché. Là, j'ai eu plus de chance et je suis tombé sur un homme, Luigi, un français qui travaille à Luxembourg-ville dans les ateliers Aston Martin. Luigi est né en France, mais ses parents sont originaires de Casalnuovo. Je lui ai raconté ton histoire, en omettant certains détails, cependant il n'a pas pu m'être d'une grande aide, il ne connait pas trop la ville, il a dû y retourner deux ou trois fois depuis sa naissance, il y a cinquante ans. Heureusement, il m'a rappelé quelques jours après notre entretien téléphonique, car il s'est souvenu qu'il a eu un client, au temps où il bossait chez BMW avec qui il avait tissé quelques liens car il venait aussi de Casalnuovo. Il se rappelait de son prénom mais son nom lui échappait, il a donc recontacté ses anciens collègues, et par chance, l'homme est toujours client chez eux. Il s'appelle Giovanni Nicoletti et il vit ici.

Je reste muette un instant, abasourdie par tout ce que Tom vient de me raconter. Pendant que je ruminais, que je ne me sentais pas soutenue, il a remué ciel et terre pour m'aider. Je m'approche de lui, comme je peux dans l'espace inconfortable de la petite voiture, et mes mains sur ses joues, j'approche nos visages pour l'embrasser tendrement.

— Tu es incroyable. Le meilleur ami, le meilleur amour dont je pouvais rêver. Mais tu crois qu'on peut débarquer comme ça chez lui ? Ça ne se fait pas trop...

— J'ai pris contact avec lui, banane. Je l'ai eu au téléphone, et il nous a invités à dîner ce soir. Il vit ici depuis treize ans, il est marié à une Française avec qui il a deux enfants et ils vont régulièrement passer leurs vacances là-bas.

— Tom... Ce que tu as fait pour moi, c'est merveilleux. Il pourra m'apporter quelques informations sur la ville, je ne sais pas si ça va beaucoup m'aider, mais au moins on pourra en parler, et rien que ça, c'est déjà formidable.

— Et surtout, je n'ai pas terminé mon histoire, ajoute-t-il avec un petit sourire.

— Ne me dis pas qu'il y a encore un rebondissement, je ne vais pas te croire...

— Et pourtant... Lou, Giovanni vit ici, avec sa famille. Mais Vincenzo, son frère aîné, vit encore en Calabre. Et tu sais quoi ? Il est flic à la brigade anti-mafia de Polistena, juste à côté de Casalnuovo. Alors, ma surprise ?

— Il est... flic ? à la brigade anti-mafia ?

— Oui, ce qui nous donne donc un « oui » aux questions trois et quatre : tu auras quelqu'un pour t'épauler et veiller sur toi, puisque ça ne peut pas être moi, et te fournir les informations sur Montolo dont tu auras besoin. Il pourra aussi t'aider à trouver un logement, et comme il parle couramment le français grâce à son frère...

— Tom... je ne sais pas quoi te dire, murmuré-je, sous le coup de l'émotion.

— Garde tes mots, mon amour, parce que Vincenzo est là, il est venu d'Italie spécialement pour te rencontrer et il va falloir le convaincre !

En plus des fleurs, Thomas a apporté des macarons et une bonne bouteille qu'il avait cachés dans sa voiture, et c'est ainsi chargés que nous pénétrons dans le hall luxueux de l'immeuble. J'ouvre de grands yeux ébahis. Il y a une sorte de salon, avec d'immenses canapés, des bibliothèques et des cheminées à éthanol qui tentent d'apporter un peu de chaleur à l'endroit qui reste pourtant très impersonnel. Il me semble que cette entrée est exactement l'inverse de la mienne, sombre et exiguë, mais pleine de vie avec les vélos, poussettes et baskets puantes laissées devant les portes. Je m'approche, surprise. Sur les tables basses en verre, des revues présentant des voitures de courses ou des montres de luxe sont savamment placées.

Casalnuovo RCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant