En media, "Iron", Woodkid
Impossible de dormir. Je ne cesse de penser à Thomas, je n'ai aucune nouvelle. Il a dû arriver en début d'après-midi à l'hôpital de Salerno, et être rapidement opéré. Toutes les trois minutes, je vérifie que je n'ai pas un message d'Enzo, qui est celui que l'hôpital appellera, si mon portable n'est pas en silencieux, si j'ai du réseau. Mon téléphone va bien, contrairement à mon amoureux et l'anxiété grimpe à chaque heure qui passe. Vers deux heures, j'enfile un short et me dirige vers les rues commerçantes, je me souviens d'avoir aperçu deux ou trois tabaccherie qui disposaient d'un distributeur à l'extérieur. J'en trouve effectivement un, et munie de ma drogue en tubes, je vais jusqu'au pozzo. Accoudée contre le muret, je contemple le ciel en fumant une, deux, puis trois cigarettes, jusqu'à ce que la tête me tourne et que le tabac retourne mon estomac vide. Il y a des nuages ce soir, qui cachent les constellations, comme si maintenant je n'avais plus le doit de regarder les étoiles, sans lui et avec une clope au lieu d'une glace. Par défi ou pure connerie, j'en fume une quatrième, et je suis obligée de m'allonger sur un des bancs du petit belvédère. Un vent léger souffle et me fait frissonner, de froid, ou du bruissement des feuilles d'olivier en contrebas qui, toujours, me rappellera ce moment, il y a quatre jours, où j'attendais l'ambulance, ma main dans celle de Tom, encore conscient. Les larmes me montent aux yeux, comme à chaque fois que je repense à ces instants, mais je les chasse bien vite. Assez pleurniché, maintenant, je passe à l'action. Et c'est ainsi déterminée que je me redresse et rentre chez moi. Arrivée à la petite maison, je me prépare du café, et passe le reste de la nuit à compulser les dossiers confiés par mon ami, à la recherche d'une faille, d'une piste.
Mon téléphone sonne vers quatre heures trente. Enzo. Je décroche immédiatement.
— Tu as des nouvelles ? m'écrié-je sans prendre le temps d'ajouter la moindre formule de politesse.
— Oui, excuse-moi, Lou, l'hôpital a appelé mais je m'étais assoupi et ça ne m'a pas réveillé, du coup...
— Enzo !
— Ça va, m'assure-t-il précipitamment. Enfin, l'opération s'est plutôt bien passée. Je t'expliquerai ça plus en détail demain.
— Rien de neuf ? Pour le coma, je veux dire.
— Non, Lou. Il ne s'est pas réveillé. L'opération n'a pas fait varier son score de Glasgow, ni en positif, ni en négatif. Dors un peu, c'est ce que tu as de mieux à faire, je suis sûre que tu n'as pas encore fermé l'œil. Je te rappelle demain.
— Merci Enzo. Bonne nuit.
— A toi aussi. Lou, ça va aller maintenant. Je suis certain que ça va aller.
Je raccroche sans répondre, la gorge nouée. Je n'ai pas autant de certitudes que lui.
Je finis par aller me coucher quand le soleil se lève, histoire de dormir quelques heures d'un sommeil nerveux et agité. C'est Charlotte qui me réveille peu après neuf heures, pour savoir si j'ai des nouvelles de Thomas. Je lui rapporte les paroles d'Enzo, et nous convenons de nous retrouver un peu plus tard, dans la galerie marchande du grand supermarché de la ville voisine.
Pour la première fois depuis l'accident, je décide de retourner chez Bernini. J'ai manqué de courage jusqu'ici, incapable d'affronter l'air inquiet des tôliers, et de leur mentir sans fondre en larmes. Aujourd'hui, je sais que je pourrais leur conter la version officielle, Tom est rentré plus tôt que prévu, à cause d'un souci avec un des fournisseurs de la librairie.
Mon mensonge passe comme une lettre à la poste, à tel point que je pourrais me fâcher, crier, mais vous ne voyez pas que c'est des conneries tout ça, Tom a été quasi assassiné par la mafia, et c'est de votre faute à vous tous, à cause de cette omerta permanente ! Mais Rico est souriant, le cappuccino toujours aussi bon, et finalement, je n'ai pas envie, ni de me fâcher, ni de me priver de ce bonheur quotidien. Il me demande de passer le bonjour à mon amoureux, et je suis simplement heureuse de me dire que Tom a laissé une bonne image de lui aux gens d'ici.

VOUS LISEZ
Casalnuovo RC
RomanceAprès des années d'errance, Louise est enfin heureuse. Elle a retrouvé son Thomas, et ils ont ouvert il y a un an la librairie dont elle rêvait. Mais le passé revient la hanter et commence alors une longue quête d'identité, qui la mènera jusqu'en Ca...