Chapitre 36

422 57 323
                                    

En media, "We cut the night", AaRON



La vengeance pour les nuls : faire tomber un parrain de la mafia.





1ere étape : appâter la bête.

Le lendemain de mon retour de l'hôpital, je retourne camper devant chez Montolo. Mais cette fois, pas de banc sur le côté, de carnet de notes pseudo-botaniques, de discrétion feinte. Je passe la journée debout, à vingt mètres de ses fenêtres, stoïque, à attendre. Mais pas qu'il sorte, j'attends qu'il me voie.

Je recommence le lendemain. Puis le surlendemain. Chaque jour, je passe deux, trois heures, plantée comme un piquet, le regard dirigé vers lui. J'ai chaud, j'ai mal au dos, je m'ennuie, mais je ne bouge pas, je pense à Thomas, et cela me donne la force de rester immobile ainsi, plusieurs heures, à le provoquer.

Enfin, le troisième jour, je suis récompensée. Après mon pied de grue, je marche un peu pour détendre mes muscles, vais boire un café chez Bernini, et quand je rentre chez moi en fin d'après-midi, ma porte est ouverte. Je sais cette fois, qu'il ne s'agit pas de Thomas, même si ça aurait été une rudement bonne surprise.

Dans mon salon, je trouve Luigi, l'homme de main de Montolo, le grand qui parle à peu près français, et Rico, un des jeunes.

Nous y sommes, et malgré la peur légitime, je m'efforce de gommer le sourire qui ne doit pas manquer d'étirer mes traits, parce que ces imbéciles sont exactement où je voulais qu'ils soient. Je prends un air épouvanté, et cette andouille de Rico se gausse, trop heureux de me flanquer la trouille.

— On t'a dit de rentrer à ta maison, note sobrement le garde du corps.

— C'est ici chez moi maintenant, pleurniché-je, je n'ai nulle part ailleurs où aller.

Le jeune se lève et s'approche vivement de moi, en me baragouinant avec de grands gestes quelque chose en calabrais que je ne comprends qu'à moitié. Je le regarde, faussement effrayée, et tourne de grands yeux pleins de larmes vers l'autre.

— Qu'est-ce que tu viens faire devant chez le signore Montolo ? traduit ce dernier, mollement.

— Je veux juste lui parler... je n'ai plus rien à perdre... vous avez tué mon fiancé, je n'ai plus mes parents... Salvatore est tout ce qu'il me reste, sangloté-je.

Adesso basta! smettila!

— Non, je veux qu'il accepte de me revoir, on a des choses à se dire...

Non Capisci cosa dice Luigi? Lascialo tranquillo!

Rico s'agite. Il a un couteau dans la main, avec lequel il joue nerveusement. Je frémis, sans faire semblant cette fois, les souvenirs de la soirée d'il y a dix jours sont encore trop frais dans mon esprit. Il s'approche encore de moi, et me menace en promenant lentement la pointe froide sur les traits de mon visage. Une lueur de folie brille dans le regard du jeune homme, que je soutiens sans moufter, même quand le tranchant de la lame entame durement la peau de ma joue gauche. Je m'efforce de prendre un air implorant, comme la jeune fille complètement perdue et inoffensive que je dois être. Et ça marche.

Basta Rico ! Salvatore ha detto di non rovinarla.

Rico range son arme, sans omettre de me jeter un regard assassin, qui me donne une idée de ce qu'il aurait fait de moi si nous avions été seuls tous les deux.

Putana, lance-t-il rageusement en me bousculant pour passer.

Il est temps de mettre en place la dernière scène de ce premier acte, et je me jette tragiquement sur l'autre, pour l'implorer de m'aider, mais Luigi me repousse sèchement. 

Casalnuovo RCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant