Casalnuovo RC

Chapitre 41

En media, "Mes épaules", Albin de la Simone*

*J'écoute très peu de variété française, mais lui je l'aime !!

Trois mois et demi plus tard

Enzo m'a déniché un petit appartement meublé, puisque notre séjour à Salerno se prolonge, et notre vie s'organise ici. J'étais censée partir huit semaines, et finalement, presque six mois plus tard, je suis toujours là.

Nous avons reçu la visite de tous nos proches. Ses sœurs déjà, et si mes retrouvailles avec Emma ont été plutôt froides, elle est déjà bien détendue par le réveil de son frère. J'espère que le temps estompera sa rancœur. Capucine est passée quelques jours avant la rentrée des classes et est repartie avec sa sœur, Charlotte, après des adieux avec Enzo, qui, s'ils ont été déchirants, ne sont pas, selon moi, définitifs. Elle a déjà fait deux aller-retour.

Mes parents sont venus à leur tour début septembre, suivis de François-Xavier, un ami d'enfance de Tom, le temps d'un week-end, et son ami Colin, aux vacances de la Toussaint. Enfin, mon frère, Solène et le petit Loris viennent de repartir, après trois jours passés auprès de nous. Mais la plus belle visite, c'est celle du mois dernier, Caro et Clément qui sont venus nous présenter leur petit Victor, né le jour du réveil de Tom, comme un signe.

—Tu sais, j'ai eu peur, quand j'ai perdu les eaux, m'a confié ma meilleure amie. Il y a une légende qui dit qu'une naissance remplace une mort, j'étais flippée pour Tom. En salle de travail, j'arrêtais pas de demander à Clem s'il avait de tes nouvelles. Quand on a eu ton message, j'ai été si soulagée que je me suis détendue, Victor est né une heure plus tard !

J'avais juré d'être rentrée à temps, j'ai failli à ma promesse. Ça m'a déchiré le cœur de ne pas être à ses côtés alors qu'elle vivait le jour le plus important de son existence, ni maintenant, pour l'accompagner dans ses premiers pas de maman, mais je ne peux pas abandonner Tom, ne serait-ce que quelques jours.

Elle m'envoie plusieurs photos par jour et me raconte chaque détail de leur nouvelle vie de parents. Je regarde sur l'écran de mon téléphone ce petit être blotti contre le sein de sa maman. Est-ce que cela m'émeut ? Indéniablement. Est-ce que cela me fait envie ? Pas du tout. Pour le moment, mon Thomas est ma seule priorité.

J'ai fini mes diverses auditions pour préparer le procès de Montolo et de son clan, je suis officiellement autorisée à quitter le territoire. Malgré mes sollicitations, ma mère a refusé de porter plainte, et je m'en accommode. Je comprends qu'elle n'ait pas ce besoin, comme moi, de remuer le passé. Elle s'estime assez vengée, et ne souhaite pas s'impliquer davantage. Je pense qu'elle a surtout peur d'être à nouveau confrontée à lui, et cela aussi, je ne peux que le comprendre. Thomas et moi serons appelés à témoigner lors du procès, mais en attendant, nous pourrons rentrer en France, où il achèvera sa rééducation, et où moi je reprendrai enfin le travail à la librairie qui me manque tant. Nous retrouverons nos habitudes, nos amis, notre famille, notre vie. Enfin.

Tom a eu beau plutôt bien prendre la nouvelle, les semaines suivantes ont été compliquées. Il a quitté l'hôpital un mois après son réveil pour intégrer un centre spécialisé. La rééducation physique et neurologique occupe la majeure partie de son temps et si la récupération de ses facultés motrices générales et cognitives se déroule plutôt bien, les progrès au niveau de la mobilité de sa jambe n'avancent pas aussi vite qu'il l'aurait espéré. Le plâtre a été retiré il y a trois semaines, dévoilant un muscle affaibli, atrophié, douloureux autour d'un nouvel os de métal. Une jambe étrangère. Lui, pour qui la patience n'avait jamais été la principale qualité, apprend à accepter que le temps doit aussi faire son œuvre. L'irritabilité, les accès de colère et de découragement, inhérents au traitement, font partie des suites logiques et du processus d'acceptation, mais ce n'est pas facile à admettre pour moi, qui supporte mal de le voir souffrir ainsi, et la culpabilité me ronge chaque jour davantage.