Chapitre 31

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En media, "a wolf at the door", Radiohead

Une de mes chansons préférées du groupe, qui résume parfaitement ce chapitre :)



Je reste agenouillée sur le sol un moment, anéantie. C'est moi qui suis morte, inerte. Mais ce n'est pas ma vie qui défile devant mes yeux, c'est la nôtre. Je tente de me relever, pour retomber par terre, sans force, terrassée par la souffrance. Un haut-le-cœur me prend et je vomis le contenu de mon estomac, mes larmes se mélangent aux sueurs froides qui inondent mon visage. Je ne peux ni parler, ni geindre, les cris qui ne sortent pas résonnent dans ma tête, comme des hurlements silencieux. Tom, pourquoi ? Pourquoi suis-je venue ici, pourquoi m'as-tu suivie ? Pourquoi tu m'abandonnes ? Tu avais promis que tu ne me laisserais plus...

Au prix d'un suprême effort, je me traîne à quatre pattes jusqu'à la porte, prends appui comme je peux au mur pour me relever et, accrochée à la rampe, le souffle coupé par la douleur, je descends les escaliers aussi vite que me le permettent mes jambes chancelantes. Dehors, j'ai la présence d'esprit de sortir mon téléphone et appelle Enzo. Il décroche à la deuxième sonnerie, malgré l'heure tardive.

— Pronto ! Lou, ça va ?

— Enzo... sangloté-je.

— Louise, il y a un problème ? demande-t-il aussitôt alerté.

— Ils ont... ils ont tué Tom.

De le dire, c'est comme s'il mourait une seconde fois.

Figli di putana ! Où es-tu ?

— Via Botticcelli, au numéro 32.

— J'arrive.

Je raccroche et contourne le bâtiment en utilisant mon téléphone pour éclairer le jardin et me mettre à la recherche du corps de l'homme que j'aime. Je tremble de tous mes membres à l'anticipation de comment je vais le retrouver. Les larmes brouillent ma vue et deux fois, je fais tomber mon mobile dans l'herbe sèche du petit jardin. Accroupie dans la pelouse, je promène fébrilement mes mains dans les brins tièdes et d'un coup, une rage immense balaye tout et un cri de bête, un hurlement de désespoir, un vagissement sort de mon ventre et monte le long de ma gorge puis résonne dans la nuit sombre. C'est en rouvrant les yeux que je le vois. Son tee-shirt tunisien de coton blanc forme une tache plus claire au sol, même s'il est auréolé de sang qui paraît noir dans la nuit. Je me relève d'un bond et avale en une fraction de seconde la distance qui nous sépare, avant de retomber à ses côtés. Mon tendre amour. Ma vie.

Mes yeux passent vite sur son abdomen, le tissu arraché qui cache les chairs sanglantes et meurtries. Je prends doucement son visage blafard et inerte dans mes mains. L'arrière de son crâne poisse, à cause du sang, qui a aussi coulé de son front, de son nez et macule ses traits crispés.

Mon souffle se coupe quand je sens sa poitrine se soulever très légèrement. Avec une infinie lenteur, ses paupières s'ouvrent à demi.

— Tom ! Mon amour, tu n'es pas... tu es vivant...

Je me retiens de ne pas le serrer contre moi. Les larmes dévalent à nouveau mes joues, mais cette fois, c'est de soulagement, même si je ne sais pas dans quel état il est, il est en vie.

J'ôte mon gilet et essuie comme je peux le sang qui l'aveugle.

— Lou... souffle-t-il d'une voix à peine audible, après ce qui semble être un effort intense.

— Chut, mon amour, ne parle pas, garde tes forces, ne bouge pas. Tu ne dois pas bouger. Enzo arrive, il va t'emmener à l'hôpital.

— Lou, je... je t'...

Casalnuovo RCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant