Chapitre 29

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En media, "Jolene", Jack White



Profiter de ces deux semaines de vacances ensemble était probablement la décision la plus sensée que j'ai prise au cours des derniers mois. Je réapprends à profiter du moment présent, d'une grasse matinée prolongée par des câlins, des instants de joie simples partagées.

Dès le lendemain, munis de nos baskets et d'un sac à dos avec pique-nique, nous décidons d'aller randonner au bord de la rivière Vacale. Enzo nous a expliqué que des siècles durant, les femmes de Casalnuovo allaient laver leur linge dans cette rivière limpide, et en profitaient pour faire bénéficier leur corps et leurs cheveux de l'eau particulièrement douce. Quelques vieilles perpétuent d'ailleurs toujours la tradition, malgré l'eau courante et les machines à laver.

Une partie du parcours s'effectue à l'ombre de la forêt et nous progressons dans le calme de la nature, accompagnés par le clapotis de l'eau. Après une petite heure de marche, nous déjeunons de focaccia, fromage et fruits puis quittons les arbres pour un tout autre paysage : d'éblouissantes cascades, espacées d'un ou deux kilomètres, et cernées par un désert de pierres blanches, comme décolorées par le soleil. La rivière est moins profonde, en partie asséchée ici ou là, entre deux bassins aménagés. Certains endroits sont accessibles par des échelles ou escaliers bricolés par les locaux courageux, mais il nous faut parfois monter des pentes raides, trébuchant dans la poussière des chemins arides, roulant sur les cailloux. Nous nous arrêtons un moment tremper nos pieds échauffés dans l'eau délicieusement fraîche et découvrons des centaines de têtards et de minuscules grenouilles qui grandissent à l'abri des hommes.

Les italiens du Sud sont fainéants, d'après notre guide, et rares sont ceux qui s'aventurent jusqu'ici, où les voitures ne passent pas, où la beauté et la quiétude du paysage se méritent par l'escalade des caillasses sèches. A la dernière cascade, nous nous baignons un moment, et quand Tom dénoue mon maillot de bain, une lueur coquine dans les yeux, je ne proteste pas longtemps, remerciant simplement la paresse calabraise.

La mardi, nous partons à l'aube, en direction de Villa San Giovanni, la pointe de la botte italienne, pour prendre le traghetto vers Messina. Sur le bateau, nous goûtons les meilleurs arancini du monde, avant d'accoster en Sicile. Tom conduit jusqu'à Taormina et nous laissons la voiture dans un parking dans la partie basse de la ville. Nous grimpons ensuite des milliers de marches, pour atteindre le vieux centre, situé en haut d'une colline. Dans la célèbre station, nous visitons le théâtre grec, puis le Corso Umberto où chaque boutique affiche les photos des stars venues séjourner dans la ville. Nous échappons quelques instants à la foule dans la magnifique villa comunale, puis terminons notre excursion sur la Piazza IX Aprile, sur une immense terrasse panoramique surplombant toute la baie, face à l'Etna.

Après un déjeuner délicieux mais hors de prix, nous récupérons la voiture pour nous rendre aux gorges de l'Alcantara, à près d'une heure de route. Nous découvrons, émerveillés, un étroit canyon, formé par des coulées de lave de l'Etna. La matière volcanique a refroidi au contact des eaux du fleuve et a dessiné des formes originales. Il y a beaucoup de touristes, et l'eau glacée ne nous permet pas de nous baigner, mais nous profitons du soleil sur les pierres chaudes, avant de repartir prendre le ferry, enchantés de notre périple.

Thomas a également décidé de profiter de nos quelques jours libres pour m'apprendre à cuisiner certaines recettes que lui a transmises Cuncettina. Il est toujours désespéré par mon manque d'expérience culinaire, et tente sa dernière carte, alors que nous prenons notre petit déjeuner ce mercredi matin.

— Puisque l'on va vivre ensemble, argumente-t-il, je dois te dire qu'une des conditions sine qua non est qu'aucune bouffe industrielle n'entre dans notre frigo commun.

Casalnuovo RCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant