43. Erreurs de jugement

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Levi avait à peine conscience de rouler bien trop vite et de dépasser les limitations de vitesse de manière particulièrement affolante. Le véhicule se frayait un chemin entre tous les autres dans un crissement de pneu et un dérapage incontrôlé.

Le lieutenant actionna le gyrophare bleu qui hurla sur plusieurs kilomètres. Les autres voitures lui ouvraient la route dans un cortège macabre. Le compteur affichait un chiffre totalement fou et le pied de l'homme appuyait toujours sur l'accélérateur. Le cœur battant la chamade, il quitta le centre de la ville pour s'approcher du laboratoire.

Il ne réfléchit pas durant tout le trajet, l'esprit étonnamment vide. Il était prêt à se jeter dans la gueule du loup sans songer aux dangers qui l'attendaient. Sort de cette attitude irresponsable, il s'élançait aux devants de cette menace et rejetai ses responsabilités comme son professionnalisme. L'image d'Eren aux mains de son agresseur suffisait à faire voler en éclats chacune de ses convictions.

Au bout d'une longue dizaine de minutes, le véhicule se gara dans un nuage de poussière brune. Soudainement, l'adrénaline se dissipa de son organisme et il ne sut quoi faire. Lui qui n'avait pas pour habitude d'agir sans instruction, ne pas avoir l'aval d'Erwin le désappointait plus que ce qu'il avait pu imaginer. Les mains crispées sur le volant, il avisait le bâtiment délabré qui se dressait devant lui.

Les tôles d'origine grise arboraient à présent une couleur rouille et les formes gondolées étaient déformées par les intempéries. L'autre partie de la bâtisse semblait plus neuve, d'un blanc à peine sali par le temps. Les minuscules fenêtres ne laissaient rien entrevoir de ce qu'il se produisait à l'intérieur. Tout à droite, entre la partie rénovée et la seconde, le mur semblait avoir été entièrement détruit et portait encore les stigmates de l'explosion passée. Tout ceci semblait mort, sans vie, ajoutant un point d'honneur à l'interminable attente du policier.

Le portable de Levi sonna dans sa poche, emplissant le silence de l'habitacle d'un son aigu et proche de l'insupportable. Il se saisit de l'appareil où un numéro inconnu était affiché avant de décrocher, d'une voix plus fébrile qu'à l'ordinaire :

-Ouais ?

-Monsieur Ackerman ? Ou plutôt, Lieutenant Levi Ackerman ?

-Lieutenant Ackerman.

-Vraiment ? Vous venez seul pourtant et pas au nom de toute votre unité.

Le trentenaire se pinça les lèvres, chaque muscle de son visage se tendit jusqu'à la rupture. La voix de son interlocuteur lui apparaissait comme grave, grave et parfaitement méconnue. Il était certain de ne l'avoir jamais entendu auparavant.

-Vous devriez savoir que nous agissons jamais seul. Je peux savoir à qui je m'adresse ?

-Vous savez qui je suis, sinon vous ne seriez pas là. Pour un représentant des forces de l'ordre, vous agissez de manière particulièrement désordonnée.

Levi ravala son courroux avant de le laisser s'échapper de lui. Il devait faire preuve de calme, rationnaliser les émotions qu'il ne semblait même plus contrôler. En cet instant, il se maudit pour l'irresponsabilité de sa décision et pour ses potentielles conséquences.

-Rhodes Reiss, pourquoi me contacter si vous pensez que je ne représente pas mon supérieur ?

-Je voulais savoir ce que vous me diriez. Eren est avec moi, juste de l'autre côté du mur, tout proche. Qu'en dites-vous ? Sa protection est importante pour que vous fassiez cavalier seul jusqu'ici.

La provocation était évidente et l'homme canalisa son envie de foncer tête baissée dans ce piège et conserver son mutisme. Il redevint un soldat. Qu'aurait dit Erwin à sa place ? Il ne pouvait pas se vanter de posséder le même esprit que son supérieur mais pouvait au moins lui faire honneur, ne pas le décevoir. La vie d'Eren en dépendait, reposait sur quelques paroles. Levi ne pouvait pas attaquer de face ainsi, ce n'était pas concevable en vu des risques.

Un son indistinct s'éleva de l'autre côté du combiné et l'adulte sentit son sang se glacer dans ses veines.

-Il semblerait que l'objet de ta visite s'agit, lieutenant.

-Vous êtes conscient que vous ne vous échapperez pas cette fois ? Je suis seul mais Erwin est en chemin. C'est fini pour vous, ce n'est plus qu'une affaire de minutes.

-J'ai encore une carte à jouer, avança l'autre, un enjouement étrange dans la voix.

Un bruit propre au mouvement se fit entendre et Levi s'interdit le moindre geste. Il s'attendait au pire, l'angoisse atteignait un stade inégalé alors qu'il se trouvait toujours devant la bâtisse. Ainsi, un seul danger résistait et il s'agissait de ses propres démons.

-Parle, Jaeger.

-Vous perdez votre temps, Reiss.

Levi ne croyait plus en ses propres paroles. Ses convictions s'apprêtaient à mourir, à s'éteindre. Il jura, incapable de retenir ce langage alors que la voix d'Eren emplit le silence du véhicule :

-Lev ... Monsieur Ackerman !

-Gamin, souffla l'interpellé, froidement.

Qu'aurait dit Erwin à sa place ? Quelle était la bonne attitude à adopter ? La neutralité ne figurait pas comme un problème pour l'homme, il en faisait usage sans problème mais les paroles lui manquaient. Mécaniquement, il enregistra la conversation avant de prêter attention aux sons étouffés qui lui parvenaient.

-Je ... Je vais bien et je suis ... désolé.

La voix précipitée d'Eren s'éteignit et Levi serra son téléphone entre ses doigts. L'heure tournait et seul un mur les séparait encore. Rhodes semblait prêt à tout et le policier en était absolument certain. Il lui fallait pourtant gagner quelques minutes, quelques précieuses minutes. L'écran s'alluma sans un bruit, annonçant un message de la part d'Hanji :

Il y a eu un contretemps, ils viennent de partir.

Une fois de plus, la réussite de cette mission, la clôture de cette affaire et la vie de la victime reposaient sur ses épaules. Il jura dans sa barbe :

-Tch !

-Alors, monsieur Ackerman, qu'en dites-vous ?

-Si vous m'appelez, c'est que vous êtes prêt à négocier, je me trompe ? Quel intérêt, sinon ? Que voulez-vous et en échange de quoi ? Je connais les types dans votre genre, ils n'agissent jamais pour rien, il y a toujours quelque chose qui vous motive. La reconnaissance une fois qu'Eren aura semé la panique ? Un nom que les gens craindront ? Ca n'a rien d'original et vous échouerez, comme tous les autres.

Levi laissait s'exprimer une part de ses pensées, reformant simplement ses idées en élevant légèrement le niveau de langage. Tout était question de dosage, il n'avait pas droit à l'erreur. Le silence semblait pourtant lui donner raison, appuyer sa parole dans un calme mortel. Il pouvait aisément sentir son pouls battre sous sa peau et l'angoisse grandir, grandir encore.

-Vous vous trompez.

-Je ne me trompe pas, Rhodes Reiss.

-Je peux encore faire des dégâts, même s'il faut que j'en paye le prix après. Ca sera ma vengeance.

-Vous avez perdu la femme, Annie et Christa avec elle, mentit Levi, d'une voix forte. Vous êtes seul, espèce de con à l'ego démesuré !

Un rire s'éleva, un rire de dément et un frisson parcourut la colonne vertébrale du lieutenant. Il restait impassible, les émotions submergeaient son être sans jamais se matérialiser. Le soldat patientait, attendait le glas alors que le gong s'apprêtait à retentir. Sa respiration se suspendit à ses lèvres lorsque l'homme affirma, avec l'assurance de celui qui ne se laisserait pas prendre vivant :

-Il me reste une dernière chance, mon ultime carte. La bête n'a pas encore été lâchée, monsieur Ackerman !

Un petit jour de retard, j'ai beaucoup plus de mal à suivre mon planning en période de vacances entre les départs, les sorties et j'en passe.

Un appel plutôt tendu entre Levi et Rhodes Reiss. Qu'en avez-vous pensé ? "La bête n'a pas encore été lâchée", que vous inspire cette phrase ?

Une opération "sauvetage du cul d'Eren" va bientôt être lancée !

Le sang des Innocents [Ereri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant