45. Oeil pour oeil

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  Les paroles décousues d'Erwin parvinrent à l'oreille de Levi avec quelques secondes de retard. Le lieutenant pendu aux lèvres d'Eren était complètement déconnecté de la réalité. Les murs salis semblaient se refermer sur son corps, l'étouffer et le contraindre à la fuite. Un huis-clos interdit qui prenait désormais tout son sens.

—Eren, qu'est-ce que ... ?

Il n'eut pas le loisir de donner une fin à son interrogation précipitée, le plus jeune s'élança dans sa direction dans une vive offensive. En pur réflexe, le policier esquiva l'attaqua en se projetant à gauche. L'adrénaline signa son retour dans son organisme alors qu'il glissait son arme dans son étui et portait le talkie-walkie.

—J'peux pas te répondre. Il est en crise.

—On arrive.

Eren respirait rapidement, tournant momentanément le dos à son ainé. Ce dernier remarqua le sang qui coulait le long de son bras et les morsures qui saturaient son épiderme au niveau de sa main droite. Levi pouvait aisément imaginer les traces d'injections à l'intérieur de son coude.

—Reiss ... Fils de pute ! gronda-t-il, sourdement.

Pour l'une des premières fois de son existence, il fut pris d'une envie sourde de hurler sa rage à plein poumon. Une pulsion meurtrière gonfla dans ses entrailles et elle ne se tournait à aucun moment vers le brun qui se retournait déjà dans sa direction. Un éclat bestial éclairait les orbes verts et ne laissait rien présager de bon tout comme la veine qui pulsait dangereusement sur la tempe du plus jeune. Le trentenaire serra les poings, prêt à parer les prochains coups commandités par une chape de démence.

Le jeu du chat et de la souris prit une toute tournure et Levi ne put que le confirmer. Chaque fois qu'Eren se précipitait vers lui, il basculait de côté et évitait de peu la collision. Il devait simplement gagner du temps, une poignée de minutes, quelques malheureuses secondes avant l'arrivée d'Erwin. Le temps défilait au rythme des coups manqués et des battements cardiaques endiablés. Il n'existait aucune autre issue potentielle et le lieutenant s'y pliait, presque sagement. Une goutte se sueur parcourut sa colonne vertébrale alors que son cadet arrêtait momentanément sa course folle.

Ni l'un ni l'autre n'avait avancé d'un pas. Rhodes patientait certainement dans la salle subjacente dans un calme parfait. Il aurait suffi à l'adulte de pénétrer dans la pièce et de le cueillir sans tâche ni bavure. Atteint d'une idée qu'il jugeait brillante, l'homme attrapa le talkie-walkie avant de beugler contre l'appareil :

—Erwin ! Passe par le côté droit du bâtiment !

Eren choisit cet instant précis pour revenir à la charge, jouissant d'un effet de surprise incontrôlée. Levi suivit le mouvement, se jetant contre les murs à l'opposé de son homologue tout en poursuivant ses missives à l'apparence désorganisée :

—Reiss est forcément dans la salle principale, au centre. Tu tomberas dessus à tous les coups. Je m'occupe du gamin, je te laisse Reiss alors le loupe pas !

Le policier encaissa à l'instant d'après un coup d'une extrême violence en plein dans la mâchoire. La puissance du choc le projeta à terre où il roula, sonné. La douleur irradia dans tout son crâne et il lui fallut de longues secondes avant de retrouver ses esprits et une pleine possession de ses moyens. Il cracha une gerbe de sang avant de marmonner :

—Tch ! C'est que t'as une sacrée droite, gamin.

Il se releva, ignorant sensiblement la migraine qui perçait la frontière de son esprit. Eren l'observait comme l'on observait un parfait inconnu, avec une crainte mêlée de méfiance. Son adversaire du jour pouvait aisément voir la folie le consumer ainsi qu'une soif de sang incommensurable. Une réaction chimique créée de toute pièce par l'auteur de cette joyeuse mascarade. Le blessé n'était désormais plus qu'un pantin au service d'une entreprise des plus sombres.

Le sang des Innocents [Ereri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant