2 • Coraline

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Ça y est. Ma rentrée est dans quarante-cinq minutes, à quatorze heures.

J'ai peur. Tellement peur de ne pas réussir à tout changer... Et j'appréhende aussi de revoir Melon. Je suppose qu'on va s'ignorer, comme on le fait depuis bientôt trois ans et demi, mais quand même.

Je déverrouille ma porte d'entrée et jette un coup d'oeil dans le miroir avant de partir. Il est dans l'entrée, sur un placard coulissant, et c'est un des seuls de la maison qui n'est pas cassé. Avec celui que je garde précieusement au fond de mon armoire.

Changement de vie, changement de style: au lieu de mes habituels tee-shirts à motifs et pantalons de velours (oui, c'est un style de pourri, mais le budget vêtement est quelque peu limité), j'ai mis un slim noir piqué à ma mère, un tee-shirt noir manche courte rentré dedans, et une chemise à carreaux noire et rouge, elle aussi "empruntée" à ma mère. Le tout accompagné de bottines à petits talons noirs.

Beaucoup de noir, oui. Mais j'adore cette couleur, et je n'en avais pas dans mon armoire. Je n'ai que des vêtements nuls, en fait. Du coup j'ai beaucoup chipé à ma mère.

Comme elle passe ses journées dans la cuisine, avec la plupart du temps les mêmes habits toute la semaine, elle ne remarquera rien. Ou alors sinon elle reste en pyjama, et elle ne se douche que quand je l'y traîne.

La jeune fille que je contemple dans le miroir n'est plus la même qu'il y a deux mois. Et j'en suis fière.

Mes cheveux châtains m'arrivent désormais dans le creux du dos, je les ai laissés pousser toutes les vacances. Mes yeux verts ou bleus, selon la lumière, sont soulignés d'un léger trait de liner. Je n'ai pas l'habitude de me maquiller pour l'école, je ne le faisais en fait jamais au collège. Mais je me suis rendue compte que cela m'aidait à avoir confiance en moi.

Ma mère ne fait pour ainsi dire jamais à manger, alors je fais tout moi-même (quand elle daigne me laisser accéder à la cuisine où elle est perpétuellement cloîtrée, avec ses bouteilles d'alcool).

Ce qui fait que certains jours, je ne mange pas, et que je pèse trente-huit kilos tous trempés pour un mètre soixante-trois. Actuellement, c'est le seul point négatif que je trouve à mon apparence, ce qui me rend heureuse. Heureuse d'avoir réussi à regagner la confiance en moi perdue à cause de Melon.

Je secoue ma tête en me rendant compte que mes pensées ont totalement dérivées et claque la porte de chez moi après être sortie dans le couloir.

Je descends par les escaliers, car pour changer l'ascenseur est en panne, et arrive directement devant mon arrêt de bus. Le seul avantage de cet immeuble, où ma mère et moi avons déménagé après la mort de mon père, est bien son accès direct aux transports. Même si l'abandon de notre maison m'a déchiré le cœur, il le fallait bien pour pouvoir tenir le plus longtemps possible au niveau financier.

Le bus arrive directement (en même temps j'avais regardé avant de partir dans combien de temps il était) et m'emmène à la gare rer, vingt minutes plus tard.

Je monte sur le quai et soupire quand je vois qu'il est dans dix minutes. Heureusement que j'avais pris de la marge, parce que entre mon bus qui passe toutes les vingt minutes et le rer toutes les dix, plus dix minutes de marche pour arriver au lycée, je serais arrivée en retard.

Il arrive enfin, et je monte dedans pour en ressortir une station plus tard. Vous moquez pas, c'est long les stations de rer, hein!

Je sors de la gare et me mets à marcher. J'arrive enfin au lycée, il est 13h58. Pile à l'heure. Parfait.

Je rentre dans la gigantesque structure. Cet établissement fait toutes les classes de la petite section à la terminale. Ce qui est bien ici, aussi, c'est qu'ils adaptent les frais de scolarité aux revenus de la famille.

I Need Your HelpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant