7 • Coraline

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Les jours ont défilé à la fois lentement et rapidement depuis la rentrée, et nous voilà déjà lundi.

Lundi et le début du voyage d'intégration.

Au lycée, Raphaella m'a présentée à ses amis. Bon, j'ai du mal à me l'avouer, mais ils sont sympas. Même si ce n'est pas pour autant que je compte m'attacher.

Je ne suis attachée qu'à deux seules personnes sur cette planète: Marine et ma grand-mère paternelle, qui est en maison de retraite. Tous mes autres grands-parents étaient morts avant ma naissance.

Je sais pas comment Marine a fait, mais je lui fait confiance, et malgré ça elle ne connaît pas toute l'histoire.

Le rer qui arrive à quai me sort de mes pensées. Je monte dedans et en ressort quelques minutes plus tard avant d'entamer la marche vers le lycée, en trainant ma valise derrière moi.

Il est 6h50, et je ne râle pas d'avoir dû me lever à 5h30, au contraire. J'ai ainsi évité ma mère, qui n'est pas au courant pour le voyage, et je ne vais pas la voir jusqu'à mercredi soir.

Comment est-ce que j'ai finalement réussi à partir? Eh bien c'est une longue histoire. En fait, non. Elle est plutôt courte. Madame Fiorella me l'a payé.

Quand tout le monde rendait les papiers pour partir, je ne l'ai pas fait, puisque je ne pouvais pas payer le coût du voyage. Nous étions en cours de français, et Mme. Diani, qui récupérait les documents, l'a remarqué en fronçant les sourcils.

Elle est venue me voir à la récré et m'a fait venir dans son bureau pour me demander de rendre les papiers au plus tard le lendemain, sinon je n'allais pas pouvoir partir.

Je lui ai répondu que ma famille ne pouvait pas payer le prix du voyage, et je suis partie avant qu'elle ne puisse répondre, ne voulant pas voir la pitié dans ses yeux.

Dans l'après-midi, on avait cours de physique (SPC) et Madame Fiorella m'a retenue à la fin du cours. Elle m'a demandé si ce que j'avais dit à Mme. Diani était vrai, je lui ai répondu que oui, et elle a sorti son carnet de chèques de son sac.

La salle de classe était vide, et je n'ai pas pu m'empêcher de la regarder avec des yeux ronds faire un chèque de 80€ avec le bon ordre, et me le tendre ensuite.

- Prends. Je ne veux pas que certains élèves restent ici à cause de problèmes financiers.

- Non, je... Je ne peux pas accepter ça. Je ne partirai pas.

Toujours en secouant la tête, j'ai tourné les talons pour sortir, et une main s'est agrippée à mon bras. J'ai sursauté, car les contacts et moi ça fait deux, et ma professeure a aussitôt retiré sa main en s'excusant.

- Désolée. Je ne voulais pas te faire peur. Mais prends-le, s'il te plaît.

Je n'ai pu que céder face à son regard implorant, et tendre une main pour attraper le chèque. Je l'ai ensuite remerciée d'un vrai sourire, comme je n'en avais pas eu depuis longtemps, et suis sortie de la classe.

Le lendemain, j'ai pu rendre tous les papiers signés par ma mère à demi-inconsciente par l'alcool, elle ne s'est donc pas rendu compte qu'elle signait pour que je parte.

J'allais souffrir quand je rentrerai, mais bon, il y a de fortes chances que ce petit voyage en vaille la peine.

J'arrive enfin au lycée pile à l'heure (pour changer) juste avant que Madame Fiorella ne demande à notre classe de se rassembler sur le parking devant le lycée pour faire l'appel.

Raphaella arrive avec Marylou et Ilona vers moi, et me fais un petit sourire que je lui rends par un hochement de tête.

Elle s'est habituée à l'absence de signes de joie apparents chez moi, et a appris à décrypter la valeur qu'un regard ou hochement de tête pouvaient avoir de ma part.

Honnêtement, je l'admire pour avoir réussi à comprendre aussi vite comment je fonctionnais. Un autre se serait braqué de ne pas me voir essayer de "sociabiliser", mais Raphaella a vu que je le faisais à ma manière.

Ce qui fait un bon point pour elle, même si ce n'est pas pour autant que je compte devenir amie avec elle. Des connaissances. Rien que des connaissances. Ça vaudra mieux pour eux.

L'appel terminé, on monte dans le car, et je m'installe vers le milieu avec l'intention de rester seule. Je m'assieds à la fenêtre, mon sac posé sur le siège d'à côté pour montrer mon désir de solitude. Ce que Raphaella n'a pas compris, puisqu'elle pose mon sac par terre pour poser ses fesses sur le siège à côté de moi.

Je tourne la tête vers elle en levant un sourcil, et elle soupire en levant les yeux au ciel.

- Bon, écoute Coraline. Je ne sais pas pourquoi tu veux toujours être aussi solitaire, et je ne cherche pas à savoir, je respecte ton intimité. Mais ça ne peut pas durer.

- Tu ne pourras rien changer à ça. C'est impossible.

- Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. Marc Twain.

Elle croit m'avoir eu, en retournant contre moi mon habitude de citer à tout bout de champ. Mais c'est sans compter les nombreux proverbes tourbillonnant dans mon esprit:

- Ne demandez ni ne désirez l'impossible. Proverbe oriental.

Elle lève les yeux au ciel en soupirant. Mon petit sourire satisfait lui prouve que je sais que j'ai gagné, et qu'elle ne pourra jamais me battre sur ce terrain-là. Sauf qu'elle ne bouge toujours pas ses fesses du siège à ma droite.

Le car démarre alors, et je soupire en me faisant au fait qu'il est trop tard pour changer de place.

Je passe le trajet à regarder Riverdale, que j'ai découvert la veille. J'en suis déjà au début de la deuxième saison.

Mon abonnement Netflix m'a été offert par un oncle assez riche qui ignore tout des problèmes financiers que l'on traverse.

Quand le car s'arrête, deux heures plus tard, je lève les yeux de mon écran, surprise par cette pause.

- Pause! me lance Raphaella en se tournant vers moi. Tu viens?

J'opine silencieusement et glisse mon téléphone dans ma poche avant de ranger mes écouteurs et de descendre de cet autobus.

En arrivant à la station-service, je regarde directement les prix des cafés. J'en bois normalement tous les matins, c'est le seul truc que je peux ingérer à 7h, mais je n'ai pas pu en prendre aujourd'hui. Le bruit de la cafetière aurait réveillé ma mère.

Quand je vois que c'est 1€50 le café, je soupire et me fait à l'idée que je n'en aurais pas cette fois, avant de m'installer à une table avec Raphaella, Marylou et Ilona.

Je suis du côté du comptoir, et les effluves de café qui me parviennent aux narines font tressauter ma jambe gauche de manière incontrôlable. Je suis vraiment dépendante de cette boisson.

Alors que je regarde sans vraiment les regarder les filles lancer un débat sur "quelles sont les meilleures pâtes?", un gobelet de café fumant se pose devant moi. Elles n'ont rien vu, trop absorbées par leur discussion. Je lève la tête et voit Mme. Diani s'éloigner de notre table pour rejoindre Madame Fiorella.

Mes yeux papillonnent entre la tasse et la surveillante, et je finis par hausser les épaules et boire le contenu du gobelet.

C'est fou l'habitude que prennent les adultes de cet établissement à me payer des trucs...

***

I Need Your HelpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant