20 • Coraline

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Je ressors du bureau de Mme. Diani trente minutes plus tard, à la sonnerie. Elle m'a dit certaines choses, en a crié d'autres, et je l'encourageais à hurler, ne voulant pas qu'elle finisse comme moi à tout intérioriser.

Elle a fini par s'effondrer en larmes, et je me suis levée pour déclencher la fermeture des stores automatiques avant de me poser sur ses genoux et de l'entourer de mes bras.

Nous sommes restées une dizaine de minutes dans cette position, et je dois bien avouer que j'ai moi aussi pleuré. Nous lâchions nos larmes ensemble? Et bien nous nous sommes réconfortées mutuellement.

Je vais... mieux.

Ça m'a fait du bien de pleurer un bon coup, et d'avoir enfin l'impression de servir à quelque chose en aidant une personne dans le besoin.

N'étant pas en récréation tout de suite mais à l'heure suivante, mes pas se dirigent vers ma salle de classe. Je croise Monsieur Qualoss en chemin, et je ne peux m'empêcher de lui lancer un regard aussi noir que possible. Il est pris au dépourvu mais se ressaisit en me retournant un air supérieur. C'est ça, c'est ça... Fais le malin tant que tu le peux encore...

J'arrive enfin à ma salle de classe. Quand j'apparais sur le seuil, le silence le plus total se fait.

Il est brisé par un bruit. Un bruit de main frappées les une contre les autres. Un bruit d'applaudissement. Qui est aussitôt suivi par un autre, puis un autre...
C'est au final toute la classe qui applaudit en restant silencieuse, me lançant des regards de fierté.

Une voix finit par dominer le bruit:

- Bien joué!

Un certain Thomas. Je crois.

- Ouais!

- T'as assuré!

- À ta place j'aurais pas osé!

- Je t'admire tellement pour ce que t'as fait!

Et c'est ainsi qu'une multitude de petites phrases me sont lancées gentiment par mes camarades. Je les avais peut-être jugés trop vite. Ils sont finalement remontés rapidement dans mon estime.

Toujours figée sur le seuil de la porte, je finis par remercier tout le monde avec un petit sourire qui disparaît bien vite, mais les grands qu'ils me rendent me prouvent qu'ils l'ont vu.

Une fois assise à ma place, la professeure de mathématiques, Mme. Laplu, ne tarde pas à arriver et Raphaella me glisse:

- Et bien, toi alors... Tu m'as épatée! Quand tu as claqué la porte, tu aurais dû voir la tête de Monsieur Qualoss! À mourir de rire!

Je souris intérieurement et répond à ma voisine:

- Merci.

Puis je me décide à écouter le cours qui vient de commencer, étant sinon larguée en mathématiques, bien que j'apprécie cette matière.

***

La fin des cours! Heureusement, je n'en pouvais plus. J'ai fait une crise d'angoisse en cours d'espagnol qui m'a vidée de mon énergie, alors je n'ai qu'une envie: rentrer chez moi en espérant que ma mère soit calme. Elle l'est en tout cas depuis que je suis plâtrée, et une semaine sans recevoir de coups... Je n'étais plus habituée.

J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et lance ma playlist là où je l'avais arrêtée ce matin.

House of memories, de Panic! At the disco.

Une musique qui s'écoute avec le son à fond. J'augmente donc le volume aussi haut que je le peux sans que cela ne me fasse mal aux oreilles, et pars en direction de la gare RER.

Au passage piéton, je ne prends pas la peine de regarder avant de traverser, la rue étant très peu passante. Mais j'ai à peine fait trois pas sur la route que je suis brutalement tirée en arrière. Pour voir une voiture passer à toute allure à l'endroit où je me tenais quelques secondes seulement auparavant. Voiture roulant à sûrement plus de cinquante kilomètres/heures.

Je reste tétanisée, ignorant toujours l'identité de la personne qui vient probablement de me sauver la vie. Mes muscles ne me répondent plus, le sang a quitté mon visage et l'air passe difficilement dans mes poumons. Malgré tout, ce n'est pas une autre crise de panique.

Mes écouteurs me sont enlevés des oreilles, et je devine l'identité de la personne derrière moi à sa voix qui me hurle:

- NON MAIS ÇA VA PAS? DEPUIS QUAND TU TRAVERSES COMME ÇA?

Ma professeure de mathématiques, Mme. Laplu. Elle ne doit pas avoir plus de trente ans, aussi en tant qu'élève on se sent plus proche d'elle que des autres enseignants. Elle me fait tourner pour que je me retrouve face à elle. Mon absence de réaction la fait soupirer.

- Tu m'as fait peur. Vraiment. Je t'ai hurlé de t'arrêter mais tu ne m'as probablement pas entendue, vrai ou faux?

Je réussis à murmurer faiblement un "vrai". Le sang remonte progressivement dans mon visage, je le sens. L'air passe de nouveau dans mes poumons, et mes muscles se décrispent.

- Tu te sens mieux? me questionne mon interlocutrice.

J'opine et la remercie avant de récupérer les extrémités de mes écouteurs qu'elle tient dans sa main, toujours reliés à mon téléphone. Puis je regarde de chaque côté cette fois-ci et traverse enfin cette rue.

- Coraline!

Surprise, je me retourne et fait face à ma professeure à travers la route qui nous sépare.

- Prend soin de toi.

- Ne vous inquiétez pas. Vous aussi.

Elle me fait un sourire mais je n'arrive pas à le lui rendre, alors je tourne les talons et continue mon chemin.

***

Je referme la porte derrière moi en arrivant dans mon appartement. L'odeur de la cigarette est très présente, mais après avoir fait le tour de l'appartement je ne trouve pas ma mère. Elle doit être allée chez son "nouveau mec". Une espèce d'abruti, mais je pense que c'est grâce à lui que j'ai un répit depuis une semaine. Alors je le remercie quand même.

Je m'affale sur le canapé du salon et laisse mon regard errer autour de moi. La pièce est sale, jonchée de débris, d'emballages, de bouteilles vides. Mon regard finit par se poser sur l'accoudoir juste à côté de moi. Un paquet de cigarettes.

Je ne devrais pas...

Cela fait quelques semaines à présent que je vole des clopes à ma mère. Elle ne s'en rend pas compte, bien sûr, elle en consomme tellement. Je sais que c'est mal, que ça ne règle rien, que ça empire les choses. Mais ça me fait me sentir mieux quelques minutes, c'est donc un mal pour un bien.

Je tends ma main droite et attrape le paquet, puis me lève et me dirige vers ma chambre, où j'ouvre le deuxième tiroir de mon bureau pour en sortir un briquet. Je pose une cigarette entre mes lèvres et l'allume de ma main non-plâtrée. Puis j'ouvre ma fenêtre et m'assieds sur le rebord en prenant une grande bouffée de cette chose qui me tue. Mais qu'est-ce que ça fait du bien...

Il fait bon pour la saison, la température dépasse bien les vingt degrés. Le soleil me tape sur la figure, et je ferme les yeux en commençant une deuxième clope après avoir fini la première.

Je repose ensuite le paquet à sa place, planque le briquet dans le tiroir et vais me rasseoir à la fenêtre.

Il faudrait que je fasse mes devoirs. Mais bon... Pas envie.

***

I Need Your HelpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant