30 • Manelle

110 14 32
                                    

Ses bras.

Mes bras.

Ses bras.

Mes bras.

Nos bras.
Les mêmes.

Si fragile.

Elle tremble.
Ses yeux alternent entre Mallory, et moi. Moi. Mallory. Mallory. Moi.
Elle abaisse finalement ses bras face à notre manque de réaction et les replie contre elle-même, si maigre, si fine. Je me répète, mais tellement fragile.

Je tourne mes yeux vers la surveillante. Elle n'est pas en état de quoi que ce soit. Car les marques sont à vif. Les croûtes à peine faites. Sur les avant-bras. Remontent plus haut. Disparaissent sous ses manches, entre le coude et l'épaule. Mais je suis sûre qu'il y en a à d'autres endroits.

Alors je m'avance. Un premier pas, timide. Un deuxième. Puis le troisième est rapidement franchi et je la serre contre moi de toutes mes forces. Au début surprise, Coraline répond à mon étreinte et après à peine quelques secondes, ses épaules recommencent à s'agiter de spasmes de plus en plus rapprochés. Elle pleure. Enfin. Pour quelque chose envers lequel elle n'avait encore jamais versé une seule larme. Après tant de jours, de semaines, de mois à se retenir. Elle évacue tout, repousse tant bien que mal hors d'elle les sentiments négatifs la rongeant. J'entends la porte du bureau s'ouvrir, puis se refermer. Mall est sortie. Elle a compris, compris qu'elle était impuissante, au contraire de moi. J'aurais préféré l'être, j'aurais préféré ne pas avoir subi ce que j'ai subi. Mais ces horreurs, mon passé, ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui, c'est-à-dire une personne dans le pouvoir d'aider une jeune adolescente brisée bien trop tôt par la vie.

- Elle... Elle...

- Chh, calme-toi... Respires, tu auras tout le temps de parler après...

- Non... Elle, elle va...

- Qui, elle?

- ...

- Ta mère?

Son silence me répond, mais le rythme de ses sanglots s'intensifie et elle s'agrippe encore plus à moi, comme si elle avait peur. Peur que je la lâche, peur que je disparaisse. Mais rien de tout cela ne se produira.

- Ok. Tu sais quoi? Tu ne rentres pas chez toi ce soir. Parce que j'ai compris.

Elle se crispe.

- Elle te bats, n'est-ce pas? Ton absence après le voyage d'intégration, ton attelle ensuite. Ton refus de te mettre en combinaison devant les autres. Toutes ces marques. Ta première tentative.

Elle lâche un mot étouffé que j'interprète comme "stop". Mais il m'est impossible de me stopper. Pas maintenant que j'ai la confirmation de ce que je soupçonnais depuis quelques temps déjà.

- Tu sais quoi? Tu ne rentres pas pour le week-end.

- NON! Après, elle... Elle va... Recommencer...

- Après elle va surtout aller faire un tour en prison puisque nous serons allées prévenir la police. Elle ne va pas recommencer. Jamais.

- Mais... Non... Ils me croiront pas...

Sa voix s'étrangle.

- Si. Il est hors de question que tu rentres.

Le silence. Elle a compris, compris que je n'abandonnerais pas cette idée.

- Et... Quand tu seras prête, je serais toujours là pour t'entendre. Parce qu'il n'y a pas que ça, n'est-ce pas?

Un cri sort de sa bouche. Et même étouffé par mon épaule, la rage et la douleur présents me donnent des frissons. C'est bien plus grave que tout ce à quoi je m'attendais, j'en ai bien peur. Alors que mon imagination n'était déjà pas bien joyeuse.

I Need Your HelpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant